Les étudiants handicapés face à la crise du Covid-19
Posted On 8 avril 2021
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« Génération sacrifiée », « étudiants fantômes »… Les qualificatifs ne cessent de pleuvoir pour décrire une jeunesse paralysée par la crise sanitaire. En son sein se trouve une catégorie que la COVID aura, paradoxalement, peut-être aidée : les élèves en situation de handicap.
Le nombre d’étudiants en situation de handicap scolarisés dans le supérieur est en constante augmentation. En 2018, ils représentaient 1,64% de la population étudiante. Cette progression est soutenue par le renforcement des dispositifs handicap, obligatoires dans les universités depuis la loi du 22 juillet 2013.
Ces modules d’aide proposent ainsi un large éventail de solutions adaptées à l’étudiant et à sa licence. L’aménagement s’exerce au terme d’un entretien individuel : a-t-il besoin d’une aide humaine pour la prise de note ? D’une clé d’ascenseur ? D’un tiers temps ? Les handicaps sont pluriels et prennent différentes formes : le plan d’accompagnement se doit alors d’être souple pour compenser les difficultés de l’étudiant.
Mais quelle a été l’influence de la crise sanitaire sur ces dispositifs d’aide ? Le Bureau Vie Etudiante et Handicap (BVEH) du campus Moulins explique « qu’aucun changement majeur n’a eu lieu, uniquement des adaptations ». Parmi ces dernières, la problématique des examens en distanciel. Trois solutions ont été proposées aux professeurs et aux étudiants : transformer l’écrit en oral, demander à un proche de l’étudiant de devenir son secrétaire d’examen ou solliciter un secrétaire du BVEH via Zoom.
Le ressenti des étudiants sur ces mesures dépend grandement de la situation de l’individu et de son handicap. Certains ont accueilli le distanciel à bras ouverts : ils demandaient depuis déjà longtemps des cours enregistrés. Dans un témoignage recueilli par le Huffpost, un étudiant atteint de la maladie de Crohn, une pathologie inflammatoire du système digestif, s’enthousiasme de pouvoir suivre les cours depuis son lit. En effet, cet aménagement en ligne lui permet de ne plus manquer de cours lors de crises et d’être plus à l’aise que sur les bancs d’un amphithéâtre. La COVID, en imposant à la société un problème touchant l’ensemble des étudiants a alors peut-être contribué à la création d’une solution inclusive. Mais cet enseignement en distanciel pourrait-il perdurer post-pandémie ? C’est encore incertain : « Ce serait revoir complétement la façon dont se déroulent les cours. » (Bureau vie étudiante et Handicap du campus Moulins)
Cependant, cette appréciation positive n’est pas une généralité. Un élève sourd raconte l’angoisse de sa première journée de cours en distanciel dans les lignes du Monde « En visioconférence, la perception du son n’est pas la même qu’en présentiel. […] On m’avait dit que je pourrais aussi lire sur les lèvres sur les vidéos, mais je n’y arrivais pas. » Même constat au BVEH du campus Moulins : « C’est 50/50. Il y a des étudiants qui ont préféré et pour qui ça a été très bénéfique d’avoir les cours en distanciel et l’enregistrement sur Zoom. Il y en a d’autres pour qui l’isolement n’a pas été une bonne chose. Parfois, la nature du handicap fait que le présentiel est plus pratique. » À cette solitude peut également venir s’ajouter une anxiété liée à une potentielle comorbidité et un sentiment d’abandon. De plus, la qualité de la prise en charge des élèves en situation de handicap dépend des efforts de l’administration à leur charge, inégaux selon les campus. Ces difficultés peuvent les amener à décrocher, venant grossir le rang des « étudiants fantômes ».
Ainsi, la pandémie, pourtant considérée comme le terreau d’inégalités, pourrait rendre la société moins exclusive. La crise est, en effet, venue consolider un filet d’aides préexistant en apportant de nouvelles solutions inclusives à des problèmes inédits. Cependant, la réticence au changement de l’Université ainsi que les inégalités dans l’accompagnement entre les campus viennent nuancer cet espoir.
Alice Martin
Alicia, étudiante en Sciences Politiques et bénévole au BVEH, explique comment se passe l’aide aux personnes en situation de handicap.
Être bénévole au BVEH comment ça fonctionne ?
J’ai postulé. Ils demandent une lettre de motivation manuscrite. Cette année les conditions sont différentes.
C’est dactylographié mais d’habitude ce sont des notes manuscrites donc il faut quelqu’un qui écrive bien et qui ne fait pas de fautes d’orthographe.
Et en pratique, en quoi ça consiste ?
Ils ont donné mon mail à un élève qui a pu me contacter. Il m’a expliqué qu’il préférait avoir les cours toutes les semaines en PDF et voilà ! Je n’ai pas vraiment de boulot supplémentaire. J’essaie juste de mettre moins d’abréviation, faire des phrases complètes…
Pour les secrétaires d’examens, on peut faire différents trucs. Si c‘est un élève qui est malvoyant ça peut être juste lire le sujet ou alors pour quelqu’un de dysorthographique juste prendre des notes. Mais ce n’est pas forcément quelqu’un de ta licence. La dernière fois j’ai fait un examen de Droit du Travail.
Le COVID a-t-il soulevé des problématiques ?
Avant, ce boulot de bénévole pouvait créer du lien. Des personnes en situation de handicap il y en a beaucoup qui ont du mal à s’intégrer à l’université. Le contexte ne le permet pas trop mais je pense que normalement j’aurai pu proposer s’il n’avait pas compris quelque chose qu’on sorte boire un café.
Aussi en temps normal, le secrétaire d’examens et la personne en examen sont côte-côte, il a un regard direct sur ce qui est écrit. Mais à distance, via Zoom, elle ne voit pas ce que j’écris. J’ai proposé de créer un document partagé pour qu’elle puisse voir. Mais c’était la première fois qu’elle faisait ça, l’université n’avait jamais proposé cette solution.
Léa Marchand
Interview téléphonique avec un membre du personnel d’un établissement d’aide pour les personnes en situation de handicap
Manon Wendling
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