Reconnecter les humains et la planète avec le circuit court
La crise sanitaire, et plus particulièrement le confinement, ont été révélateurs d’une volonté de consommer local, avec plus de temps pour penser alimentation et cuisine. Pour nous éclairer sur le sujet, nous avons discuté avec Céline Maguet, l’une des créatrices de l’application Le Marché Vert, une carte collaborative et évolutive recensant les points de vente en circuit court à travers la France.
« La définition française du circuit court, c’est un seul intermédiaire maximum entre le producteur et le consommateur », nous explique Céline Maguet. Réduire les intermédiaires revient à réduire les transports, et de concert les émissions de gaz à effet de serre. En s’éloignant d’une agriculture intensive et industrielle, en cultivant des sols plus sains et des engrais moins nocifs, les méthodes de production sont moins polluantes.
Le suremballage, fléau de l’industrie agroalimententaire, devient inutile pour des produits qui voyagent peu et vite du champ à l’assiette. Au-delà des impacts positifs sur l’environnement, le circuit court est lié à un système de valeurs qui profite à la fois aux consommateurs et aux producteurs. « A travers l’intermédiaire, le producteur va dépendre d’un prix fixé par les marchés et les concurrents voisins », il va devoir « baisser son prix et sa rentabilité […] avec au final beaucoup d’agriculteurs qui ne vivent pas décemment », nous rappelle Céline Maguet. Via la vente en direct, le producteur a donc l’avantage de fixer lui-même ses prix. De plus, « le circuit court est un lieu qui permet de dialoguer entre ceux qui produisent et ceux qui consomment ». Les consommateurs peuvent alors « avoir une meilleure compréhension des modes de production et des enjeux et problématiques de la personne qui produit ». Qui plus est, la saisonnalité des produits garantit un apport nutritionnel adéquat : les fruits et légumes d’été sont gorgés d’eau, ceux d’hiver sont riches en nutriments et en vitamine C.
"Les limites qu'on a sont plutôt les limites qu'on se pose"
Pour que le circuit court puisse devenir accessible au plus grand nombre, il reste cependant à développer la connaissance sur les points de vente de circuit court (fermes, marchés ou commerces de détail). D’aucuns pointeront du doigt les limites du circuit court, mais la fondatrice du Marché Vert le rappelle : « Les limites qu’on a sont plutôt les limites qu’on se pose. C’est-à-dire nos envies et nos besoins de produits qui viennent de plus loin. » En d’autres termes, changer son alimentation, c’est avant tout changer son attitude face à un système agro-industriel largement inadapté à la crise climatique. C’est aussi parfois manger un peu moins, mais beaucoup mieux. Quoi qu’il en soit, au vu des demandes croissantes de transparence chez les consommateurs et de la précarité toujours plus importante des producteurs, il semble que producteurs comme consommateurs sont disposés à adopter un mode de production et de consommation responsable. L’intérêt des consommateurs pour le circuit court est certain, comme le montre le succès du Marché Vert : « La carte a été vue 4 millions de fois. […] Ce qui montre que c’est un outil utile et nécessaire pour les utilisateurs. » Couplé à un mode de vie moins polluant, le circuit court est une fenêtre d’opportunité intéressante pour conjuguer la réduction de l’impact environnemental à un lien humain trop souvent relégué à d’innombrables intermédiaires.
Léna Lebouteiller
Le circuit court, rentable?
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Le circuit court en quelques chiffres
La vente directe d’un producteur local vers un habitant proche se développe d’année en année en France. Voici un condensé de quelques chiffres clés, pour mieux comprendre les enjeux du circuit court,
400 % : il s’agit de l’augmentation du marché du drive fermier sur l’année 2020. Le système de drive fermier reprend le principe des drives de supermarchés : l’agriculteur propose la vente de ses produits en ligne, avant le retrait de la commande dans un lieu fixe. Preuve, s’il en fallait une, du succès du circuit-court dans l’hexagone.
2120 : comme le nombre d’AMAP recensées en France sur l’année 2018. Une Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne dite AMAP est un partenariat entre un agriculteur et des consommateurs. L’Ile-de-France est la région qui en compte le plus, avec plus de 443 associations.
15 % : soit le pourcentage de 18-24 ans à avoir consommé très souvent des produits en circuit court en 2020, selon une étude Kantar parue pour le site pourdebon.com. Le circuit court serait-il un phénomène générationnel ?
50 % : d’ici à 2022, il s’agira du pourcentage de produits issus du circuit court, ou estampillés bio qui devront être utilisés dans la restauration collective. Le gouvernement a promulgué une loi nommée « Agriculture et alimentation » qui va dans ce sens, et qui entrera en vigueur dès le 1er janvier de l’année prochaine.
21 % : soit le nombre d’agriculteurs qui vendaient en circuit-court dans le Recensement Agricole de 2010. Les prochains résultats sont attendus en 2022.
Joseph da Rocha Carneiro