L’Écocirque bouscule les codes du monde circassien
Le 29 janvier dernier, l’Assemblée Nationale a voté une proposition de loi visant notamment à interdire la présence d’animaux sauvages dans le cirque au cours des prochaines années. Un cirque a déjà pris les devants et ne possède plus d’animaux, il s’agit de l’Ecocirque.
En mai 2017, le cirque Joseph Bouglione effectue sa dernière représentation. André-Joseph Bouglione et Sandrine Suskow mettent alors au point leur nouveau spectacle, l’Écocirque. Deux lignes directrices guident leur projet : un show sans animaux et écoresponsable. Le passage d’un cirque avec puis sans animaux est le résultat d’une longue réflexion. Quelques années avant sa fermeture, le cirque Joseph Bouglione refusait que ses animaux se reproduisent en captivité et n’en achetait plus. Lors de ses dernières représentations, une vingtaine d’animaux sillonnaient la France. Ils sont pour la plupart décédés. André-Joseph Bouglione, ancien dompteur de tigres et directeur de cirque depuis ses 18 ans, explique ce choix d’un cirque sans animaux.
Un public mal à l’aise
Ayant pris conscience des conditions de détention des animaux en captivité et du malaise d’une partie du public, André-Joseph Bouglione et sa femme Sandrine Suskow se tournent donc vers un show 100% humain. Ils considèrent donc que le cirque a besoin de se renouveler alors que certaines pratiques traditionnelles sont moins acceptées par le public. Le directeur du cirque ajoute : « Je ne voulais pas transmettre un problème à mes enfants. » Les critiques concernant la captivité d’animaux sauvages se faisaient plus nombreuses ces dernières années. Selon André-Joseph Bouglione, les animaux dans les cirques auront disparu « d’ici cinq à sept ans ». La loi est également plus stricte concernant la présence d’animaux dans le cirque (lire ci-dessous).
Cet engagement a impliqué une révision complète du spectacle et une recherche de nouveaux artistes venus de divers pays. Pour combler les numéros avec les animaux, les shows humains sont plus nombreux. Ainsi, on retrouve notamment un clown, des trapézistes, des jongleurs, une lanceuse de couteau, etc. Au total, une trentaine d’artistes fait équipe pour un spectacle de deux heures. Ce tournant opéré dans le monde circassien, s’il est réussi, pourrait amener d’autres cirques à faire de même.
Ecoresponsable, vraiment ?
La condition des animaux dans le cirque n’est pas la seule préoccupation de l’Écocirque. Ce dernier est décrit par ses fondateurs comme étant « écoresponsable ». Le chapiteau est entouré de l’Ecovillage et ses différents stands de partenaires proposant nourriture et animations. Ces sponsors sont soumis à des règles strictes en matière de consommation et de recyclage. Concrètement, « nous utilisons une énergie verte, de l’électricité produite par des éoliennes notamment ». Le recyclage des déchets est privilégié sur le site. Les déplacements entre différentes villes se feront, dans la mesure du possible, par voie maritime ou ferroviaire afin de diminuer la pollution. Le directeur de l’Ecocirque avoue honnêtement : « Avant, nous fonctionnions sans nous préoccuper des questions écologiques. »
Un investissement important
Si le cirque a de l’avance par rapport à ses concurrents sur le plan de la préservation des animaux au cirque et de son empreinte carbone, aucune représentation n’a pu encore avoir lieu. De ce fait, l’investissement de 2,6 millions d’euros n’est pas amorti.
Sur l’effet que provoque un spectacle sans animaux dans le monde circassien, André-Joseph Bouglione assure recevoir « des messages de haine de détracteurs et de pseudo-fans du cirque traditionnel ». Cependant, de nombreux messages de soutien fleurissent sur les réseaux sociaux notamment, au fur et à mesure de l’exposition médiatique. « Je ressens un réel engouement derrière l’Écocirque. » Le nouveau chapiteau est installé depuis octobre 2020 à Montpellier, en attendant de pouvoir accueillir des spectateurs pour sa première représentation.
Valentin Canaux
Zoom : L’actualité du bien-être animal
Le 30 septembre dernier, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a annoncé la fin progressive de la faune sauvage dans les cirques itinérants et la fin de la présence d’orques et de dauphins dans des delphinariums inadaptés. Le signe d’un premier pas pour la protection des animaux. Le 25 janvier, alors que la proposition de loi sur le bien-être animal est étudiée par les députés, le Parc Astérix annonce la fermeture officielle de son delphinarium. Quatre jours plus tard, la proposition de loi contre la maltraitance animale est adoptée à l’Assemblée nationale par 79 députés sur un total de 81 votants.
Seulement, la proposition de loi n’a pas fait l’unanimité. Qualifiée de « génocirque » par le SFCACS (Syndicat Français des Capacitaires d’Animaux de Cirque et de Spectacle) menaçant leur profession, ils réfutent toute accusation de maltraitance animale. Le parti animaliste quant à lui, se montre également insatisfait par cette mesure la jugeant insuffisante. En effet, certains sujets ne sont pas abordés par la loi et restent en suspens comme le maintien de la chasse à courre et de la corrida.
Cette mesure visant à améliorer le bien-être animal et à éviter la maltraitance d’animaux sauvages pose encore de nombreuses questions, qu’en sera-t-il des animaux une fois qu’ils auront quitté le cirque ou le delphinarium ? Quid des animaux non sauvages qui resteront présents dans les cirques ?
Anaïs Bourel
Et dans le monde, on en est où ?
Vidéo réalisée par Margaux Croizon