Les sans-papiers soignés par Médecins solidarité Lille
Au sein de ses locaux au sud-est de Loos, l’association Médecins Solidarité Lille (MSL) a pour but d’examiner, de soigner, et d’accompagner gratuitement les personnes sans papiers d’identité. Cette façon de fonctionner a permis à l’association de tenir environ 8 500 consultations sur la seule année 2021.
Dix minutes avant l’ouverture, plusieurs dizaines de personnes attendent patiemment devant les modestes locaux de MSL afin que les médecins bénévoles les prennent en charge. Parmi eux, peu parlent le français, ou seulement quelques mots, mais ils ont tous le point commun d’être exclus du système de santé français, en raison d’un manque de papiers en règle ou du renouvellement de ces derniers. L’association a répondu présent à leur demande : prodiguer des soins ainsi qu’aider les personnes en difficulté administrative à s’intégrer ou se réintégrer dans la société. Afin de traiter le plus de patients possible, les médecins définissent l’ordre de passage tout en leur distribuant un masque, pour la santé de tous. En utilisant cette méthode, MSL traite une cinquantaine de personnes par jour, mais ce chiffre peut varier en fonction de la nécessité de traitement des patients, car l’association ne propose pas uniquement des rendez-vous médicaux que l’on pourrait qualifier de classiques. En 2021, l’association a mené près de 4 000 entretiens sociaux avec pour objectif de faire le point sur la situation et les droits des personnes consultées, et essayer de les faire réintégrer le système de santé de droit commun. S’il existe normalement des mesures qui permettraient des soins pour tous comme la protection universelle maladie (Puma) depuis 2016, elle n’est finalement pas accessible pour tous. En effet, non seulement cette mesure concerne uniquement les personnes travaillant ou résidant en France, mais elles doivent également posséder un compte Ameli et fournir des documents attestant la régularité de leur situation pour les étrangers non-européens. Ces contraintes excluent donc un certain nombre de personnes, notamment ceux ne parlant pas le français ou n’étant pas en règle administrativement.
Un personnel engagé
La prise en charge médicale est très variée puisqu’elle dispose de 8 salariés et de 40 bénévoles, qui sont médecins, infirmiers, pédiatres, dentistes, et même de deux assistantes sociales. Ce collectif possède donc une grande quantité de bénévoles qui permettent de prendre en charge un nombre important de patients. Thierry, médecin retraité depuis peu, vient donner de son temps, une demi-journée par semaine. L’ancien médecin indépendant explique : « Après six mois à la retraite, le métier commençait à me manquer », et comme il disposait d’une expérience en tant que médecin, il aurait été dommage que cela ne serve plus. En plus de ses compétences, Thierry a apporté tout le matériel qui lui restait de son cabinet car personne n’avait repris sa suite. Pour lui, la transition de médecin indépendant à bénévole s’est très bien déroulée, notamment parce que la gestion administrative est effectuée par les secrétaires de l’association, ce qui facilite le travail de tous les soignants. C’est d’ailleurs l’un des avantages de l’association pour Thierry : « Il y a une ambiance conviviale et il n’y a pas de contraintes administratives, tout est plus simple. » Focalisés sur les soins et la prise en charge des patients, les médecins sont aussi efficaces que possible, contrairement aux indépendants qui doivent gérer tous les aspects liés au secrétariat comme la prise de rendez-vous.
Les limites d’une telle organisation
Malgré toute la bonne volonté de ses médecins, il est impossible pour l’association de s’occuper de tout le monde. Si 8 500 consultations sont déjà un beau bilan, beaucoup de personnes ne peuvent encore pas bénéficier de cette aide médicale. Ceci est notamment dû aux fonds limités de l’association, comme les donations de médicament, de matériel et d’argent, qui proviennent de différentes sources publiques comme privées. Spécificité de MSL, les médecins administrent directement des remèdes aux patients qui peuvent, par ailleurs, aller les récupérer à l’accueil après la prescription, sans besoin de passer par une pharmacie. Outre l’aspect financier, le collectif connaît d’autres difficultés, comme sa présence exclusivement locale sur la métropole lilloise et non à l’échelle nationale, ce qui freine sa visibilité et son efficacité, car son existence se transmet principalement par le bouche-à-oreille. La barrière de la langue pose aussi des difficultés, puisque cela oblige les médecins et les patients à échanger avec des intermédiaires comme des traducteurs en ligne pour se faire comprendre. Malgré tous ces obstacles, l’association continue des faire de son mieux pour apporter de l’aide aux personnes sans papiers, et semble former un nouveau pont relationnel plus direct entre les patients et les médecins.
Arthur Edeline
Des gestes qui sauvent
L’accès aux soins pour tous, le plus efficacement possible, peut passer par l’apprentissage des gestes de premiers secours pour l’ensemble de la population. José Villette, formateur à la Protection Civile de Nord, propose des formations aux premiers secours civiques (PSC1).
Arnaud Fischer
Regard sur... Un forfait « patient urgence » bien inégal.
Depuis septembre 2021, le passage à la caisse après une visite aux urgences non suivie d’une opération immédiate a pris une nouvelle ampleur inquiétante pour les personnes les plus démunies. En effet, la part des frais remboursée par la sécurité sociale ne change pas, 80% du coût d’un passage aux urgences, les frais restants, eux, se feront beaucoup plus ressentir par les strates les moins privilégiées de la société. Pour les 5% de Français ne disposant d’aucune complémentaire santé, en immense majorité des personnes précaires, ce qui était autrefois un ticket modérateur calculé en fonction des coûts du passage aux urgences est devenu un forfait fixe de 19.61 euros.
Si l’Etat se félicite et se présente presque comme un sauveur, en fixant un plafond indépassable pour limiter les dépenses avec ce prix fixe, la vérité est tout autre. En effet, les 20% à charge n’atteignaient que rarement ce prix, le coût moyen d’un examen aux urgences étant estimé entre 60 et 80 euros par les chefs de services des hôpitaux, soit un reste à payer compris entre 12 et 16 euros. Moins que le nouveau forfait frôlant les 20 euros. Loin d’une mesure d’aide : une volonté de faire des économies sur le dos des plus précaires, une mécanique désormais habituelle…
Mais ce changement va également affecter les personnes jusque-là dispensées du ticket modérateur (personnes enceintes, bénéficiaires des ALD, etc.), qui payeront désormais un forfait, réduit certes, mais de 8 euros tout de même. Ainsi, plus que des nouveaux coûts pour aller aux urgences, cette mesure inquiète, car elle pourrait inciter les personnes les plus précaires à ne plus se faire soigner. Si le but original était de désengorger les services d’urgences pour envoyer les « petits bobos » vers la médecine des villes, faudrait-il encore que celle-ci soit accessible pour toutes et tous, ce qui est aujourd’hui loin d’être le cas, tout particulièrement pour les personnes les plus précaire.
Alice Gosselin