Par Cassandre Lecomte.
Les habitats légers se développent en France. Loin d’être un retour en arrière, les yourtes, roulottes et autres kerterres questionnent nos modes de vie citadins. Outre ses vertus environnementales, cette habitation permet de réinvestir son contact au vivant.
Terra et Vanessa dans leur maison faites de terre, de paille et de bois remettent au goût du jour le conte des Trois petits cochons. Et si, les maisons les plus bénéfiques étaient, en fait, celles que le loup avait détruites. Y a-t-il en réalité une autre alternative à la maison en brique ?
Sortir du monde bétonné, c’est en tout cas ce qu’a voulu faire Vanessa en habitant léger. Le but ? Ne laisser aucune trace sur Terre avec un habitat réversible. Ainsi, il peut être mobile comme une roulotte, démontable comme une yourte ou biodégradable comme une kerterre. Vanessa a elle choisit la yourte. Terra a construit sa maison de paille et de terre.
Rendre service à la nature
Ce changement d’habitat, du permanent au temporaire, sous-entend changement de mode de vie, changement dans son rapport au vivant. Se rappeler que nous ne sommes que locaterre ou « habitant de la terre » comme l’affirme Terra. S’éloigner du mode de vie citadin permet de prendre conscience de ce que la nature offre sans transformation industrielle : « Je n’ai pas de toilettes, pas de douches, et c’est une bénédiction. Cela me permet d’être au contact avec les éléments. Dès que je me lave, je prends conscience de la force du soleil pour faire chauffer l’eau, je remercie toutes les personnes qui ont permis que cette eau arrive », confie Terra.
La créatrice des kerterres, Evelyne Adam, parle d’habitat et d’environnement bonifiant, dans un entretien accordé à Geoffroy Gouverneur. Il n’est plus question de se servir du vivant, mais plutôt de lui rendre service : « L’idée est de bonifier la nature par chaque action. » Les kerterres trouvent leur place au milieu d’un jardin foisonnant, où le vivant a libre cours. Pour la construction, on utilise du chanvre qui, trempé dans la chaux, est extrêmement malléable et permet la création de forme organique se confondant presque dans le paysage. D’ailleurs, Terra, architecte de formation, n’aime pas cette idée de paysage. Habiter dans une maison de paille et de terre au milieu du vivant lui permet de ne plus seulement regarder la nature comme une carte postale, mais d’en faire réellement partie.
Une démarche extrême ?
Cette prise en compte des capacités de la nature, capable d’ériger un habitat sans de multiples transformations industrielles, s’accompagne d’un nouveau rapport aux richesses. Pour Terra, la question de la précarité n’est plus une priorité : « Je n’ai plus aucune angoisse de finir à la rue, j’ai pris conscience que tout dépend de l’argent seulement quand on n’utilise pas d’éléments naturels. C’est une force énorme puisque je sais que je pourrai me débrouiller seule. »
Pour autant, opter pour l’habitat léger ne signifie pas forcément sortir totalement des circuits traditionnels. Vanessa et Terra l’admettent, elles sont allées au centre commercial dans la journée pour acheter des gants de travail. De même lors de la construction de leur habitat, si la majorité des éléments sont naturels, elles ont également sollicité de la colle à bois, des vis ou encore des outils de bricolage. Mais leur rapport à la nature change la perception des produits industrialisés. De nouvelles habitudes se mettent en place : dès qu’elle achète quelque chose, Vanessa pense au cheminement entre le produit brut naturel, et toutes les étapes l’ayant mené à se retrouver dans ce rayon. Il n’est pas question de renier l’industrialisation et la technologie, mais plutôt d’en faire un meilleur usage : « Que la technologie soit au service du bien-être de la nature » résume Vanessa.
L’habitat léger permet de répondre à des préoccupations sociétales et environnementales, mais ce mode de vie paraît difficilement viable pour tous. Construire un tel mode de vie résulte d’un processus de décroissance très engageant, d’un changement de modèle total, autant au niveau individuel que sociétal. Ce modèle économique, s’il devient un modèle de masse, mettrait au défi la notion même de puissance économique et aurait des conséquences géopolitiques majeures. La société est-elle prête ? La loi ALLUR, autorisant de façon encadrée et exceptionnelle les habitats légers, laisse à penser que l’espace possible est là. Reste à s’en saisir.
Zoom sur...
Aux États-Unis, l’off-grid en pleine adéquation avec la nature.
Par Corentin Lecroq.
Animés par la volonté d’autosuffisance et de reconnexion avec le milieu naturel, de plus en plus d’Américains font le choix de vivre « off-the-grid » (littéralement, hors-réseaux). Ce principe consiste à vivre en autarcie, indépendamment de tout réseau d’électricité, d’eau ou de gaz. Selon USA Today, déjà 180 000 familles auraient franchi le pas.
Dans ce mode de vie, les habitats dépassent rarement les 50m2 et sont entièrement construits à la main, par leurs propriétaires. La construction est parfois longue et nécessite des connaissances dans le domaine de la plomberie ou dans l’énergie. Lorsque le choix d’autonomie est fait, il faut créer ses propres réseaux d’électricité (souvent solaires). Mais, le rapport à la consommation est aussi différent. Par exemple, ceux qui ont un lave-vaisselle le font tourner lorsque le soleil brille.
Vivre en totale autonomie, c’est aussi refuser de déléguer ses tâches quotidiennes à d’autres. Le ramassage des déchets est par exemple proscrit. Il n’est également pas question de dépendre de quelqu’un pour son système sanitaire. Les déjections humaines sont alors valorisées. Dans son livre How To Shyte on Lasqueti (Comment déféquer à Lasqueti), Doug Hamilton indique que la récupération des besoins du quotidien est utilisée pour les cultures. Le potager a d’ailleurs une place primordiale pour ces habitants qui mangent quasi-exclusivement leurs produits issus du jardin et des animaux qu’ils élèvent.
L’off-grid séduit de plus en plus et pas seulement des anonymes. L’actrice Daryl Hannah a par exemple construit sa maison dans le Colorado.
Parlons philo !
Par Capucine Leroy.