”Parenthèse enchantée” : une saison pas si blanche pour les stations de ski
Posted On 12 mars 2021
1
617 Views
En montagne, la fermeture des remontées mécaniques a poussé professionnels et vacanciers à s’adapter pour sauver les vacances de février. Sans faire le plein, ni éloigner les craintes du secteur, ces semaines clés ont offert aux touristes un bol d’air et de découvertes.
Le cliquetis des tire-fesses ne résonne plus au pied des pistes. La saison hivernale des stations de ski s’est poursuivie comme elle avait commencé en décembre, c’est-à-dire sans remontées mécaniques. Le premier février, l’annonce du prolongement de leur fermeture est venue jeter encore un peu plus d’incertitude sur l’industrie du ski. “Au début, c’était la consternation et la recherche d’aides qui primaient”, constate Marlène Giacometti, directrice de l’Office de tourisme des Ménuires (Savoie). Puis, “il y a eu une très forte motivation pour sauver la saison”, poursuit son homologue du Massif de Sancy (Puy-de-Dôme), Luc Stelly, en décrivant “l’optimisme, l’énergie et la solidarité” des professionnels du secteur.
Catalogues d’activités revus et corrigés : des classiques de l’hiver, ski de fond et raquettes, à des activités plus inédites, poney-luge et construction d’Igloo. À Super-Besse (Puy-de-Dôme), les lugeurs de tout âge ont envahi le bas des pistes. Le SkiSet déballe une vingtaine de luges, tout juste livrées pour satisfaire la demande.
À l’image des luges, les raquettes ou les skis de rando sont plébiscités. Ceux de fond sont en rupture de stock au niveau national. “On a beaucoup de matériel pour le ski alpin, là-dessus évidemment, on fait quasi zéro. Mais peu du reste, et là on est à flux tendu”, constate Cécile Rivière, gérante du InterSport Mont Dore, pour qui il était, au fil des “errements du gouvernement, impossible de prévoir au niveau des embauches ou des commandes”.
En moyenne montagne, dans le Sancy, on estime que le bilan tournera autour de moins 30%, grâce aux réservations de dernière minute, abondantes cette année. Hélène et sa famille se sont décidés seulement une semaine avant pour partir au Mont-Dore (Puy-de-Dôme). “Avec la menace d’un confinement, on a préféré attendre le dernier moment”, confie-t-elle. En revanche, en haute montagne, le bilan est plus lourd. “On devrait être à 20 % d’occupation, contre 90 % habituellement à cette période”, craint Mme Giacometti.
“On sent bien que les personnes qui sont là avaient besoin de liberté, besoin de voir aussi, un peu du monde autrement que par visioconférence”
Luc Stelly, Directeur de l’Office de tourisme du Massif de Sancy
Las d’une année à subir confinements et couvre-feu, les vacanciers profitent. Les sourires, affichés, sont délivrés d’un masque oublié au fond de la poche, le temps d’une initiation au biathlon ou d’un vin chaud en plein air. Des sourires qui traduisent la “joie de vivre et la sérénité” volées à un quotidien assombri par la pandémie. Comme une “parenthèse enchantée”, se réjouit Luc Stelly. Les touristes apprécient ces expériences nouvelles sans pour autant se voir abandonner le ski alpin les années prochaines. Du moins, “ma conviction est qu’ils se réserveront une ou deux demi-journées pour ces autres activités”, projette Mme Giacometti.
Cet hiver sans ski alpin apparaît comme un avant-goût de ce que pourrait connaître les stations dans les décennies à venir, à cause du réchauffement climatique cette fois. Déjà cette année, après un mois de températures printanières, la neige a disparu au Mont-Dore, “on a même rouvert la luge d’été”, annonce Luc Stelly.
Pour anticiper ce risque, l’office de tourisme du Sancy assure que “cela fait une grosse dizaine d’années qu’[il] travaille sur […] une stratégie qui mêle les quatre saisons”. Aux Ménuires, “on a encore, au-dessus de 1800 mètres, un peu de temps”, pense-t-on à l’office de tourisme. “Mais on investit beaucoup sur l’été, avec l’idée que ça pourrait servir l’hiver.” Du côté des professionnels, les craintes et l’incertitude s’installent. “On sait qu’il va falloir s’adapter, mais on ne sait pas quand”, s’interroge Cécile Rivière, “ni vraiment comment, parce que le ski de fond, la raquette, la luge ce n’est pas mieux.”
Arthur Bellier
Cette hypothèse, certains s’y préparent. D’autres, la fuient. Le fait est que depuis plusieurs années, l’avenir des stations s’assombrit face à une neige qui se raréfie.
Vincent Vlès, professeur émérite en aménagement et urbanisme à l’université de Toulouse, nous en parle : « Selon les scénarios établis par les laboratoires de recherche de Météo France, nous sommes dans un scénario de réchauffement le plus pessimiste. C’est-à-dire qu’à partir de 2050, il faut s’attendre à une baisse sensible de la hauteur de neige à partir de 1 800 mètres avec une durée d’enneigement fortement réduite. On estime qu’on n’aura plus que 37 à 40 jours d’enneigement naturel sur les pistes actuelles sachant qu’il en faut 100 pour rentabiliser et couvrir les frais d’exploitation. »
Pour maintenir le ski alpin, les stations parient sur l’enneigement artificiel. Mais sur le long terme, Vincent Vlès est formel : « La production de neige ne pourra pas pallier la totalité du déficit. » On pourrait alors imaginer des stations d’intérieur, comme à Dubaï. Cependant, des réticences apparaissent quant à la viabilité de ce projet : « Ça coûte extrêmement cher et du point de vue de la transition écologique, il s’agit d’une démarche complètement folle. » Reste la reconversion dans d’autres activités que l’économie de la neige.
Mais les stations pourront-elles survivre sans ski alpin ? « Certaines pourront peut-être développer des activités parce que, historiquement, elles ont des produits de loisir autres que le ski. Mais celles basées uniquement sur le ski et en basse altitude ne pourront pas poursuivre. » Le scénario le plus probable est « une diminution du tourisme en montagne ». D’autant plus que, pour pallier la fonte de neige, « sur le terrain, on est très loin d’une reconversion en cours. On est encore dans le discours ».
Amélie Courtet
Merci d’avoir partagé cet article. J’attends vos prochains articles
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.
pour plus d'infos