Des artistes au service de la réhabilitation des friches
A Tourcoing, l’ancienne Chaufferie de l’Union accueille des expositions éphémères. Nées d’une alliance entre un collectif et la collectivité locale, elles répondent aux besoins locaux et renforcent l’attrait des friches. L’art contemporain investit les lieux, proposant des Regards d’Artistes sur l’Urbanisme. La coopérative Groupe A apporte des solutions pour des territoires à valoriser.
Selon le peintre Vincent Thomas Rey, « L’artiste apporte la lumière là où un jour elle s’est éteinte ». Il voit dans les œuvres un moyen de redynamiser les paysages délaissés. C’est la doctrine que partage le Groupe A – coopérative culturelle. Elle se remarque dès l’entrée dans la chaufferie désaffectée, avec les nombreuses œuvres qui se côtoient. Dans un environnement industriel de poutres métalliques et murs de briques typiques, les créations ne dénotent pas pour autant. L’urbanisme de la région est fortement marqué et représenté dans cet art. Au cœur de l’édifice trône un resplendissant cube de briques recouvertes de feuilles d’or. C’est une œuvre de Clémentine Carsberg, métaphore de la splendeur sous-estimée de la cheminée de l’ancienne savonnerie de Roubaix. « Sa volonté est de montrer la richesse collective qu’est le patrimoine », déclare la médiatrice Yamina Belhadj Adda. L’art octroie alors une seconde vie à la construction.
Une vision artistique pour des enjeux locaux
Malgré un bâtiment en mauvais état, l’initiative ne peut être qu’en faveur de sa rénovation et de l’intérêt des habitants locaux. De nouveaux enjeux s’inscrivent dans la conception des œuvres, marquage principalement d’une ville industrielle délaissée. Élodie Requillart, chargée de missions, le confirme : « L’association se place comme intermédiaire entre deux mondes qui ne se rencontrent pas forcément : le monde de l’art et le monde de l’urbanisme. »
L’influence de la région sur l’Histoire industrielle française n’est pas ignorée. Les artistes en ont conscience et basent leur travail sur les découvertes régionales. « Pendant un mois, les artistes se sont réunis en résidence d’artistes pour s’inspirer des alentours comme l’architecture notamment », indique Yamina. « La plasticienne Sandra Richard a mis en place une technique en pochoir à base de poudre de briques », caractéristique des alentours, explique-t-elle. Le travail n’est donc pas soudain mais provient d’une influence culturelle transmise par les Tourquennois. Des questions sociales sont alors matérialisées. Dans une salle qui ne laisse pas entrer la lumière, se retrouve un labyrinthe fluorescent démontrant la complexité de l’expansion urbaine, ayant transformée Tourcoing en ville.
Une réinsertion des territoires
Sous-jacent à cet embellissement des friches, d’autres problèmes économiques furent créés avec la désindustrialisation. Donner de l’importance au lieu est une prérogative, « Il y a beaucoup d’humidité. Mais c’est un lieu qui mérite d’être honoré », déclare Yamina. La solution apportée par le groupe est de « favoriser le réenchantement des espaces urbains et valoriser le patrimoine existant tout en garantissant la ré-appropriation des lieux par les habitants. Il faut aussi favoriser la présence culturelle sur les territoires dits en marge », explique Élodie Requillart.
Les friches sont des gouffres financiers selon le ministère des Finances qui prévoit 589 millions d’euros de réparations. Dans ces coûts se retrouve un enjeu écologique, avec objectif de dépolluer les alentours. Pour restaurer ces bâtiments, il faut alors passer par des financements ainsi qu’avec collaboration étroite avec l’organisme de patrimoine SEM Ville Renouvelée. Cette volonté s’inscrit dans la continuité des gouvernements français. En 1983, le ministre de la culture Jack Lang créait une cellule pour le patrimoine industriel. Ses ambitions étaient alors déjà de développer une nouvelle dynamique sur les alentours des friches.
D’autres possibilités s’offrent alors à la réhabilitation des friches, certaines ont pu être utilisées comme Fan Zones lors de championnats de football, d’autres comme lieux de concert mais leur attrait ne reste pas des plus importants et nécessite d’être renforcé.
Thomas Vandamme
L'Histoire des friches industrielles, par Noa Perret
ZOOM SUR… Chaud Bouillon, un espace dédié au « bien manger » en plein cœur de l’écoquartier de Fives-Cail
À la suite de la fermeture des aciéries Fives-Cail-Babcock en 2001, jusqu’alors épicentre économique du quartier de Fives, le chômage a augmenté de 20% et le quartier a grandement perdu de son dynamisme d’antan. Pour pallier cela la ville de Lille porte depuis près de deux décennies le projet « Fives-Cail » consistant en une rénovation de la friche qui s’étale sur dix-sept hectares. La création de liens entre les habitants du quartier est au cœur du projet. Pour cela, les halles industrielles ont été rénovées et aménagées afin d’accueillir sur plus de 2000 m2 une grande salle à manger dans laquelle les visiteurs ont le choix entre différents commerces de bouches disposés en stands, une cuisine partagée, un incubateur à entreprises dans le domaine alimentaire ainsi qu’une serre agricole expérimentale destinée à trouver le meilleur modèle économique de production agricole en zone urbaine.
La salle à manger commune est également prévue afin que des événements culturels et des animations puissent s’y dérouler. La cuisine partagée, elle aussi, se transforme en lieu de partage avec des activités pédagogiques où chacun, enfant compris, peut rencontrer l’autre et apprendre à cuisiner. Au-delà de ces différents équipements regroupés sous l’appellation La Halle Gourmande, un lycée hôtelier a vu le jour et accueille, depuis 2016, chaque année plus de 1000 élèves désireux d’être formés aux métiers de la restauration et de l’hôtellerie. Après des retards pris dans les travaux en raison du confinement et plusieurs installations temporaires, La Halle Gourmande devrait finalement ouvrir officiellement ses portes en fin d’année.
Pablo Perez