La coupe du monde de rugby, symbole de l’opportunisme chez les jeunes
Le 8 septembre s’est ouverte la coupe de rugby qui se déroule dans 10 villes françaises. Pour accueillir l’événement, 18 000 emplois ont été créés au sein de la Métropole Européenne de Lille (MEL), dont certains pour les jeunes. Loïc Merlo, Nissa et Gabriel ont saisi cette occasion.
A l’heure où il est difficile de s’insérer professionnellement notamment dans le milieu du sport, l’organisation d’un tel événement apparaît comme une opportunité. CAMPUS 2023 : un programme de 2023 jeunes en alternance dans toute la France fait partie de ce dispositif mis en place spécialement pour la coupe du monde. 56 alternants ont été sélectionnés dans la MEL pour cette formation inédite.
“Sans Campus 2023, je n’aurais jamais été pris en Master à l’université de Lille, et donc jamais je n’aurais eu l’opportunité d’avoir le poste que je vais occuper.” Loïc Merlo n’y aurait pas cru il y a 1 an, si on lui avait dit qu’il décrocherait un contrat d’au moins 3 ans au sein de son club : le Touquet Etaples Rugby Club. Diplômé d’une licence de packaging, l’étudiant de 24 ans, a toujours voulu travailler dans le sport mais n’en a jamais eu l’occasion. Jusqu’au jour où il a l’opportunité de postuler à CAMPUS 2023. Sélectionné après un oral de motivation, ce programme lui permet à la fois d’entrer directement en Master management des organisations sportives à STAPS Lille et de travailler en tant que référent partenariats au sein de son club qu’il côtoie depuis ses 8 ans.
Diplôme en poche après ses 2 ans d’alternance, le programme prévoit 4 mois (juillet-octobre) en immersion totale pour participer à l’organisation de la Coupe du monde. Une aubaine pour accroître le réseau. Assistant opérationnel de l’équipe d’Angleterre dont le camp de base est au Touquet, Loïc Merlo raconte avoir rencontré le président de la ligue des Hauts-de-France de rugby lors de la « Welcome ceremony » des Anglais. « Une expérience qui se finit en beauté » pour le natif de Rang-du-Fliers(62)
L’alternance une opportunité en OR
Tous les jeunes, à l’image de Loic Merlo ne seront pas insérés professionnellement mais le Comité d’organisation de la Coupe du Monde de Rugby France 2023 s’est engagé à ce “qu’entre 600 et 800 contrats pérennes soient cofinancés vers les structures de la Fédération Française de Rugby.” L’alternance reste une opportunité professionnelle très avantageuse. De fait, d’après l’APEC en 2022, 89% des jeunes en alternance étaient en emploi 12 mois après avoir terminé leur apprentissage.
L’opportunisme mais à quel prix ?
Avec un taux de chômage de 17,3% (-25ans), la concurrence est grande pour espérer décrocher un précieux sésame. Les jeunes se doivent donc de prendre toutes les expériences quelles qu’elles soient, même très éloignées de leur futur métier. C’est le cas de Gabriel, 22 ans, et Nissa, 20 ans, employés pour deux mois en CDD sur le stand de merchandising à la gare Lille Flandres. Gabriel, lui, souhaite travailler dans l’import-export et accumule les CDD en vente, Nissa, elle, est étudiante en 2e année en droit à l’Université de Lille et collectionne les CDD jusqu’à janvier afin de repasser son semestre 2. Tous deux racontent qu’ils font ça pour « faire quelque chose ».
Une motivation qui sera, certes, bénéfique pour le CV, mais qui ne leur permet pas d’acquérir des compétences spécifiques à leur futur métier, un facteur essentiel d’insertion.
Eva Claudel
L’insertion professionnelle des jeunes, une solution qui masque un problème plus profond.
Alors que le gouvernement cherche désespérément à répondre au problème numéro 1 de la jeunesse : le chômage, les solutions proposées sont bonnes, certes. Et la MEL, par exemple, en coopération avec l’État et le Comité d’Organisation de la Coupe du Monde, en lançant le programme CAMPUS 2023, ont agi face au chômage massif des jeunes. Mais, une telle action n’est pas suffisante pour la plupart des 18-25 ans. L’URSSAF a émis une étude qui démontre que les jeunes de moins de 30 ans ont un revenu en moyenne inférieur aux générations passées. En effet, près de 25% des effectifs salariés du secteur privé sont des jeunes de moins de 30 ans. Et, tout de même, alors même que le salaire brut mensuel des salariés est de 3159 euros en moyenne, les jeunes de 16 à 25 ans sont rémunérés à près de 1900 euros par mois… Que ce soient les frais de scolarité, l’inflation, due notamment aux conséquences dévastatrices de la crise du Covid-19 ou de la guerre en Ukraine, les populations déjà en difficulté en prennent un coup, et les jeunes en font malheureusement partie. La précarité étudiante est devenue un sujet majeur pour le gouvernement Macron, mais les solutions présentées sont-elles vraiment optimales ? Le taux de chômage a certes baissé vers les 7%, selon les chiffres officiels, et les aides de l’État s’intensifient. Mais, le chômage des jeunes, leur précarité évidente, tous ces problèmes amènent à une adaptation de ces jeunes hommes et femmes, et une mentalité de « sur-opportunisme » naît chez ceux les plus en difficulté. Gabriel et Nissa voient leur CDD, non pas comme une manière de mieux s’insérer dans le monde professionnel, mais bien comme un moyen de « faire quelque chose », bref, un synonyme simple pour « survivre ». Pousser les jeunes en précarité à s’insérer dans des métiers qui ne leur correspondent pas, est-ce vraiment la meilleure solution pour remédier à la précarité et au chômage des jeunes ?
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Mathé Cléach