L’individualisme et la déshumanisation au cœur du monde de la nuit
Comptoir du bistrot de St Sauveur à l’occasion d’un DJ set de musique électro © Roman Carlier Del Rio
Depuis plus d’un an, de plus en plus de personnes sont intoxiquées au GHB à leur insu, signe d’un individualisme croissant. A Lille, plusieurs bars ont été pointés du doigt par le compte Instagram « Balance Ton Bar » dans une liste publiée en octobre 2022.
En octobre 2016, le collectif « Balance ton bar » de Lille a publié sur Instagram une liste de bars et boîtes de nuit dans lesquels des personnes ont été droguées à leur insu, lors de soirées festives. Cette médiatisation pose question sur la nature de ce phénomène et sur sa jugulation. Au-delà des comportements abusifs en soirée, se joue en réalité le développement d’un individualisme exacerbé déshumanisant peu à peu notre société.
La fin de l’individualisme comme remède
Les personnes droguées lors de ces soirées sont en réalité la conséquence directe d’un individualisme exagéré progressif et caractéristique de notre société. A une époque où la santé d’autrui est troquée avec des intérêts personnels malsains, seule la déshumanisation semble diriger. Derrière ces cas, se révèle en réalité l’élargissement extrême des contours de l’individualisme qui, sans sourciller, va jusqu’à mettre entre parenthèses la vie des individus. Si la médiatisation de ce phénomène permet d’entreprendre des pistes de solutions, illustrées par la mise en place de dispositifs concrets, elle permet également de rendre compte de son noyau. En soutien aux moyens déjà disponibles, une transformation ultérieure des modes de pensée serait une solution possible. En effet, rendre compte concrètement des pratiques individualistes s’empilant peu à peu dans nos vies aurait la capacité de modifier le fond de ces comportements, et d’éviter ces conséquences malheureusement parfois létales.
A ce propos, Pablo Servigne, biologiste et co-auteur de « L’Entraide, l’autre loi de la
jungle » déclarait dans une interview pour l’OBS :
Selon lui, l’individualisme ne devrait pas être le chef d’orchestre de nos sociétés dans la mesure où d’autres alternatives de fonctionnement existent, faisant moins de victimes.
Un patron de bar s’exprime sur l’individualisme comme facteur explicatif
Benjamin Gervaize, patron du « Dernier bar avant la fin du monde » situé dans le Vieux-Lille, considère que « l’individualisme est peut-être un facteur, mais comme pour n’importe quel crime ». Il poursuit en précisant sa réflexion :
Globalement, selon lui, l’individualisme n’est pas un facteur expliquant ce phénomène. En effet, d’un point de vue factuel, les individus droguant d’autres personnes à leur insu sont conscients de leurs actes et du mal qu’ils réalisent : « Ils sont frustrés, donc ils pensent que tout est directement permis avec une femme et qu’elle est ouverte à tout, sauf que pas du tout », explique le barman. Il pointe du doigt la conscientisation, par la personne droguant, du mal effectué, la rendant entièrement responsable. Dès lors, selon cette vision, l’argument de l’individualisme peut rester valable comme phénomène de société mais non comme phénomène individuel.
Par Sofiane Descamps
En savoir plus sur le GHB
Le GHB est un des psychotropes les plus utilisés pour droguer des personnes à leur insu, d’où son triste surnom : “la drogue du violeur”.
Il est important dans savoir plus à son sujet.
"Le GHB, qu’est-ce que c’est ?"
Le GHB, ou gamma-hydroxybutyrate, aussi surnommé la drogue du violeur, est une substance naturellement produite par le cerveau humain. Elle est maintenant utilisée sous forme de poudre blanche ou sous forme liquide de manière récréative. C’est une des drogues qui est utilisée pour droguer à leur insu des personnes dans des bars ou événements. Elle est à la fois euphorisante et sédative, entraînant une forte désinhibition, des pertes de mémoire et une perte de contrôle. Elle peut aussi provoquer des nausées, vomissements, vertiges, difficultés d’élocution et de la fièvre.
"Comment savoir si un verre comporte du GHB ? "
Même si cette drogue est inodore et incolore elle a un goût amer et peut changer le goût ou l’aspect de votre boisson. Si vos glaçons coulent vers le bas, il y a de grande chance que votre verre ait été drogué, de même si votre boisson a trop de bulles avec une apparence brumeuse ou encore qu’elle a changé de couleur.
"Que faire si on se rend compte qu’une personne a été droguée à son insu ?"
Il ne faut surtout pas la laisser seule ou rentrer avec quelqu’un qu’elle ne connaît pas, car la personne droguée n’a aucune conscience de ce qui est en train de se passer. De plus, il faut penser à prévenir les gérants du lieu où cela s’est produit : dans certains procès les vidéos de surveillance ont permis de prouver la culpabilité des agresseurs.
Si l’état de la personne est véritablement alarmant, il faut appeler le Samu.
"Comment prouver que l’on a été drogué.e ?"
Le GHB reste uniquement huit heures dans le sang et douze heures dans l’urine. Il faut donc se rendre à un hôpital le plus rapidement possible pour faire les tests. S’il est trop tard pour des tests sanguins, il est possible de se rapprocher des instituts médico-légaux spécialisés en toxicologie pour faire analyser des mèches de cheveux car, contrairement au sang et à l’urine, celles-ci gardent des traces de la présence de GHB pendant six à huit semaines.
Par Juliette Claverie
La Vidéo
Interview au Cartel, le premier bar lillois à mettre en place les protections de verres
Par Clara Huon