Un traitement contre le cancer du sein qui rend la vie un peu plus rose
Le 6 septembre, le Trodelvy, un traitement destiné aux patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif est autorisé par la Haute Autorité de Santé (HAS). Il pourra être utilisé à partir de novembre pour les patientes en échec thérapeutique après au moins deux autres traitements. À l’occasion d’octobre rose, des associations et des centres de santé se sont mobilisés pour rendre le cancer du sein plus connu.
Un nom scientifique à l’apparence barbare, 2 molécules, un enchaînement d’atomes et surtout un faiseur de miracles. Pour le Trodelvy, tout n’a pas été rose dès le début. Commercialisé depuis avril 2020 aux États-Unis par le laboratoire Gilead, il n’a pas été disponible en Europe avant décembre 2020… pour être aussitôt retiré par le laboratoire, incapable d’approvisionner la France et d’autres pays d’Europe.
Ce traitement est pourtant vital pour les patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif. Triple négatif en raison de l’absence de 3 récepteurs qui pourraient permettre l’utilisation de traitements plus classiques. « C’est un cancer pour lequel on est assez démunis en termes de traitements, on manque de thérapies ciblées », déplore Benjamin Verret, un oncologue de l’institut Gustave Roussy, le 1er centre de lutte contre le cancer en Europe. À cause de ces difficultés, les chances que la tumeur se propage à d’autres membres du corps sont beaucoup plus élevées : le cancer devient métastasé.
Étude clinique menée par l’Institut Curie sur 468 patientes
« L’idée du Trodelvy, c’est d’utiliser un anticorps qui va se fixer spécifiquement sur les cellules cancéreuses, et délivrer une chimiothérapie qui est plus dosée grâce à cette fixation », explique Benjamin Verret, « Et les résultats sont excessivement encourageants dans ces cancers qu’on traite mal », s’enthousiasme-t-il.
Le combat des patientes
Le problème de ce retrait, c’est que des vies sont en jeu. Hajare Dahmani, membre du collectif #MobilisationTriplettes explique que le traitement allonge de 6 mois la durée de vie d’une patiente atteinte d’un cancer du sein triple négatif métastasé et « 6 mois, c’est mieux que rien ». C’est justement après le retrait du Trodelvy que le collectif s’est créé, rassemblant une dizaine de jeunes femmes. « Le collectif s’est mobilisé autour de l’accès au Trodelvy », précise une autre Triplette : le médicament était très attendu par les patientes en impasse thérapeutique. « En décembre, on avait 800 demandes en attente », pointe Hajare. Alors les triplettes ont bataillé. Elles ont interpellé le président du laboratoire Gilead en lui envoyant des témoignages vidéo. Elles ont négocié avec les autorités de santé. Elles ont contacté Olivier Véran et Emmanuel Macron.
« Les Triplettes ont été très très actives, et sont parvenues à médiatiser cette histoire de Trodelvy, à médiatiser les choses », reconnaît Benjamin Verret. Selon les Triplettes, les témoignages et les actions permettent de montrer la réalité des choses, et de forcer les autorités à réagir. « À mon sens, les patientes doivent prendre une place plus importante dans le développement des médicaments », approuve Benjamin Verret.
La question qui se pose alors c’est pourquoi est-il aussi difficile d’obtenir ces médicaments ? Au-delà du temps nécessaire à une autorisation par les autorités de santé européennes. Au-delà des capacités du laboratoire à gérer ces flux. La mobilisation des patientes a accéléré la disponibilité du Trodelvy en France, que ce soit le collectif #MobilisationTriplettes ou d’autres. Le combat des patientes paraît alors nécessaire pour contraindre les systèmes de santé à tourner les yeux vers la réalité du terrain, vers la souffrance de femmes et de familles.
Mais le combat n’est pas perdu et le collectif s’est taillé par lui-même une place avec sa réussite : le Trodelvy, initialement prévu en janvier 2022 sera disponible dès novembre 2021. Ainsi s’achève, on l’espère, l’histoire tumultueuse du Trodelvy qui aurait pu inspirer une chanson à Edith Piaf.
Aurore Neyrat
Zoom sur…
Le cancer dans les médias
28 ans. Cela fait 28 ans que le mois d’octobre se teint de rose. De plus en plus d’actions entourent cet événement. Par exemple, la web série Le chemin d’Émilie, à l’initiative l’IUCT-Oncopole à Toulouse, montre la vie des femmes après le cancer. Les émotions, les attentes, la vie des patientes atteintes de ce cancer se retrouve au cœur des campagnes de sensibilisation autour de cette maladie.
Depuis le début du XXe siècle, quand le cancer du sein a commencé à être évoqué dans les médias, l’image de la maladie a beaucoup évolué. Les médias ont toujours été utilisés dans ce domaine pour promouvoir le dépistage précoce, et informer sur les traitements mis au point.
Au-delà de la bonne volonté des services de santé publique, les rapports des médias avec cette maladie ont été marqués par quelques grands évènements depuis les années 1980. En 1996, l’Affaire Crozemarie a été très médiatisée. Elle faisait suite à des révélations concernant le détournement d’une partie des dons à la fondation ARC pour la recherche contre le cancer par son président Jacques Crozemarie. Le sujet a permis d’amener sur la table des débats de nombreuses problématiques autour de la recherche contre cette maladie, et des traitements.
Plus tard, en 2003, le gouvernement de Jacques Chirac a lancé le Plan Cancer. Il s’agit d’une immense campagne d’éducation, de dépistage et de sensibilisation autour du cancer. Ce plan a mené à la création de l’Institut national du cancer en 2005, une agence permettant de coordonner les actions de lutte contre le cancer.
La lutte contre le cancer s’est organisée au cours du temps, en utilisant les médias comme un outil pour la sensibilisation et surtout comme un moyen d’informer le plus grand nombre des signes de la maladie et de ses conséquences.
Pauline Moyer
Une journée avec le gang des crânes rasés
Le gang des crânes rasés, un collectif de jeunes femmes atteintes du cancer du sein, a organisé un défilé le samedi 16 octobre dans les rues de Lille. Ce collectif créé par Caroline Bellegrade, Clara Lecuelle Magnan, Justine Guerin Coulibeuf et Amandine Lamarre a ainsi pu faire passer son message: “le cancer du sein avant 40 ans ça existe!”
Je m’affirme le crâne rasé (@gangdescranesrases) • Photos et vidéos Instagram
Vidéo par Laurine Pollavini
Crédit photo : Elsa Rolland