Même si la météo nordiste de cet été semble dire le contraire, ça chauffe dans les villes ! À Lille, une des grandes villes les moins vertes de France, plusieurs acteurs prennent les devants pour faire face aux îlots de chaleur urbains.
« Lille : 9e/11 » peut-on lire sur le site de l’entreprise Kermap, spécialisée dans le traitement d’images satellites. En juin 2023, elle a recensé le patrimoine arboré des communes françaises. Parmi les grandes villes, Lille se retrouve en bas du classement. Un chiffre déplaisant qui peut s’expliquer par un contexte historique selon le PDG de Kermap interviewé par BFM TV : « Lille a été construite à une époque où la nature n’avait pas forcément sa place. » À l’inverse, Nice et Montpellier, villes sur le podium « se sont développées beaucoup plus tardivement, où les règles d’urbanisme étaient très différentes ». Selon lui, un écart de points peu alarmant, mais qui ne doit pas justifier l’inaction.
Végétaliser tout en préservant
Pour Faustine Balmelle, « la ville a clairement loupé un tournant ». En tant qu’élue municipale et métropolitaine au sein du groupe d’opposition Lille verte, la jeune militante est bien placée pour le savoir. Le constat du manque de verdure, elle se l’est d’abord fait en tant que citoyenne. Venant d’un milieu agricole du sud de l’Ardèche et habitante de Lille depuis 12 ans, elle a été frappée par « un manque d’horizon ». Pour elle, le problème vient non seulement du passé industriel de Lille qui « a laissé peu d’espaces verts pour agir » mais aussi de projets anachroniques tels que le centre commercial Lillenium, et ses « 55 000 m2 de béton », ouvert en 2020. Au-delà de la végétalisation, Lille verte s’inscrit donc dans une politique de préservation et de « débétonisation ». À ses yeux, « il y a eu de bonnes initiatives mises en place par la municipalité telles que le permis de végétaliser. Mais il faut désormais une action massive ».
Cette lutte contre l’étalement urbain se mène également sur le terrain de l’activisme écologique. Âgé de 19 ans, Pops* fait partie du collectif Youth For Climate Lille. Pour lui, les efforts de la municipalité sont insuffisants, car « préserver des vieux arbres est plus efficace en termes de puits de carbone que planter des nouveaux ». C’est pourquoi en mai dernier, son mouvement a organisé un festival sur la friche Saint-Sauveur, menacée depuis de nombreuses années par un projet d’aménagement urbain. Le but était d’« allier la lutte à la joie et de montrer aux gens qui ne connaissaient pas la friche la beauté du lieu et la nécessité de le préserver ».
Malgré les obstacles, l’espoir persiste
Ce combat que mènent Faustine et Pops fait pourtant face à des obstacles. Lille Verte étant largement minoritaire au conseil municipal, Faustine Balmelle a vu bon nombre de ses projets rejetés. Ce sentiment d’être limitée dans son action s’est parfaitement illustré en juin dernier lorsque le projet d’aménagement de la friche a été adopté malgré leur opposition.
Pour Pops également, cette nouvelle a été un coup dur. Mais tous deux n’ont pas dit leurs derniers mots. Lille verte appelle à continuer la mobilisation et demande une modification du projet permettant d’allier les logements sociaux à un véritable espace vert. Quant à Pops, cette déception l’a encore plus conforté dans sa lutte « de terrain face aux politiques inactives ».
Par Gaby Millour
Trois questions à un écologue lillois
À Lille, existe-t-il un lieu où la végétalisation a amélioré les statistiques environnementales ?
Au quartier des Bois Blancs, aux Coignet, on a fait quasiment le maximum de ce qui était faisable. Les rues sont extrêmement végétalisées. On a des fossés, des jardins linéaires en forme de creux. Au lieu de garer les voitures sur les trottoirs, elles sont placées dans des garages sous les habitations. Si on n’avait pas la nécessité de faire les stationnements dans les rues, il y aurait de l’espace disponible pour la renaturation. C’est un vrai îlot de fraîcheur, comparé aux quartiers qui n’ont que des façades de maisons, du macadam, et des voitures.
Comment la renaturation de la ville apporte des bénéfices écosystémiques ?
La renaturation de la ville, comprend, par exemple, de ne plus rejeter d’eaux pluviales dans les égouts. Quand il pleut trop, ils débordent et tout se perd dans les points d’eau. Elle doit ensuite être lavée en station d’épuration : c’est idiot de nettoyer des millions de mètres cube d’eaux de pluies. Aux Coignets, on la récupère sur les toitures végétalisées : les petites pluies sont absorbées par les végétaux, le trop-plein passe à travers pour être récupéré et infiltré dans le sol. Cette eau est disponible pour des arbres comme des Saules, qui contribuent à faire baisser la température de l’air par photosynthèse et évapotranspiration.
Un autre exemple de bénéfice concerne les façades plein sud. Si on y met des plantes grimpantes, en été, le végétal est en feuilles et le mur ne surchauffe pas. En hiver, les plantes sont tombées, le bâtiment est réchauffé.
Quel est le principal impact du manque de végétalisation sur la santé humaine ?
La végétalisation des villes permet de faire perdre aux surfaces d’habitations leurs microparticules. Ces micropolluants qu’on respire et qui nous détruisent les bronches peuvent causer des cancers divers. Les surfaces végétalisées vont les capter: elles seront plaquées au sol par l’humidité, par les végétaux.
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