À Ma Pomme, un commerce qui donne la pêche quand ça manque de blé
Posted On 1 mars 2023
0
277 Views
Une balade en voiture nocturne bordée par les bâtiments éclairés. Il est 18h30. Sophie, boulangère, se rend comme à son habitude, les bras chargés de pain de seigle au point de rencontre. Yves André l’accueille, cheveux blancs, sourire solaire, déchargeant de son camion des fruits et des légumes encore terreux sur les stands de l’AMAP, tapissant le sol du Faubourg des Musiques. Les Amapien.ne.s, comme les commerçant.e.s s’amusent à les appeler, arrivent heureux.ses de saluer ce maraîcher qui remplit leurs frigos de produits de la terre du Nord.
Depuis sa création en 2012, À Ma Pomme n’a cessé d’évoluer. Elle comptait au départ une quinzaine d’adhérent.e.s. Dorénavant, l’AMAP réunit une soixantaine d’adeptes de bons produits. Contrairement aux autres AMAP, celle-ci propose, en plus de la vente de fruits et légumes, une vente de pain avec Sophie, de produits laitiers avec Clémence, de viande avec Patrick, et Yves André s’est même lancé dans la production de miel, avec pas moins d’une trentaine de ruches. Elle permet donc aux papilles d’explorer toutes les saveurs des produits locaux, et ce pour un tarif hebdomadaire allant de 7,90 € pour une personne à 20 € pour un panier familial.
Les Amapien.ne.s, dans le cas d’À Ma Pomme, peuvent venir donner un coup de main à Yves André afin de planter ou ramasser certaines récoltes, travailler la terre, tenir des stands de vente; chacun.e est à la fois consommateur.ice et acteur.ice, “mais aussi très bons copains”, confie le maraîcher. “Les gens sont solidaires. Ils me font découvrir des choses aussi. Aujourd’hui, il y a du chou kale suite à la demande d’un Amapien, je ne connaissais pas du tout. C’est pas trop mauvais!”.
L’inflation a rendu pour beaucoup la vie rude, et n’a pas épargné nos producteurs locaux. Sophie comme Yves André constatent tous deux une hausse de leurs coûts de production, se répercutant sur le prix de leurs produits.
Afin de garder une certaine transparence quant à ses tarifs, et notamment en cette période d’inflation, Yves André réunit tous les ans les Amapien.ne.s qui le souhaitent. Ils procèdent ensemble au calcul des coûts de production. L’AMAP représente 50% des revenus du maraîcher, l’autre moitié provenant des ventes sur le marché. Les Amapien.ne.s se devront donc de payer 50% de la totalité de ses coûts de production et de son salaire au SMIC. Ils obtiennent donc un chiffre qu’ils divisent par 48 semaines, qui correspond au temps de l’abonnement d’une année. Il suffit ensuite de diviser ce chiffre par le nombre de paniers afin d’obtenir un tarif annuel.
Une Amapienne confie d’ailleurs sa satisfaction de répondre à des valeurs écologiques et humaines mais également à des enjeux économiques, bien que ce ne soit pas la principale raison de son adhésion. Avec ce système de calcul, elle affirme que ce mode de consommation lui revient à beaucoup moins cher que dans les grandes surfaces, “sans l’ombre d’un doute”.
Cependant, certains aléas climatiques peuvent parfois causer une diminution de la quantité de légumes dans les paniers. Yves André déplore d’ailleurs l’absence de pommes de terre dans ses récoltes cette année.
À Ma Pomme permet de goûter à des saveurs authentiques: “Jamais quelqu’un ne m’a dit que mes produits n’étaient pas bons, ou que la qualité était décevante.” Yves André dira même qu’il en vient à ne plus se régaler au restaurant. Leurs légumes ne sont pas labellisés Bio, mais le mode d’agriculture du maraîcher doit respecter la charte des AMAP : il ne faut pas utiliser de produits phytosanitaires ou d’engrais chimiques. Rien de plus simple. Le seul point négatif selon les Amapien.ne.s: “C’est que ça fait chier, faut éplucher des légumes”.
Loriane Chanard
Lors de la crise sanitaire, les fermetures de points de ventes dirigent certains consommateurs vers les AMAP. Ces associations pour le maintien d’une agriculture paysanne ont œuvré, à la force de leur volonté et de leur bras, à maintenir les liens humains, leur fer de lance. Une bonne alternative respectant à la fois la politique sanitaire, et permettant aux adhérent.e.s de trouver des solutions plus consciencieuses et pratiques à leur consommation quotidienne.
Dès le début du confinement, l’alternative des AMAP se distinguait surface dans les médias. Se faisant porteuse de lien social et de vie locale. Les confinements ont ainsi permis de doper la demande de fruits et légumes vendus en circuits courts, ainsi que les contrats d’adhésions.
Les ventes directes des fermes ont donc progressé de 11.7% en 2020 contre 8% en 2019, selon l’Agence Bio. Mais soyons prudent.e.s, cet engouement pour le bio local reposait sans doute davantage sur des raisons pratiques que sur un véritable engagement.
Mais la modification des habitudes alimentaires des habitants est sans appel: près de 3 habitants sur 5 en Hauts-de-France (59%) ont changé leurs habitudes alimentaires au cours des trois dernières années (58% au niveau national), selon A Pro Bio.
À leur échelle, les AMAP soutiennent la conversion vers un autre modèle agricole et un autre modèle de consommation, plus favorable à la santé, à l’environnement, et au maintien de l’activité agricole locale. Elles se dotent ainsi d’un véritable rôle d’enseignement populaire. Une des raisons de l’importance de sa continuité.
Claire Fieux
pourcentages selon A PRO BIO, Les cahiers de l’ORAB n°8, 2020
par Allan Moutet
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.
pour plus d'infos