Contre la solitude des retraités, penser plus grand que de simples alternatives individuelles
Le Châtillon s’est rendu au salon Seniorêva qui se déroulait du 12 au 14 octobre derniers à Lille Grand Palais. Ce salon, s’adressant aux retraités, propose des aides pour organiser et occuper sa retraite. De nombreux professionnels vendaient leurs services dans différents domaines : tourisme, habitat, bien-être, accompagnement retraite…
Ce salon, commercial, n’est qu’une des nombreuses approches visant la sociabilisation ou l’occupation chez les personnes retraitées. En effet, comment rencontrer de nouvelles personnes quand les sphères sociales que vous connaissez depuis toujours ne vous acceptent plus ? La fin de l’activité professionnelle rend plus difficile le contact social et accentue un sentiment d’inutilité dans une société où le travail a été vu comme une raison de vivre. La famille, les amis, peuvent s’éloigner, et n’ayant plus la force de la jeunesse, c’est tout un monde qui devient inaccessible. Et même si certains ont conscience de cela, dans une société tournée vers l’individualisme, les alternatives pour remédier à cette solitude sont restreintes.
Des remèdes adaptés ?
Ces solutions dépendent également de ce que la personne recherche. Elle peut simplement être de l’ordre d’une journée, nous explique Pierre, membre de l’association Du club de l’amitié, à but non-lucratif. Proposant des sorties à la journée de différentes sortes et pour une somme relativement modeste, il y a dans cette initiative une réponse à cette solitude. La création d’un lien social ou même d’une amitié forte est plus facile quand on se rencontre lors d’une journée qui nourrit des intérêts communs et cela est visible. Il n’est pas rare que les accompagnateurs observent des retraités qui, une fois venus seuls, reviennent en groupe pour se divertir avec des personnes rencontrées lors d’une sortie précédente. Pourtant, seules des personnes relativement en bonne santé peuvent se satisfaire de ces sorties, celles qui ont l’envie et la capacité de sortir de chez elles pour voir du monde.
Pour ceux avec plus de moyens et qui veulent s’entourer tous les jours, les résidences services pour séniors peuvent être une option. Delphine nous a présenté le groupe Orchidées, qui en possède plusieurs. Ici, l’accent est mis sur l’animation, plus que pour créer du lien, cela permet de faire quelque chose de différent, « piscine, conférence, fitness, aquarelle ». Tout le monde n’a pas la possibilité de faire cela chez soi. Pour elle, « l’objectif de venir aux Orchidées c’est d’avoir soit une sociabilité, soit des activités, matin, après-midi et de savoir qu’ils ne sont jamais seuls ». Alors, bien que ce soit l’animation qui est mise en avant par les employés, c’est avant tout du lien social que sont ici venus chercher les retraités. Comme évoqué, cette dernière alternative est disponible seulement pour ceux ayant un capital économique élevé. Se tourner vers une résidence publique ou un EHPAD est donc possible pour pallier l’argument économique ou à un besoin de soin. Malgré tout, ces deux options ne peuvent totalement éradiquer la possibilité d’un sentiment de solitude. Ce n’est pas parce qu’on vit entouré qu’on ne se sent pas seul. Bien que la présence d’animations soit importante, elle ne peut soustraire la nécessité du lien humain, qui dépend des relations avec les autres résidents, le personnel et encore une fois, la famille. Tant de facteurs incontrôlables pour l’institution.
Des alternatives comme des colocations entre étudiants et retraités, les MARPA-écoles ou encore les initiatives municipales impliquant les retraités dans des activités au sein d’écoles primaires présentent les mêmes limites et les mêmes bénéfices : besoin de lien social, d’occupation, de divertissement, de transmission… Aller vers une société inclusive, pour que tous aient les mêmes droits et les utilisent, que personne ne soit mis à l’écart serait un grand pas contre la solitude des retraités, et cela passe par un changement de l’environnement, des lois, des décideurs… c’est tout un processus à réfléchir et à mettre en place pas à pas.
– Lola Gentilhomme
Le bridge redonne le sourire
Parmi la myriade de stands du salon Senioreva au Grand Palais de Lille, Isabelle cherche le sien : elle est venue représenter la Maison du Bridge de Wasquehal (MBW) avec les autres membres du club. Ils règnent sur une poignée de tables à jouer éparses en face des tireuses à bière. S’ils ont le sourire facile, ces vétérans des 52 cartes sont des adversaires redoutablement expérimentés. Leur sens stratégique est la preuve de la difficulté du jeu de levée. Bien heureusement pour les néophytes et les curieux qui s’aventurent sur les tables du stand, ils brûlent d’envie de transmettre leur savoir. Dominique, professeur à la MBW, s’étonne même qu’il n’y ait pas de club de bridge à l’Université. Le club “pourrait envoyer quelqu’un pour donner des cours de temps en temps”.
Pour sa part, Isabelle a découvert le bridge la veille de la victoire des bleus contre le Brésil lors de la coupe du monde de foot de 1998 : “C’est devenu une passion”. Elle venait de déménager à Haguenau, dans le Bas-Rhin, pour le travail de son mari. Le Cercle du Bridge n’était qu’à deux cent mètres de chez elle, la rencontre avec le jeu était inévitable. Elle n’estime pas être une des plus assidues : “Nous on joue quelque fois par semaine, à la retraite, on a le temps ! Mais il y en a qui s’y mettent tous les jours et qui en vivent.” Bons joueurs, Isabelle et ses acolytes de la MBW sont tout sourire et leur passion est contagieuse. Une heure de jeu passe comme dix minutes, et on en ressort apaisés !
– Paolo Maccarinelli