Vers une disparition du tabou des règles dans le monde du sport
Posted On 27 février 2021
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Les écoulements menstruels ont lieu en moyenne une fois par mois sur une période d’environ 5 jours. Ce phénomène biologique est vécu de manières différentes selon les femmes. Plus ou moins douloureuses, elles peuvent impacter leur quotidien. Dans le monde du sport, ces périodes vont parfois influencer leurs performances. Selon l’activité pratiquée, les retombées ne seront pas les mêmes sur le corps allant de la simple gêne jusqu’à la douleur extrême. « Cela dépend du ressenti des règles pour chacune. Certaines athlètes se mettent sous pilule avant une compétition afin de décaler les cycles et d’ainsi éviter les douleurs pendant l’événement », explique Dr Laurence Bernadet-Vaksmann, gynécologue et responsable de « la section gynécologie et sport » du cabinet Gynécolille. La spécialiste est claire. Si une sportive ne veut pas être gênée dans sa pratique, « le plus simple reste les pilules pour supprimer ou décaler les règles ».
Le suivi des athlètes existe. Il passe par des formulaires ou encore des rendez-vous avec le médecin. « Chaque matin, nous devons remplir un questionnaire pour indiquer comment nous nous sentons au réveil », confie Léa Munier, joueuse du FC Metz passée par le Pôle Espoirs de Strasbourg. La qualité du sommeil, une éventuelle blessure ou encore la forme générale sont tous des sujets évoqués dans ces tests quotidiens. Toutefois, entre ces questions basiques s’en glissent des plus personnelles : Avez-vous vos règles ? Sont-elles douloureuses ? Ces interrogations sont obligatoires puisqu’elles donnent aux entraîneurs une vision sur les états de forme des joueuses. Les réponses pourront aussi offrir au staff une potentielle raison à la baisse de performance d’une athlète. « Hormis ces deux questions, il n’y a aucun suivi. C’est assez individuel », affirme l’ancienne joueuse de Nancy.
Ces tests, bien qu’insuffisants, relèvent pourtant d’une évolution dans la gestion des sportives. Toutefois, ils ne sont pas présents dans toutes les disciplines et dépendent en partie des moyens dont disposent chacune d’elles. L’accompagnement médical des sportives dépend de l’argent qu’investissent les clubs dans des staffs plus ou moins pléthoriques. Tant que cela restera ainsi, les inégalités du suivi des athlètes perdureront. Rendre ces questionnaires obligatoires pour toutes les pratiques pourrait alors être un point de départ intéressant.
Dans cet univers, les athlètes apparaissent souvent comme chouchoutés. Mais que se passe-t-il vraiment quand une joueuse fait part de ses douleurs ? « Généralement elle avertit la coach pour prévenir mais ce n’est pas pour autant qu’elle cesse l’entrainement », assure la joueuse Grenat. Décision dangereuse ou simple peur de prendre du retard sur la concurrence ? L’adversité et la crainte de perdre sa place poussent les athlètes à toujours en faire plus. Si pratiquer en période de règles n’est pas risqué en soi, lorsque cela devient trop douloureux il est fortement conseillé d’écouter son corps et d’arrêter sa séance. Et dans ces moments-là, le staff technique doit être en mesure de prendre une décision pour préserver la sportive. « Chez les sportives, il est plus simple de parler de ce genre de choses avec un coach féminin, plutôt qu’un coach masculin », déclare Léa.
Savoir écouter ses athlètes est normal. Savoir leur apporter des réponses et des conseils doit être une des lignes directrices des programmes de formation. Si les fédérations n’ont toujours rien mis en place à l’heure actuelle, il appartient à chacun de se renseigner de son côté afin d’être mieux préparé à évoquer ce sujet. Laurence Bernadet-Vaksmann est optimiste concernant l’avenir. « On en parle beaucoup plus, ce n’est plus autant tabou. Enfin, on fera un nouveau grand pas en avant le jour où les protections périodiques seront remboursées. »
Si les hautes instances n’apportent aucune solution pour le moment, gynécologues, sages-femmes mais aussi les sportives elles-mêmes, sont là pour répondre aux différentes interrogations.
Théo Wargnier
Crédits photo : Adrien Leroux
Donner la vie devrait rester naturel. Le milieu du sport de haut niveau l’en empêche. Dans une vie faite de précision, la conception n’échappe pas à la règle. La naissance d’un enfant s’organise et fait l’objet de fins calculs. Prévoir, devient alors le maître-mot pour ne pas briser ses rêves de compétition. Incompatibilité, celui qui traverse l’esprit de chaque athlète souhaitant devenir mère.
Une idée furtive, comme un tabou inavouable. Telle est la réalité dans un monde forgé d’exigences. Fédérations, sponsors, clubs, sont autant d’obstacles qui sonnent comme un avertissement. Celui d’un choix entre la carrière ou l’enfant. Mais ces femmes n’ont plus à prouver, et choisissent leur propre destinée. 2017 : Serena Williams remporte l’Open d’Australie. Enceinte de plus de deux mois, elle laisse une nouvelle trace dans sa légende. Et une autre dans les esprits.
L’histoire n’est pas toujours aussi belle. Bébé rime très régulièrement avec arrêt. Comme un point d’honneur à une carrière au goût parfois d’inachevé. Mais de plus en plus font le choix de concilier grossesse et pratique. La bienveillance de certaines structures y est aussi pour beaucoup. L’adaptation « officieuse » des contrats, pour lisser le salaire notamment, soulage les sportives d’un poids énorme. Le défi, lui, est de taille. Des mois d’arrêt, et autant de travail. Jamais le temps de souffler. C’est à peine si l’athlète peut réellement profiter du plus beau jour de sa vie. Déjà, elle se tourne vers son prochain objectif. Le retour au très haut niveau.
Naël Makhzoum
Vidéo réalisée par Eloi Thouault
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