Un nouveau système économique pour le futur du football français
Après une année noire marquée par le Covid-19 et par la crise des droits télés causée par Mediapro, le football français se retrouve au pied du mur. Pour son bien, il va devoir se réinventer économiquement.
“Sans réforme, il n’y a pas d’issue au-delà de la saison à venir”. Par ces paroles aussi dures que réalistes livrées au journal L’Équipe en juillet dernier, Jean-Marc Mickeler, directeur de l’instance de gestion des finances des clubs français, donne le ton sur la situation économique des équipes de Ligue 1. Depuis plus de 20 ans, les écuries de Ligue 1 sont déficitaires de plusieurs dizaines de millions d’euros. La faute à divers facteurs, le plus évoqué étant celui des charges imposées par le gouvernement, bien plus élevées qu’ailleurs en Europe (le club de Lille paie par exemple plus de charges que tous les clubs de première division allemande réunis). Les charges patronales ne connaissent pas de plafonnement en France, et les charges salariales s’échelonnent entre 9,5 et 19%. Mais les mauvaises gestions sportives, les joueurs surpayés et les pratiques parfois douteuses des agents et dirigeants sont aussi en cause.
Des propositions pour repenser le modèle économique de la Ligue 1
Pour la Ligue de Football Professionnel et son président Vincent Labrune, plusieurs mesures sont à l’étude pour remettre d’aplomb l’économie du football français.
Première réforme évoquée : l’instauration d’un nombre limité de joueurs dans l’effectif, qui permettrait un abaissement de la principale dépense des clubs de l’Hexagone, les salaires. La mise en place d’un “salary cap”, déjà adopté en NBA, est également évoquée. Elle pourrait se matérialiser par un salaire maximum pour chaque club, ou par une masse salariale limitée en fonction des revenus engendrés durant la saison.
Les prémices d'un changement de cap ?
Face aux multiples mises en garde des économistes face à la déliquescence des finances au sein des clubs français, la Ligue de Football Professionnel a réagi en adoptant une première réforme. Dans deux ans, la Ligue 1 passera de 20 à 18 équipes. La part de droits télés à redistribuer sera, par conséquent, plus élevée pour chaque club. De leur côté, certaines écuries françaises peuvent espérer dégager plus de revenus, en développant encore un peu plus leur image de marque, comme a pu faire le PSG ces dernières années : “On peut faire mieux dans des clubs comme Marseille, Lille ou Nice, parce qu’il y a un certain bassin de population, ou dans des équipes avec un certain passé comme Saint-Etienne. Mais ce n’est pas possible pour des clubs de plus petite envergure“, rappelle Mickaël Terrien.
Il est donc plus qu’urgent aujourd’hui que ces annonces ne restent pas figées en l’état, mais qu’elles se concrétisent et s’incarnent afin de commencer à réparer, de fait, une économie dysfonctionnelle.
Joseph Da Rocha Carneiro
L'économie du foot expliquée en 2
minutes
Le fiasco Mediapro
Parmi les facteurs responsables de la mauvaise situation financière du football professionnel français, se trouve l’affaire Mediapro. Le 29 mai 2018, les droits de diffusion des deux championnats professionnels tricolores, pour la période 2020-2024, sont mis en vente par la Ligue de football professionnel (LFP). Le groupe sino-espagnol Mediapro, déjà diffuseur du championnat d’Espagne, propose une somme jamais atteinte lors des négociations précédentes. C’est la première fois que la barre des 800 millions d’euros par an pour retransmettre la Ligue 1 et la Ligue 2 est franchie. Avec ce montant, Mediapro devient diffuseur d’une écrasante majorité des rencontres (80% des matchs), une aubaine pour les clubs français pour qui les recettes issues des droits TV sont capitales pour leur santé financière.
Des espoirs vite anéantis
L’automne 2020 venu, la réalité rattrape les rêves des présidents de clubs français qui avaient vu en Téléfoot (la chaîne lancée pour diffuser les matchs) une source de revenus généreux jusqu’en 2024. Mediapro est incapable d’effectuer les versements prévus par le contrat passé avec la LFP qui devait ensuite reverser ces sommes aux clubs professionnels français. En cause, un nombre bien trop insuffisant d’abonnés à la chaine Téléfoot, seulement 600 000 souscripteurs, en comparaison avec les 3,5 millions d’abonnements minimum pour rentabiliser l’investissement du groupe audiovisuel. À la suite de cet écroulement, le football professionnel en France doit toujours faire face à une crise économique sans précédent malgré le rachat des droits TV par Amazon et Canal+.
Arthur Louis