Cinéma : Le prix du billet, présumé coupable d’une baisse de fréquentation
En septembre, les salles de cinéma ont enregistré leur plus faible fréquentation depuis 1980. En cause, le prix du billet fait souvent considéré comme trop cher. Afin de relativiser sur son rôle véritable, nous sommes allés à la rencontre du responsable Du Pont des arts de Marcq-en-Barœul.
A cause d’un hypothétique déclin d’attractivité, les spectateurs voient sombrer dans l’oubli cette vieille dame aux reflets rouges qui désormais arbore dans ses allées la triste solitude d’un modèle culturel déserté. Pourtant, dans son discours de l’ouverture des Césars en 2019, Edouard Baer déclarait : « Le cinéma c’est le collectif, le spectacle, la chaleur humaine. » En termes de qualité, de réception, d’immersion, difficile pour les autres médias que les salles obscures d’avancer une proposition plus qualitative. Entre désaffection du public, émergence des plateformes de SVOD, inflation et dédain des politiques publiques, les salles font le chemin de croix et se muent dans un modèle en voie de déclin.
Suppression de la redevance et amputation des finances
L’argument du prix vient alimenter le discours de plus en plus décomplexé selon lequel le cinéma français serait un modèle obsolète, dépassé par les envies du public, ringardisé par le déferlement de contenus industrialisés par le rythme effréné des plateformes de SVOD. On érige alors les exploitants de salles en têtes de Turc de ce phénomène de désaffection du public. Mais ce lieu commun n’est qu’un écran de fumée qui occulte une réalité : Ni les salles, ni les spectateurs ne sont à blâmer.
“Le prix du billet, c’est un faux sujet qu’on évoque par rapport à la baisse de fréquentation, le tarif n’a pas augmenté autant que l’inflation et le coût de la vie. Les problèmes sont tout autres.”
La complaisance de pouvoirs publics envers les impératifs du marché n’est qu’une nouvelle vague face au tsunami qui noie les salles dans un déclin inexorable. Au 20e siècle, on pensait que la télévision allait tuer le cinéma. Mais le petit écran est devenu l’un des acteurs de la filière, se dynamisant en un espace d’exploitation du film et en incorporant les opérateurs dans son
financement avec les droits de diffusion. Avec cette entrée des chaines de télévisions en tant que co-producteurs de certains films, elles deviennent le partenaire d’un cordage financier propre au cinéma. Supprimer la redevance audiovisuelle provoque ainsi l’amputation directe d’une source de financement du secteur, la télévision injectant une grande partie de ses recettes dans la création audiovisuelle. Ce glissement libéral survient notamment à l’instauration d’un « principe de rentabilité » permis par Dominique Boutonnât, donateur de campagne pour Emmanuel Macron et réélu à la tête du Centre national du cinéma (CNC) malgré des soupçons agressions sexuelles présumées sur son filleul en 2020.
« Notre maison brûle, et nous regardons Netflix »
Si les coups de massues persistent de la part des pouvoirs publics, des alternatives viennent tout de même guérir les plaies préexistantes de cette fréquentation décroissante. La première, une solution théorique qui reconsidère la pratique séculaire de l’expérience cinématographique en salle. Le but n’étant pas de diaboliser les plateformes de streaming, mais de réinventer le modèle d’excellence français sans mimer les pratiques édulcorées et mécaniques des géants américains. Nier la sédentarisation du spectateur après la période de Covid résulterait d’une négation des événements actuels, mais nier le besoin synesthésique de l’expérience cinématographique ne résulte que d’une négation de sa propre identité. Il tient alors d’enrayer le conflit qui tiraille les consommateurs et la salle afin de morceler une solution qui recentre les préoccupations sur l’expérience en salle. Cette
solution va de pair avec une compréhension plus pointue de la place du cinéma en France, le prix moyen du billet s’élevant actuellement à 7 euros selon les chiffres du CNC. Selon le responsable du Pont des arts, « Quand on veut venir au cinéma souvent, on peut trouver le moyen de ne pas payer cher, notre prix moyen s’élève à 6,50 euros. » Tarifs pour étudiants, handicapés, comités d’entreprises et séances en heures creuse font briller le vaste éventail tarifaire de l’exploitation en France. En outre, les solutions s’ouvrent à un public plus vaste et contrebalancent la fréquentation décroissante, surtout chez les jeunes : « Le pass culture fonctionne très bien, il a été développé à partir de 15 ans, cette l’alternative se démocratise de plus en plus. On pourrait aussi développer une sorte de pass culturel familial pour universaliser l’offre. A notre niveau, on n’a pas les moyens d’agir dans l’ensemble de la filière, on se plie aux normes », lance le responsable du Pont des arts.
L’autre issue de ce dédale qui égare spectateurs et exploitants réside en un effort de la part des politiques publiques. Dans le cas du Pont des Arts de Marcq-en-Barœul, « Le prix du billet, comme souvent pour les cinémas de notre type, est négocié avec les collectivités territoriales, on a pas le choix ». Un manque de choix qui se traduit par une marge de manœuvre limitée pour adapter ses prix aux changements de dynamiques qu’impliquent les mutations du secteur. Cette compréhension plus pointue de la filière est en partie assurée par une prise de conscience générale de l’ensemble du secteur, qui convoque actuellement un conseil de crise. Lancée par le journal Libération, une journée de réflexion publique sur l’avenir de la filière s’est tenue le jeudi 6 octobre 2022 à l’Institut du Monde Arabe. Affaire à suivre.
Cédric Rossi
Plateforme VS cinéma : match nul
Depuis l’apparition des plateformes de streaming, la fréquentation des cinémas en France à énormément diminué. Une majeur partie des Français préfèrent rester chez eux pour regarder un film. Aujourd’hui l’expérience singulière du septième art est clairement menacée. Comparatif entre ces deux pratiques totalement distinctes.
Depuis la crise sanitaire, les plateformes streaming empiètent de plus en plus sur les plates-bandes du cinéma. Pendant le confinement, les Français ont pris l’habitude de rester chez eux pour regarder un film. Les plateformes se sont adaptées à la situation en sortant exclusivement des film sur leur site : Disney + a annulé la sortie de « Soul » en salle, pour le sortir uniquement sur plateforme. Même après le confinement, cette stratégie continue, car le cinéma rapporte beaucoup moins de bénéfices. C’est un coup de massue pour les salles, qui voient passer de moins en moins de spectateurs.
Une expérience unique
On constate une différence d’expérience entre regarder un film chez soi devant un ordinateur, avec une qualité standard contre une qualité ultra HD au cinéma. Malgré le prix des billets assez onéreux par rapport au nombre de film proposés sur les plateformes, le cinéma reste une expérience visuelle et auditive inouïe. Le fait d’être plongé dans le noir, devant un écran géant d’environ 10 mètres, de partager un film avec d’autres personnes, et surtout de ne pas être distrait par des sources externes, en particulier le téléphone, renforce la magie de ces multiples minutes, assis sur ces confortables sièges rouges.
Un large choix de film
Cependant, le streaming a lui aussi ses avantages : pas besoin de se déplacer pour regarder un film et les plateformes contiennent des centaines voir milliers de films et de séries, pour un tarif assez abordable par rapport aux nombres de films proposé.
De plus en plus de personnes se contentent seulement des plateformes et ne mettent plus un pied en salle. Pourtant, dans sa dimension unique et qualitative, l’expérience cinématographique reste un modèle séculaire qui ne dirait pas non à un brin de flexibilité.
Léonie Morinière