Le plan Agro-écologie, le héros des agriculteurs ?
Le magasin Biocoop à Lille – Marie Boidin
Crises économiques, crises sanitaires, instabilité des revenus des exploitants agricoles, problèmes de santé ou personnels, toutes ces difficultés conduisent les agriculteurs à stopper leur exploitation. Afin de remédier à cela, la Chambre d’agriculture du Nord leur propose de suivre un « plan Agro-écologie ».
Emmanuel Leveugle est agriculteur bio et élu à la Chambre de l’agriculture du Nord. Il occupe le poste de vice-président à la Commission environnement des Hauts-de-France, où il est en charge du nouveau plan Agro-écologie. Selon lui, ce plan a pour objectif d’accompagner les agriculteurs vers une transition écologique. « Le plan Agro-écologie propose un ensemble de solutions qui sont à la disposition des agriculteurs pour qu’ils progressent en fonction de leur situation », explique Emmanuel Leveugle. « Dans un premier temps, l’agriculteur contacte de manière volontaire la Chambre de l’Agriculture, puis répond à des séries de questions afin de dresser un diagnostic de situation de son exploitation. Dans un second temps, des techniciens lui proposent un ensemble de solutions lui permettant d’améliorer certains points spécifiques. À partir de cela, l’agriculteur peut adhérer à un contrat de progrès sur cinq ans. »
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L’objectif de l’agriculteur qui décide de suivre le plan Agro-écologie, est d’améliorer son exploitation de façon à augmenter son rendement. Dans les Hauts-de-France, 90% des exploitations agricoles sont endettées, selon le rapport de l’INSEE paru en 2020. Les agriculteurs dépendent de multiples facteurs comme les aléas climatiques, les investissements de l’année en cours, les variations des subventions européennes ou encore le cours des matières premières. Par conséquent, certains agriculteurs décident de se tourner vers l’agriculture biologique dans l’espoir d’augmenter leurs revenus. C’est le cas notamment d’Emmanuelle Leveugle dont 10% de production est bio. Selon lui, le plan Agro-écologie est un moyen de faire cette transition. « Au terme des cinq ans du plan Agro-écologie, l’agriculteur peut décider de passer la certification d’agriculture HVE (Haute Valeur Environnementale) ou d’agriculture biologique. » En France, on compte plus de 47 000 exploitations labellisées « Agriculture biologique ». Ce label de qualité français certifie un mode de production respectueux de l’environnement, du bien-être animal et de la biodiversité. Cependant, la conversion à l’agriculture biologique est un processus long qui dure trois ans. Pour obtenir cette certification, l’agriculteur doit respecter un ensemble de règles formant ainsi un « cahier des charges » dont l’interdiction d’utiliser des désherbants chimiques, des insecticides non-naturels, et l’obligation d’utiliser des matières organiques en guide de fertilisants. Le respect de ces contraintes nécessite que l’agriculteur passe donc plus de temps sur son exploitation.
Comparaison entre pommes non-bio (à gauche) et pommes bio (à droite) – Marie Boidin
Coûteux ou avantageux ?
Suivre le plan Agro-Écologie peut être un bon moyen pour un agriculteur de trouver des solutions durables pour son exploitation afin qu’elle soit plus performante. Néanmoins, selon Emmanuel Leveugle passer à une agriculture biologique est tout autre chose. Hormis les contraintes liées au « cahier des charges », l’agriculteur qui souhaite passer au bio doit passer un contrôle annuel payant. Emmanuel Leveugle, agriculteur biologique, débourse chaque année 400€. Il déplore d’ailleurs la disparition progressive des aides au maintient qui s’élèvent à 150 € de l’hectare. Selon lui, le gouvernement préfère augmenter les aides à la conversion en supprimant les aides au maintien. Le risque est celui d’une déconversion progressive des agriculteurs qui se retrouvent alors démotivés. De plus, contrairement aux idées reçues, cultiver des produits bio ne rapporte pas énormément plus d’argent à l’exploitant. Sur une même superficie, un agriculteur va produire 90 quintaux (9 tonnes/hectares ) tandis qu’un agriculteur biologique va produire 50 quintaux (5 tonnes/hectares). Par conséquent, la différence de prix entre un produit qui est issu de l’agriculture biologique et un qui ne l’est pas, sert à combler cet écart de rendement.
ZOOM
BioDemain, une start-up lilloise de la conversion au bio
Se convertir au bio est un processus long et difficile. BioDemain, une start-up lilloise, accompagne les agriculteurs dans cette transition.
A Lille, l’entreprise BioDemain propose d’aider les agriculteurs à se convertir au bio. L’idée de BioDemain est née du constat de la difficulté de la conversion à l’agriculture biologique. Créée en 2018 par Maxime et Stéphane, deux jeunes diplômés de l’ITEEM (Institut technologique européen d’entrepreneuriat et de management), BioDemain veut d’abord intervenir sur la rémunération des producteurs qui s’engagent dans la démarche de conversion. L’entreprise prend donc en charge la distribution des produits dans un réseau de plus de 300 magasins partenaires, sous l’étiquette « pas (encore) bio ». C’est une façon de valoriser les produits de ces agriculteurs engagés dans ce processus vertueux.
Pourtant, passer au bio n’est pas si simple. Pour un agriculteur, cela représente une période de 2 à 3 ans appelée « conversion biologique ». Pendant cette période, l’agriculteur cultive déjà selon le cahier des charges bio, mais il n’a pas encore le label « bio », ni la rémunération associée. Durant ces années de conversion, l’agriculteur a des coûts de production qui augmentent, des rendements qui diminuent, mais un prix de vente qui reste toujours faible. Avec BioDemain, le prix juste du produit est fixé en accord avec le producteur et prend en compte les nombreux surcoûts liés à sa conversion. Aujourd’hui, l’entreprise accompagne 150 agriculteurs dans cette transition biologique et compte bien démocratiser ce processus à tous les agriculteurs français.