S’éduquer à l’image pourrait être nécessaire pour repenser le monde de demain
REGARD
Il était une fois, dans un royaume dont le nom importe peu, un roi doux et bon. Un jour alors qu’il se promenait dans ses jardins, un serviteur lui apporta un présent de la part du monarque voisin. C’était un petit oiseau brun à la gorge rouge.
Le roi se réjouit. « Quelle douce attention… », dit-il à sa cour, et tous approuvèrent. Le lendemain on apporta un oiseau identique au roi et le surlendemain il en fut de même. Le monarque appela son fils pour lui faire part de sa fierté d’être tant apprécié par son voisin. « Vois, mon fils, comme ton roi sait se faire respecter. Cela fait trois jours que je reçois ce petit oiseau en guise de présent. »
Le prince, plein d’érudition de ce qu’il avait lu dans la bibliothèque royale, ne put répondre au sourire de son père. Il lui apprit que cet oiseau était un Rouge-gorge et qu’il était historiquement utilisé par leurs voisins pendant qu’ils se préparaient à déclarer la guerre, pour que la surprise soit encore plus grande pour ceux qui seraient attaqués.
Recevoir les messages tels qu’ils sont est parfois dangereux. Nous, êtres humains du 21e siècle, en sommes assaillis de toutes parts. Alors il est intéressant de nous éduquer à l’interprétation des communications et ce dès le plus jeune âge. C’est une manière de nous protéger et de réduire le risque de nous faire attaquer.
Zoé Sabaud
Le cinéma l’Univers propose des séances d’éducation aux images adaptées au jeune public. Un programme qui en plus de préparer les enfants à un monde de la représentation, nous interroge sur la place que nous lui accordons.
L’image est un message, à nous de le décoder. Cette phrase pourrait s’établir en nouvelle devise au royaume du visuel dans lequel nous vivons. Et comme dans tout royaume, les sujets doivent jouer avec les règles du monarque. Encore faut-il les connaître. À Lille, cet enseignement est appliqué par le cinéma l’Univers qui propose un apprentissage pour le jeune public. Ce programme concerne les enfants et les jeunes de 3 à 16 ans et prend la forme de séances de cinéma (le plus souvent des films d’animation, du stop-motion, des dessins sur pellicule…) suivies d’un temps d’échange et d’un atelier d’arts plastiques ou de débat. Les enfants sont alors directement acteur.ice.s de leur apprentissage. L’objectif est de se pencher sur les courts-métrages visionnés pour en aborder le sujet, la morale mais aussi les techniques d’animations. Les encadrant.e.s montrent aux enfants qu’il existe différents types d’images animées et cherchent à leur enseigner comment différencier les prises de vue réelles des dessins animés, le tout expliqué mais surtout illustré.
Se détacher de l’image
Si ces séances sont majoritairement portées sur le cinéma, elles tendent à s’approprier de nouveaux espaces tels que les réseaux sociaux, les journaux ou même les jeux vidéos dans lesquels le règne de l’image opère depuis plusieurs années. Mais sommes-nous suffisamment préparés à affronter cette vague d’images qui nous engloutit quotidiennement ? Selon Laura Bauer, médiatrice culturelle et programmatrice au cinéma l’Univers, une éducation à l’image est nécessaire. « Chez eux, les enfants ne sont pas forcément supervisés et peuvent avoir accès à des images qui leur font peur, qui les choquent… Ici, on leur explique aussi que ce sont des dessins animés, que ça n’existe pas vraiment. C’est aussi important de les détacher de l’image en elle-même. »
Remettre en question l’image
Mais l’existence même de l’éducation à l’image questionne la place accordée à cette dernière dans nos sociétés. Il est impossible aujourd’hui de se promener dans la rue sans voir une affiche, d’ouvrir un journal sans tomber sur une photo ou seulement de se dire que l’on regarderait bien un film ou une série. La publicité est l’exemple par excellence de notre assujettissement aux images. On voit un objet, on se persuade qu’il nous le faut, alors on l’achète.
Plus généralement, la représentation se paye aujourd’hui à prix d’or. Parce que la représentation est vectrice de pouvoir. On l’observe à chaque élection, le candidat élu est systématiquement celui qui a été le plus souvent affiché par les médias, comme l’a démontré Le Vent Se Lève par rapport à l’élection d’Emmanuel Macron en 2017.
Il faudrait alors réfléchir au trône que l’on offre à l’image dans nos sociétés contemporaines. Et en plus de s’éduquer à la comprendre et à l’analyser, la remettre en question. Car si au royaume des aveugles, le borgne est roi, au royaume du visuel, les sujets peuvent aussi se cacher les yeux.
Noé Racofier
Le festival des enfants au Arras Film Festival
Lucie Hererros est responsable du festival pour enfants au Arras Film Festival. Elle parle de l’importance de celui-ci pour le jeune public, de l’objectif de l’évènement ainsi que des groupes concernés. Elle évoque également le festival dans sa globalité et l’importance que ce dernier accorde à l’éducation à l’image.
Tina Wild