La Clé pour lutter contre les troubles de l’apprentissage et l’illettrisme
Arrivant d’un pays étranger, exclues du système scolaire depuis leur plus jeune âge ou simplement en difficulté à l’école, nombreuses sont les personnes pour qui l’apprentissage de la langue française est tout sauf une partie de plaisir. Dans la métropole lilloise, l’association La Clé propose depuis 1985 des cours pour tous les niveaux afin de pallier ces lacunes.
Entre les livrets d’apprentissage et les salles de cours, une équipe d’une dizaine de salariés travaille dans les locaux de La Clé pour faire fonctionner cette « grande maison ». C’est au total 646 bénévoles et plus de 650 apprenants, enfants comme adultes, qui viennent chaque semaine à l’association ou dans des écoles partenaires, pour suivre des cours individuels et gratuits en Français Langue Étrangère (FLE) ou de soutien scolaire. En France, c’est aujourd’hui plus de deux millions de personnes qui sont touchées par des troubles de l’apprentissage. À son échelle, l’association La Clé travaille donc à améliorer le niveau de centaines d’entre eux sur la MEL.
Ici, tous les profils se croisent : retraités bénévoles qui veulent se rendre utile pendant leur temps libre, étudiants qui prennent sous leurs ailes collégiens et lycéens, mais aussi élèves en difficulté scolaires ou adultes étranger arrivant en France sans parler un seul mot. Houria Mounib, coordinatrice pédagogique à La Clé depuis 2007, présente le profil d’anciens élèves arrivés sans connaître la langue et qui aujourd’hui donnent eux-mêmes des cours à l’association. « Ils nous disent ‘Moi on m’a donné, maintenant je voudrais rendre’ », explique-t-elle. Les troubles de l’apprentissage touchent aujourd’hui des millions de personnes en France. C’est pourquoi, La Clé à son échelle, propose un autre système éducatif pour surmonter ces problèmes.
La confiance c’est La Clé
Les demandes et besoins de chaque apprenant ne sont pas tous les mêmes, mais le constat général que fait tout de même Houria est celui du manque de confiance ou de légitimité. Pour s’insérer dans la société, les difficultés avec la langue sont, en effet, une vraie barrière qui empêchent les adultes de trouver un emploi ou de préparer un diplôme, et les enfants de s’épanouir dans le milieu scolaire. Au-delà des cours et du soutien qui est fourni, c’est donc surtout ce problème d’insertion contre lequel La Clé, à son échelle, veut lutter. « Ce qui compte par-dessus tout, c’est de leur redonner confiance en eux », explique Houria. Une apprenante témoigne ainsi des bienfaits en indiquant que La Clé a été pour elle : « Une corde à laquelle je me suis accrochée à des moments bas. »
De plus, dans le cadre scolaire, il est difficile pour les enseignants de suivre individuellement le parcours de chaque élève. L’association cherche donc à pallier ce manque de personnalisation en proposant des cours particuliers pour chaque apprenant. Et d’après Houria : « Les élèves se sentent mieux car tous les cours sont en individuel. » Cette attention spécifique participe ainsi à leur meilleur développement. Les binômes bénévoles-apprenants sont alors créés spécialement selon les besoins des élèves et pour leur épanouissement. « Si on a un bénévole qui parle beaucoup, on ne va pas le mettre avec un apprenant qui n’a pas confiance en lui. » Pour les bénévoles, cette présence au sein de l’association est également une expérience très riche. Comme l’explique Imane, c’est « un investissement bénéfique pour l’apprenant, mais aussi pour moi ».
Sortir du cadre scolaire
Pour permettre le meilleur apprentissage possible, les moyens mis à disposition des apprenants et des bénévoles sont nombreux. En plus des livres de grammaires, de conjugaison ou de mathématiques, du niveau débutant aux plus avancés, c’est un large choix de jeux de société qui est proposé. Le but ici n’est en effet pas de reproduire un cadre scolaire, mais bien d’instaurer un apprentissage ludique, plus stimulant et donc plus efficace pour ces apprenants.
Dans cette optique de renouveau, La Clé propose aussi des activités en lien avec le domaine du culturel. Depuis 2019, un partenariat avec le Théâtre de l’Idéal de Tourcoing tend, en effet, à familiariser les apprenants, scolaires comme adultes, avec le monde de la comédie au travers d’ateliers collectifs et cours particuliers dans les locaux-mêmes du théâtre.
Enfin, ils cherchent également à toucher une plus vaste communauté en proposant des aides à l’insertion professionnelle, au numérique ou encore des ateliers parentalités, pour faciliter le lien entre parents, enfants et école. « Avant, avec les filles, on ne faisait ensemble que du ménage et la cuisine. Maintenant, grâce aux ateliers collectifs, on lit des albums, on fait des jeux de société et on fabrique de jolies petites choses avec nos mains. Les ateliers de parentalité à La Clé m’ont beaucoup aidée pour comprendre les problèmes de mes enfants », raconte une mère de famille.
Autonomisation, insertion, prise de confiance : La Clé sur Lille c’est un réseau de solidarité pour lutter contre les inégalités et à l’arrivé, comme le résume Houria, « Tout ça, ça bouillonne, ça vie, c’est lumineux et c’est plein de belles histoires. »
Margaux Guérif
L’illettrisme en France : Pour en savoir plus.
Zoom sur :
Vivre avec la dyslexie et la dysorthographie
Ce sont des troubles altérant l’acquisition de la lecture (dyslexie) souvent accompagnés d’une altération de l’écrit et de l’orthographe (dysorthographie). Ces troubles apparaissent au moment de l’apprentissage et sont diagnostiqués par l’orthophoniste dans le but de les soigner. L’intensité de ces troubles varie en fonction des individus ; leur accumulation avec des troubles de calculs, de coordination motrice, ou encore de troubles de l’attention, forme les cas les plus extrêmes.
Si ces problèmes ne sont pas pris en charge assez tôt, l’enfant peut rencontrer de fortes difficultés scolaires ou professionnelles, appuyées par la pression des parents et les possibles moqueries. S’ensuivra alors une perte de confiance ainsi que de l’estime de soi.
Aujourd’hui, de plus en plus de personnes souffrant de dyslexie sont aidées par des orthophonistes. Toutefois, les démarches pour s’offrir leurs soins peuvent sembler fastidieuses, d’où la nécessité des associations telle que La Clé. Olivier Obirek, 20 ans, souffre de dyslexie et de dysorthographie depuis l’âge de 6 ans. Il raconte : “L’orthophoniste est important, ça aide beaucoup, pourtant j’en ai jamais bénéficié […] mais ça ne m’a pas réellement handicapé dans mes études, sauf en Français et en Anglais, ni même pour mon travail. […] Pour devenir patron [d’un commerce], pour moi, le plus important c’est de savoir compter.“
Une expérience qui prouve bien que même avec un trouble de l’apprentissage, il est possible de réaliser de grandes choses. Toutefois, ces personnes dyslexiques non soignées resteront dépendantes des autres, ne serait-ce que pour les tâches administratives du quotidien. C’est là qu’interviennent La Clé et autres associations semblables, afin d’aider les enfants, comme les plus grands afin que chacun puisse surmonter ses difficultés.
Annaëlle Goupil
Rédactrice : Margaux Guérif
Photographe : Arnaud Fisher
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