Surfer sur la ligne rouge entre travail et études
Pour pallier les difficultés financières, certains étudiants se retrouvent dans l’obligation de travailler. C’est pourquoi universités, syndicats et associations soutiennent la voix de ces héros méconnus afin qu’ils puissent concilier études et emploi. Léo Ménager, secrétaire général de l’union étudiante, et Nathalie Ethuin, professeur à l’université de Lille, viennent apporter leurs réponses et éclairages sur la situation de ces étudiants, face à des institutions qui mettent de moins en moins la main à la poche.
« L’université peut accorder des changements d’emploi du temps ou encore des excuses d’absences à certains cours obligatoires. » C’est ainsi que Nathalie Ethuin mentionne les quelques aménagements faits par l’administration lorsqu’un élève se signale travailleur. Ancienne responsable de licence et professeur en science politique, elle est identifiée par les étudiants comme très consciente de leurs situation et à l’écoute des revendications des promotions. Dans cet esprit, elle décrit les risques que peut comporter cette double vie, en particulier sur la santé mentale. « Il est souvent difficile de garder le moral lorsque l’on doit jongler entre études et monde professionnel tout en gardant du temps pour soi. » Un suivi est alors proposé pour les cas d’urgence avec la maison médicale des étudiants. Souvent difficile d’accès et comportant peu de place : « Il ne suffit pas à régler complètement la situation de certains étudiants », affirme Nathalie.
Un encadrement insuffisant
« Presque un étudiant sur deux se retrouve forcé de travailler aujourd’hui. » Léo Ménager s’insurge. A travers la voix de l’union étudiante, il espère changer les mentalités et arrêter de normaliser les emplois étudiants. Selon lui, c’est l’État qui est responsable : « Sa politique néolibérale empêche de considérer les étudiants autrement que comme des “têtes d’intelligence” ». Léo souligne que les budgets alloués aux universités sont insuffisants : « Le système d’études supérieures manque cruellement de moyens, les universitaires baissent tandis que écoles privées se multiplient. »
« L’État fait l’autruche », conclut Léo. Alors, il ne faut plus attendre de réponse de la part de ce dernier. L’union étudiante assure un rôle de réponse à leurs conditions de vie, indispensable face au peu d’issues proposées. « Dans le cadre de nos fonctions, nous accueillons et ré-orientons les étudiants dans le besoin vers des professionnels adaptés. » De cette manière, ils proposent des liens entre jeunes en difficulté et psychiatres et psychologues. Selon lui, il est aussi question d’avertir les concernés sur leurs droits. Son syndicat assure une sensibilisation sur le droit salarial par le biais du numérique (compte Instagram), d’affichages au sein de l’université de Lille, enfin à travers des interfaces de questions réponses ouvertes à tous.
Vivre pour ne plus survivre
Nous sommes un syndicat de transformation sociale.”
Léo Ménager, secrétaire général de l’union étudiante
Attendre une réponse miracle des responsables de leur précarité, c’est ce que les étudiants espèrent en vain d’après le secrétaire général. C’est en raison de ce type de complications que Nathalie et Léo appuient la possibilité d’aides financières de l’État, plus concrètes, suffisantes et accessibles à l’instar du système boursier.
Cependant certains ont compris que pour se faire entendre, il fallait se tourner vers de nouvelles formes de militantisme, C’est ce que Léo affirme. Il raconte que depuis son entrée à l’union, beaucoup d’étudiants salariés attendent et participent aux mouvements organisés par le syndicat. Léo défend cela : « Nous sommes un syndicat de transformation sociale, ça attire dans les solutions qu’on propose. » Il ajoute que ce type de militantisme veut réellement changer les choses.
Une solution théorique
L’ensemble des individus concernés par la précarité étudiante s’accorde à soutenir le projet d’un revenu d’autonomie universel revenant à tous les étudiants. Louise, 19 ans, en deuxième année de licence de science politique, travaillant en service/restauration, défend que ce revenu serait un « excellent compromis ». En tant qu’étudiante boursière, elle assure que cette dernière ne suffit pas. Du côté de l’union étudiante, la défense de ce projet se fait entendre aussi de plus en plus parmi les syndiqués.
Si cette proposition est progressivement mise sur le devant de la scène, c’est bien parce qu’il y a une vocation à changer les mentalités à propos des étudiants, ce sur quoi s’accorde étudiants, syndicats et membres de l’administration.
Par Luna Nikolic
L’interrogation :
Pourquoi certains étudiants, même boursiers, sont obligés de travailler ?
Selon l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE) et son enquête datant d’avril 2021, plus de la moitié des étudiants qui travaillent en France (ndlr : 40% des étudiants dans le supérieur) le font dans le but de « survivre ».
Le cas de Maëlle illustre bien cette idée de survie. L’étudiante publie une vidéo sur la plateforme TikTok quelques semaines après la rentrée 2022. En pleurs, la jeune femme explique qu’elle a été contrainte à vingt heures de jobs étudiants par semaine en supplément de ses heures de cours habituelles. La cause : sa bourse a diminué chaque année pendant quatre ans depuis le début de ses études.
Ce n’est pas tout, puisque l’inflation que connaît le pays depuis des mois se répercute également sur les étudiants. D’après l’étude annuelle de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) sur le coût de la vie étudiante, ce dernier aurait augmenté de près de 6,5% par rapport à la rentrée 2022. Cela correspond à un apport annuel supplémentaire d’environ six-cents euros.
Les dépenses alimentaires (+14,3%), ainsi que les frais d’électricité (+10,1%) et les frais de transport (+5,91 % pour les non-boursiers, +3,95 % pour les boursiers) font partie des augmentations aux conséquences les plus importantes sur le portefeuille des étudiants.
En publiant les résultats sur Twitter/X, l’UNEF a également insisté sur le fait que le coût de la vie étudiante n’avait jamais atteint de tels sommets. Ce qui donne de quoi s’inquiéter pour l’avenir des étudiants dans le pays, même pour les boursiers.
Djibril Faye
Vidéo : Lucile Jaray
Photos et infographie : William David