Travailler ensemble pour avancer plus vite vers une mode éthique
Grandes enseignes travaillant avec FashionGreenHub pour une mode responsable et circulaire ©Marie Gréco
L’association Fashiongreenhub mène une action concrète pour lutter contre le paysage très critique de l’industrie textile en matière d’environnement et de rémunération. Avec l’aide des collectivités locales, une collaboration s’installe entre les entreprises pour trouver des solutions, former et aider à la réinsertion.
Les premiers pas de Fashiongreenhub font réponse à une situation alarmante pour la mode et l’industrie textile. Responsable d’environ 10% des rejets de gaz carbonique aujourd’hui dans le monde, « il fallait réformer drastiquement la ligne de tir », évoque Annick Jehanne, cofondatrice et coprésidente de l’association. C’est sur cette idée que naît en 2015 Nordcréa (ancien nom de l’association). L’intention première fut de créer une mode innovante, durable et locale. Selon Annick Jehanne, « il fallait mettre les grosses [entreprises] et les petites [entreprises] ensemble, les marques, les distributeurs, les créateurs, les écoles dans le but de trouver des solutions et les mettre en œuvre ». Elle-même consultante en business de la mode et spécialiste en nouveaux business models : mode, innovation et entreprenariat, la cofondatrice a dès le départ souhaité accompagner, stimuler, donner des outils et faire travailler ensemble tous les acteurs de la société pour obtenir des résultats plus rapidement. L’association se place alors à un croisement entre les différents acteurs publics et privés. Ses missions se jouent principalement avec les entreprises, mais aussi avec les collectivités locales, notamment pour la création de 50 000 masques pendant la pandémie de Covid-19. Ces collectivités sont, depuis sa création, ses partenaires financiers (la MEL, DEFI, Région Hauts-de-France…) et permettent donc de financer les projets et les équipements de Fashiongreenhub.
Travailler avec les entreprises
Son action « d’agitateur non-activiste » réside dans son association d’entreprises. Elle compte en effet près de 250 compagnies partenaires. Ces grandes enseignes que sont Les Galeries Lafayette, Promod, Auchan, La Redoute, etc. s’associent à Fashiongreenhub dans le but de créer des groupes de travail sur des sujets bien précis. L’idée est de partager le savoir-faire des petites et grandes entreprises et mettre toutes leurs compétences au service d’un projet défini. Dans les faits, les groupes de travail se réunissent une fois par mois pour échanger, expérimenter des solutions concrètes, et travailler ensemble sur des thèmes tels que le « zéro carbone» ou le « zéro plastique » qui est en route depuis un an par exemple. Un « livre blanc » récapitulant les résultats obtenus après un an de travail sur ce sujet devrait être publié prochainement.
Le but est de faire collaborer tout le monde sur un même projet pour accélérer les transitions du domaine de la mode. Il faut mettre en commun des idées, innover et penser sur le long terme pour moins impacter la planète. « On travaille par exemple sur la question des stocks d’invendus pour les entreprises : l’upcycling, qui permet de retransformer les stocks et les revaloriser afin de les réintroduire sur le marché et leur donner une seconde vie. » En plus des réunions mensuelles, Fashiongreenhub crée des événements tous les deux mois : les Fashionsgreendays qui permettent de fédérer la communauté, rassemblant environ 600 personnes à chaque fois. Cette association qui était régionale en 2015 est devenue une association nationale grâce à l’afflux de demandes de partenariats depuis 2020. Cependant, il reste à se demander si le travail entrepris avec Fashiongreenhub n’est pas une simple opération de greenwashing pour les grands groupes tels que Auchan. L’image d’entreprise écologique est elle aussi très à la mode et séduit d’autant plus les consommateurs. Quand nous avons souhaité interviewer les responsables de communication sur ce sujet-là, personne n’a daigné répondre.
Qu’est-ce que le greenwashing ?
Le greenwashing est un procédé marketing utilisé par les entreprises dans le but de se donner une image écologiquement responsable. Souvent utilisé dans les publicités de différentes organisations, le greenwashing (écoblanchiment en français) est fallacieux car les dépenses se font plus sur le côté marketing que pour la réelle action écologique.
Depuis 2009, Annick Jehanne donne régulièrement des cours et fait des conférences sur les nouveaux business models de mode dans des écoles de commerce. Elle forme aussi régulièrement des professionnels en France et à l’étranger. L’axe de la formation via l’association se fait au sein de leur « plateau fertile » (atelier localisé sur Roubaix) où l’on forme et aide les porteurs de projet, les entrepreneurs de mode durable et les créateurs. L’équipe réalise ainsi une mission publique dans son travail de réinsertion professionnelle des personnes.
Clara Scielle
Made In France, le textile innovant
À la seconde place en termes d’exportation textile en Europe, l’industrie française se porte bien malgré la désindustrialisation. Mieux, elle augmente ses effectifs et ses parts de marché depuis quelques années. Malgré une prise de conscience de la nécessité écologique d’une slow-fashion, c’est-à-dire d’une consommation durable, de qualité et locale, 85% du textile quotidien reste issu de l’importation. Pourtant plusieurs entreprises françaises comme Le Slip Français, 1083 ou encore Bleuforêt ont réussi à faire d’une production locale un argument marketing, voire à tourner en dérision le patriotisme tricolore.
Cependant les coûts de production de ces marques restent élevés, si bien qu’elles rivalisent difficilement avec la fast-fashion des grandes enseignes. Vendant leurs produits en moyenne 5 fois plus cher, elles restent inaccessibles pour une majeure partie de la population. Si les Français consomment de plus en plus de vêtements, avec des répercussions catastrophiques tant sur le plan humain qu’écologique, le simple aspect responsable ne suffit pas à faire vendre. Payer plus cher pour des vêtements moins à la mode crée un marché de niche qui souvent échoue à grande échelle.
Symbole d’une production de qualité, voire haut de gamme, l’industrie textile française mise donc sur le luxe et les tissus techniques. Avec 25% des ventes mondiales de produits de luxe, le sceau français se vend si bien que le chiffre d’affaire de la branche augmente de 4 à 5% par an. Quant au reste de l’industrie, basé principalement dans les Vosges et les Hauts-De-France, son regard se porte désormais sur les secteurs de l’aéronautique et du textile de sport haut de gamme, demandeurs de savoir-faire français.
Sandra Bouillard