La transition écologique de Loos-en-Gohelle profite à ses habitants
Loos-en-Gohelle, ville de 7000 habitants du Pas-De-Calais, entreprend depuis une vingtaine d’années une transition écologique. Les habitants n’ont pas eu à subir ce changement : la mairie a travaillé avec eux pour les comprendre, les impliquer et faire en sorte que ce projet leur bénéficie.
Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle, a fait le choix de la responsabilisation des acteurs : on parle de démocratie « impliquante ». Il n’a pas le souhait d’imposer aux habitants un modèle de développement de la commune préétabli mais plutôt d’en construire un ensemble. Par exemple, au lieu de pousser les agriculteurs à passer à une agriculture biologique sur leurs terres, rendant ainsi instables leurs sources de revenus, la mairie leur a donné des champs disponibles dans lesquels produire du « bio ».
Portrait de Jean-François Caron
Jean-François Caron est membre d’Europe Ecologie les Verts et la politique le connaît bien : d’abord au conseil régional du Nord – Pas-de-Calais, où il est vice-président chargé du développement durable, puis au conseil municipal de Loos-en-Gohelle comme conseiller délégué à l’aménagement du territoire et à l’environnement. Substituant à son père, il est maire de la commune depuis 2001. Jean-François Caron est principalement connu comme étant l’homme à l’origine de l’inscription du bassin minier du Pas-de-Calais sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et comme étant l’auteur de la transition écologique de Loos-en-Gohelle. Son modèle de développement est renommé internationalement et l’élu a monté son propre cabinet de conseil pour en faire profiter d’autres.
« Le fifty-fifty »
Les habitants se sentent suffisamment en confiance pour évoquer un problème et en proposer les solutions. Quant aux cadres de la mairie, ils se doivent d’être dans l’écoute et non uniquement dans la justification. C’est ce que le maire appelle le « fifty-fifty ». Concrètement, depuis 2010, les Loossois peuvent proposer un projet à la ville et être soutenu techniquement et financièrement par la municipalité. Il peut s’agir d’un projet d’amélioration de la commune, comme la mise en place de jardins publics ou le financement de son permis de conduire en échange de travaux d’utilité collective.
Dans une ville ex-minière, la question écologique n’est pas forcément au centre des préoccupations et est encore moins envisagée comme modèle de développement. Comme le dit la formule : « On ne nourrira pas nos enfants avec des marguerites. » Le maire a donc travaillé avec des psychologues autour de la question : « Comment réagir à un choc qui nous déstructure ? » (En l’occurrence la fermeture des mines). Ils en sont venus à la conclusion que c’est en faisant entrer les habitants dans le projet par le concret et le réel, c’est-à-dire en s’intéressant à leur situation, que l’on parvient à les y intégrer.
Le développement fait économiser
Aujourd’hui, Loos-en-Gohelle est devenue une ville pilote du développement durable. Certaines toitures, dont celle de l’église, sont recouvertes de panneaux photovoltaïques. Les eaux de pluie sont récupérées et l’agriculture est passée à 40% de bio en 2021, alors qu’il s’agissait auparavant d’une agriculture intensive. Les maisons de mineurs ont été rénovées en logements sociaux avec des éco-matériaux et la commune accueille désormais 350 apprentis dans les métiers de l’écoconstruction.
Les surcoûts dans la mise en place des initiatives sont rapidement équilibrés par les économies de fonctionnement. Quant aux Loossois, ils profitent d’une part d’une baisse de leur facture d’électricité, d’une alimentation plus saine mais également d’une commune attractive : l’effervescence du projet de Jean-François Caron a fait augmenter le nombre d’associations, revenir les commerces et les emplois.
Un nouveau modèle nécessaire
La ville n’avait pas d’autre choix que celui de faire évoluer son modèle de développement : en 1986, Loos-en-Gohelle n’a plus d’activité minière. C’est toute l’activité économique et sociale de la commune qui s’effondre. Le chômage est considérable et la ville est l’une des plus pauvres de France. L’exploitation du charbon laisse le territoire dans un état écologique critique. En 2001, lorsque Jean-François Caron devient le maire de la commune, il prend la décision d’entreprendre la transition écologique et sociale de Loos-en-Gohelle pour améliorer la vie des habitants. Pourquoi ne pas s’en inspirer ?
Zoé Sabaud
Vidéo réalisée par Noé Racofier
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Un modèle de transition écologique réellement transposable ?
Si Loos-en-Gohelle est considérée comme un laboratoire du développement durable, elle est surtout un modèle pour de nombreuses villes qui voudraient suivre son exemple. Mais qu’en est-il de la transposabilité du modèle de Loos-en-Gohelle à d’autres villes ? S’il n’est pas possible d’en faire un copier-coller, chaque municipalité ayant ses atouts et ses freins, certaines mesures peuvent être reproduites. Les villes peuvent par exemple emprunter au modèle de Loos-en-Gohelle la démocratie participative mise en place, en favorisant la proximité entre élus et habitants. Mais si la ville est un démonstrateur national en matière de transition, de nombreuses municipalités agissent déjà à leur manière. C’est le cas de Roubaix, pionnière du zéro déchet, qui prône une économie circulaire. Grande-Synthe réaménage ses lignes de bus pour encourager l’utilisation des transports en commun au quotidien. Fourmies a quant à elle déjà installé plus de 1000 m2 de panneaux solaires dans la ville. Loos-en-Gohelle met également à disposition des ressources pour les aider dans leur transition écologique. C’est le cas du CD2E, association créée en 2002 et basée dans la ville, qui a un rôle d’accompagnement et de conseil auprès des communes et des entreprises. Ses domaines d’action sont : le bâtiment durable, les énergies renouvelables, l’économie circulaire et l’achat public durable. Il y a également l’ADEME, agence de la transition écologique qui apporte aussi des aides financières, ou la Fabrique des Transitions.
Tina Wild