Les couverts réutilisables sont-ils un vrai coup de bol ?
Votée en 2021, la loi AGEC – acronyme de Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire – a depuis quelque temps commencé à induire des changements dans la vie des Français. C’est depuis le 1er janvier au tour des restaurateurs de s’y soumettre, comme à l’espace de restauration Grand Scène situé rue de Béthune à Lille, où l’on voit fleurir un lot d’alternatives aux couverts en plastique.
« Transformer nos modes de vie afin de tendre vers un modèle de société plus durable », tel est l’objectif fixé par le ministère de la Transition écologique depuis la promulgation de la loi AGEC. Celle-ci prévoit une suppression progressive du plastique jetable dans notre quotidien d’ici à 2040. Après le grand public, qui a vu fleurir dans les commerces les couverts en bambou, les pailles en inox ou en carton ; c’est au tour du milieu de la restauration d’entamer sa transition vers le durable. Mais les restaurateurs comme les clients y trouvent-ils leur compte ?
De l’autre côté du comptoir, les clients semblent conquis. Ceux de l’espace de restauration Grand Scène, où des restaurateurs sortent de leur cuisine pour se plier à l’exercice de la street food, ont pu apprécier des changements.
Là-bas les restaurateurs y ont institué couverts recyclables et vaisselle lavable. Interrogées sur ces petits changements, deux clientes du restaurant thaï témoignent. « Ça ne peut qu’être bien ! On faisait déjà un peu le tri en séparant le recyclable de ce qui ne l’est pas, donc cela ne change pas vraiment nos habitudes. »
Cependant des doutes leur viennent à propos de l’aspect logistique : « Par contre je ne sais pas comment les restaurateurs vont s’y prendre. Est-ce qu’ils vont employer du nouveau personnel ? Acheter du matériel de plonge ? » Encore faut-il avoir les moyens pour embaucher quelqu’un en plus ou avoir la place pour accueillir un lave vaisselle… Ce à quoi l’une des clientes rétorque « Et pourquoi pas un système de consigne, comme dans l’ancien temps ? (sourire) De mon temps nous faisions ainsi et chacun y trouvait son compte ! » Des possibilités par milliers qui ont un coût susceptible de se répercuter sur le prix des prestations. Ce qui ne semble pas gêner la plupart des client.e.s : « Oui, il y aura sûrement une hausse des prix, peut-être seulement le temps d’amortir le nouveau matériel. Et puis si cela se maintient et que c’est pour l’emploi du nouveau personnel, cela ne nous dérangera absolument pas. De toute façon tout augmente ces temps-ci. »
Les géants en retard
Une question des client.e.s met la puce à l’oreille : « Mais, toutes les entreprises vont-elles le faire ? » Il suffit de déambuler dans les rues touristiques de Lille pour douter de l’investissement et de l’implication des magnats du secteur dans la transition vers le réutilisable. Côté boulangerie, le géant du secteur implanté aux quatre coins de Lille n’a rien changé à ses terrasses comme à ses ventes à emporter. On retrouve toujours les cafés, thés, chocolats, dans des gobelets jetables et les viennoiseries dans les mêmes emballages papier. Des emballages qui deviennent non recyclables après avoir absorbé le sucre ou le gras des aliments.
Du côté des fast-foods, ce n’est pas beaucoup mieux. Si des polémiques émanaient suite à des vols de couverts réutilisables, les faits ne se sont certainement pas déroulés à Lille. Comme pour la boulangerie, pas de vaisselle solide. Les cornets de frites sont toujours en papier, les boîtes à burgers en carton comme les gobelets ; et les glaces sont toujours dans des récipients plastique.
La concurrence devient encore plus déloyale vis-à-vis des petits commerçants, dont les coûts augmentent : « On est dans le flou le plus total… est-ce que l’on va recevoir des subventions pour financer les nouvelles fournitures ; est-ce que l’on doit mettre la main à la poche ? On ne sait pas vraiment… ». L’incertitude guette et les restaurateurs se verraient bien sortir de ce brouillard à couper au couteau…
Arthur PUYBERTIER
On a testé pour vous la vaisselle réutilisable des fast-food
Zoé DUQUENE
Des pailles en pâtes plus écologiques
Créée en 2019, l’entreprise Payapâte produit des pailles en pâtes, pour limiter l’impact écologique de ce marché polluant.
C’est un soir de 2018, en prenant un mojito, que Mathieu Laurençon et son associé ont eu le déclic. Créer des pailles en pâtes 100% biodégradables, compostables et naturelles. L’entreprise Payapâte est alors née. Ce sont donc des pailles en pâtes composées de semoule de blé et d’eau. Elles ont pour but d’être mangées à la fin de son verre et remplissent aussi d’autres objectifs. « Remplacer celles en plastique, qui sont interdites et celles en carton, désagréables, cancérigènes et fabriquées à l’autre bout du monde », assure Mathieu Laurençon, co-fondateur et PDG de Payapâte.
Mais le PDG ne s’arrête pas là. Fabriquées aujourd’hui en Italie, il souhaite passer la frontière pour importer la production de ces pailles en France, et utiliser des produits locaux comme le blé. Il veut « limiter l’impact du transport pour que les pailles deviennent plus écologiques ». Un autre projet est aussi en préparation. La fabrication de couverts écologiques.
Adrien IZARD-LE CALVÉ