Rompre la solitude par les liens intergénérationnels
La solitude aggravée depuis le début de la crise sanitaire a engendré une réelle détresse psychologique chez les jeunes, en particulier les étudiants, mais aussi chez les personnes âgées, pour qui elle est toujours un problème de société. Plusieurs initiatives recréent du lien intergénérationnel afin de remédier à cela.
La solitude est un réel fléau chez les personnes âgées et la crise sanitaire a amené ceux qui étaient déjà fragiles psychologiquement et socialement à tomber dedans. Mais la pandémie a aussi touché une population dont on soupçonne moins les maux psychologiques. En effet, les enseignements en distanciel ont fait croître un mal-être chez les étudiants. Ainsi, les données mettant en avant les symptômes dépressifs chez les jeunes explosent depuis le début de la crise du Covid.
Se sentir moins seul
Pour essayer de pallier ces problèmes sociaux, ce que beaucoup appellent “l’intergénérationnel”, a été mis en avant comme une réponse à cette détresse psychologique et humaine. L’association Les petits frères des pauvres estime que « 530 000 personnes de plus de 60 ans sont en situation de mort sociale » actuellement. Depuis 2011, l’organisation a parrainé 87 projets afin de « créer du lien intergénérationnel ». L’impact positif de ce type d’interactions pour la santé mentale des personnes âgées est observé par les spécialistes, comme le sociologue Jeffrey E. Stokes, auteur d’une étude sur la question. Il explique que « si les grands-parents veulent aider et qu’ils ne peuvent pas le faire, ils ne le vivent pas bien. […] Et c’est frustrant et déprimant pour eux d’être mis dans une situation de dépendance vis-à-vis de leurs petits-enfants ».
Quelques infographies complémentaires :
L'importance du lien intergénérationnel pour Georges, retraité.
Georges, 96 ans, habite dans une résidence pour séniors près de Limoges. Il nous raconte comment les liens qu’il maintient avec ses enfants et petits-enfants l’aident au quotidien (sous-titres disponibles).
L’"Appart’âge" et l’idée d’une collaboration entre générations
C’est dans cette optique que le groupe de résidence séniors Domitys a lancé leur dispositif « Appart’âge » ; où des étudiants sont « présents auprès des résidents 59 heures par mois, en échange de la mise à disposition gratuite d’un logement », précise les dirigeants du groupe. Les résidences accueillent un public retraité désirant vivre dans une résidence adaptée, avec des personnes du même âge, sans pour autant être dans un EPHAD. Le rôle de l’étudiant est d’accompagner les résidents dans leurs activités quotidiennes. Cela permet d’apporter des enseignements différents d’un point de vue humain aux personnes âgées comme aux jeunes. L’accompagnement se veut aussi pratique avec, par exemple, des ateliers d’initiation à l’informatique.
Pour les étudiants il s’agit d’une occasion en or. En effet, l’opportunité d’obtenir un logement gratuit, alors qu’ils sont nombreux à peiner pour boucler les fins de mois, paraît très attrayante. Ce concept à la vocation sociale explicite permet également aux résidents comme aux jeunes de trouver un épanouissement psychologique. En instituant une mixité générationnelle entre deux populations qui ne cohabitent que rarement ensemble, ce genre d’initiatives favorise l’ouverture d’esprit et le développement d’une curiosité et d’une aisance à aller vers l’autre.
Ce dispositif peine cependant à trouver des candidats motivés. Sur les différentes résidences du groupe contactées dans les Hauts-de-France, aucune n’a été en capacité de nous répondre car elles n’accueillaient pour le moment aucun étudiant. Cela pose question dans la mesure ou un large plan de communication à été déployé sur la question, et que certaines résidences sont implantées dans des villes étudiantes ou à proximité. Malgré ses impacts positifs, y a-t-il un réel attrait pour ce type d’initiatives ?
Enzo Etton
ZOOM :
3 questions à Alexandra de Saivre, fondatrice de Tous en Tandem
Tous en Tandem c’est quoi ?
C’est une entreprise créée en 2018 qui dépend de l’économie sociale et solidaire. Elle intervient dans plus que 80 villes à travers toute la France et a pour objectif de proposer des animations culturelles aux personnes résidant dans des structures pour personnes âgées (maisons de retraite, EHPAD, CCAS, etc.). Ces dernières sont effectuées par des étudiants (appelés Tandemiens). L’objectif principal, c’est de mettre en avant l’intergénérationnel et de lutter contre l’âgisme.
Qui sont ces jeunes ? Comment un étudiant peut rejoindre Tous en Tandem ?
Les étudiants qui travaillent pour Tous En Tandem sont considérés comme des auto-entrepreneurs. La durée minimale du contrat est de 3 mois, mais la plupart s’engagent pour 1 an. Cela peut les aider à combler leurs fins de mois avec ce complément de revenu en plus d’apporter une aide Pour rejoindre l’entreprise, il suffit de postuler via notre site internet. Les étudiants suivent ensuite un processus de recrutement qui passe par un entretien de personnalité et une formation dispensée en visio par l’équipe de recrutement pour devenir 100% autonome lors des ateliers de Tous en Tandem. Aujourd’hui, 1 étudiant sur 10 qui postule est recruté.
En quoi l’intergénérationnalité s’est imposée comme votre priorité dans l’accompagnement des personnes âgées ?
L’intergénérationnalité est une valeur à laquelle je crois énormément. L’objectif au moment de créer Tous En Tandem était de lutter contre l’isolement des seniors. Pour moi, faire appel à des étudiants c’est le meilleur moyen de lutter contre l’âgisme. De plus, un senior qui rencontre un étudiant a le sentiment d’être utile et inversement. Tous En Tandem aide aussi à dépasser les à priori de certains sur la vieillesse. Pouvoir rapprocher les générations entre elles et créer du lien en développant une réelle complicité autour d’animations culturelles divertissante est bénéfique pour tout le monde. Ces deux générations ont ainsi beaucoup à gagner de ces échanges.
Le site : tousentandem.com
Timéo Guillon