Venir en aide aux sans-abri, le challenge des associations lilloises
En 2020, la Métropole de Lille recensait 3 000 sans-abri dans ses rues. Alertant, ce chiffre actuellement en expansion a conduit à la création de nouvelles manières de leur venir en aide.
Avec les différentes guerres, la hausse du coût de la vie et plus récemment, la crise du Covid, le nombre de sans-abri en France a augmenté ces dernières années. Un chiffre d’autant plus alarmant pour la métropole lilloise, qui prévoit plus de 3 000 sans-abri dans ses rues d’ici fin 2022. Alors que les centres d’hébergement manquent de places pour les accueillir, de nouvelles initiatives voient le jour, tandis que les associations renforcent leur mobilisation.
DES INITIATIVES CITOYENNES, QUI NE DEMANDENT QU’À SE GÉNÉRALISER
Tous les vendredis soir depuis un peu plus de deux ans, les bénévoles de l’association Cœur Étoilé colorent les rues de Lille de leurs blousons rouges. Dans leurs chariots, plats chauds, gâteaux faits maison, couvertures et tentes pliables. « Ici, tout est basé sur le don. Moi, j’achète souvent des tentes, et on fait tous les repas nous-mêmes ! », explique Hélène, bénévole depuis un an. L’association repose principalement sur des dons de particuliers. « Notre but, c’est pas juste de distribuer à manger. On les aide aussi dans leurs démarches administratives. Puis on discute, ça leur fait du bien, c’est la moindre des choses », confie-t-elle. Des actions a priori simples mais qui portent leurs fruits ; de plus en plus de bénévoles apportent leur aide à l’association. « On a régulièrement des dons, surtout en hiver. Les gens ont encore du cœur, ils aident comme ils peuvent », sourit Hamed. Ce soir, ils sont onze à aller à la rencontre des sans-abri. Salariés, retraités et étudiants, le même but les réunit : venir en aide à ceux dans le besoin.
LOUER POUR MIEUX LOGER
Combattre le mal-logement, c’est le défi que s’est lancée l’association La Ch’tite maison solidaire, fondée en 2017. Leur concept, Host for good, réunit une cinquantaine d’hôtes partageant leur sur-confort avec des voyageurs. Dans sa maison à Lille, Christophe, cofondateur de l’association, accueille régulièrement des touristes. L’argent qu’il gagne lui sert à financer des logements pour des sans-abri. « En louant la maison deux nuits, on a pu payer trois mois de loyer à une famille ! », sourit-il.
L’autre grande initiative de l’association, c’est la « Tiny House ». De petites maisons en bois installées sur roues et louées à des touristes. Une expérience écoresponsable dont les revenus serviront à financer la prochaine étape du projet : l’écoquartier au cœur de Saint-Maurice Pellevoisin. Encore en développement, celui-ci réunira cinq Tiny Houses dans une friche mise à disposition par la ville de Lille où seront notamment hébergées trois familles issues de la rue.
L’association travaille régulièrement avec les plus jeunes. « On a besoin des étudiants ! En tant que bénévoles pour accueillir les touristes, ou même en tant qu’hôtes… Il nous faut cet œil dans la construction du projet », poursuit Christophe. À Ambleteuse dans le Pas-de-Calais, une tiny house s’est installée dans le jardin d’un couple volontaire, en attendant de rejoindre le quartier écologique. Bien que ce soit la seule actuellement ouverte aux touristes, Christophe ne baisse pas les bras. « On est comme le colibri qui essaie d’éteindre le feu : on sait qu’on n’y arrivera pas seuls, mais on fait notre part en espérant donner aux gens l’envie de nous aider à faire avancer les choses. » Cette tiny house, disponible à la location sur Airbnb, a d’ailleurs été construite par des élèves de l’EPPED de Quiévrechain.
Ivanie Legrain
ZOOM
La situation à l’échelle nationale
Encore aujourd’hui, la situation des sans-abri en France reste extrêmement floue. Les problèmes rencontrés quant à leur recensement et les raisons derrière la hausse de leur nombre, sont des problématiques qui sont toujours d’actualité.
L’INSEE définit un sans-abri comme une personne ayant bénéficié d’un service d’hébergement ou d’une distribution alimentaire la semaine précédant le recensement. Cette définition ne correspond pas à la réalité. En effet, ces critères spécifiques omettent les individus ne bénéficiant pas de ces services. De plus, sur les 300 000 sans-abris prévus en France métropolitaine pour 2025, seuls 15% vivent dans la rue ; les autres sont logés de façon précaire.
Le sociologue Thibaut Besozzi, dans son ouvrage Idées reçues sur les SDF, souligne la nécessité de comprendre les causes structurelles derrière ces chiffres. Aujourd’hui, près de la moitié des sans-abri en France sont étrangers et sont issus de centres de demande d’asile. De plus, la précarité grandissante dans les domaines de l’emploi et du logement empêche l’insertion des individus dans la société et les laisse dans des situations précaires.
C’est face à ce contexte que l’on assiste à l’émergence de nouvelles formes de solidarité institutionnelles et locales.Cette aide doit néanmoins être apportée en connaissance de cause : Thibaut Besozzi rappelle que les pouvoirs publics doivent être ceux à l’origine des “réels changements”, à travers des révisions au niveau des politiques de logement et de réinsertion.
Cela nécessiterait une action globale et multilatérale de plusieurs ministères, qui remettrait en question la tradition libérale et capitaliste, dans laquelle s’inscrit la France depuis plusieurs décennies.
Toujours est-il que ces formes de solidarité apportent un accompagnement social et un support moral dont les sans-abri ont besoin. Le fait qu’elles agissent en surface du problème ne veut pas dire qu’elles sont inutiles, puisqu’elles permettent à ces individus de retrouver leur dignité humaine et certains repères sociaux.
Maelys Roesy
La situation des sans-abri : entre discours politique et réalité de terrain
Angèle Truchot