La LiRel pour remobiliser les élèves décrocheurs
Aujourd’hui, quasiment un élève des Hauts-de-France sur dix est en situation de décrochage scolaire. C’est pour faire baisser ce chiffre que, dans la ville de Lomme, la LiRel ainsi que ses intervenants viennent en aide à ces décrocheurs. Différents ateliers tentent de répondre aux problématiques.
Le décrochage scolaire est un processus qui cause le départ de plusieurs milliers d’étudiants chaque année du système scolaire sans l’obtention d’un diplôme de niveau BAC. Une multitude de facteurs peuvent être à l’origine du déclenchement d’un processus de décrochage comme les fréquentations de l’élève, sa famille ou encore sa méfiance envers l’école. C’est le cas de Guillaume, qui a décroché lors de son année de 4e : « Mon décrochage a commencé vers Novembre, j’ai raté une heure, puis deux, puis une journée complète, etc. C’est un cercle vicieux, plus tu rates d’heures, plus tu te dis que ce n’est pas grave si tu en rates une ou deux de plus. ». Sa mère, Aude, est terriblement touchée par la situation de son enfant : « J’ai dû m’en occuper seule, lui et ses 2 frères. A cause de mon travail qui me prenait beaucoup de temps, je ne suivais pas beaucoup son travail. Mais si j’avais su, je me serais mise à l’arrêt pour l’aider. »
« Une nouvelle chance »
C’est à cause de ce genre de cas que la ville de Lomme a décidé de créer en 2021 le dispositif LiRel (Lille Réseau Lycées), en collaboration avec les villes de Lille et de Hellemmes (devenu Génération Engagée en 2022). Son but est d’accompagner ces jeunes décrocheurs afin qu’ils puissent retourner sur le chemin de l’école et avoir quand même une formation et un diplôme. C’est Delphine Blas, adjointe au maire chargée de l’éducation à la mairie de Lomme, qui en est à l’initiative : « Souhaité par la ville, LiRel est un dispositif innovant permettant de remobiliser les jeunes décrocheurs, les remettre sur le chemin de l’école et de les insérer demain dans la vie active. C’est une nouvelle chance, autant pour eux que pour nous ! » La LiRel veut que chaque projet de remobilisation d’élève soit le plus personnalisé et adapté au profil des jeunes. Et pour réussir au mieux cette réinsertion, elle se met à l’écoute des élèves, elle prend tout en compte : classe de décrochage, problème de l’élève et envies de l’élève au niveau réinsertion. Le programme de remobilisation se fait grâce à différents ateliers de développement des compétences psychosociales et d’expression citoyenne des jeunes, en partenariat notamment avec les lycées Sonia Delaunay et César Baggio de Lille ainsi que l’association ESSOR, qui aide le développement des jeunes à l’international.
Trouver la bonne formule
Le changement de LiRel à Génération Engagée n’est pas qu’un simple changement de nom, c’est une toute autre manière de fonctionner. La LiRel était basée sur un système de service Civique pour remobiliser les jeunes. Malgré des résultats moyens (un tiers des jeunes engagés dans le programme trouveront une insertion professionnelle ou une formation), la mairie fait vite le constat que « le service Civique n’était pas le support le plus adapté à notre public. En revanche, on remarque tout de même un intérêt de nos actions, ce qui nous a poussé à continuer. ». Génération Engagée voit une refonte de son mode opératoire, plus de service Civique, mais à la place, un engagement citoyen, une découverte des métiers et un renforcement des savoirs de base. Depuis son lancement en 2022, Génération Engagée a vu plus de 80 jeunes décrocheurs envoyés vers des missions locales et l’Éducation nationale. D’autres ont trouvé une formation qui leurs plaisent, et certains sont encore dans le dispositif, en attente d’une opportunité.
Mathurin Lalau
Zoom sur le métier de conseiller d’orientation, en première ligne face aux élèves en décrochage scolaire
Céline Maureau est conseillère d’orientation depuis 2016 dans l’enseignement secondaire. Elle a longtemps hésité avant de se lancer dans l’éducation. Si au début c’était plus par nécessité que par envie, en fin de compte, cela lui plait vraiment de travailler, d’être à l’écoute et de chercher le meilleur parcours d’études qui convient aux élèves. Elle s’est livrée sur le «phénomène» du décrochage scolaire, elle qui à la charge de guider les élèves dans leurs orientations scolaires.
Tout d’abord, pouvez-vous définir avec vos mots ce que signifie pour un élève d’être en décrochage scolaire et quels sont vos moyens pour guider l’élève dans sa formation à venir ?
On dit qu’un élève est «décrocheur» quand il quitte ou risque de quitter prématurément le système scolaire sans l’obtention d’un diplôme (CAP, bac pro ou baccalauréat). Contrairement à ce que l’on pense, une partie des élèves qui décrochent ne le font pas en fonction de leurs résultats scolaires. Nous, conseillers d’orientation, avec l’équipe pédagogique, sommes présents pour les écouter et les accompagner vers une reprise d’études et un projet professionnel durable et qui surtout convient et plait à l’élève. On a souvent l’image du conseiller d’orientation qui envoie l’élève vers une orientation professionnelle qu’il juge adéquate mais qui ne plait pas du tout au décrocheur. Si on tient compte de la raison et de ce que nous disent les décrocheurs, on ne peut que les aider à trouver une autre issue et les empêcher de décrocher.
Pensez-vous que ce phénomène de décrochage scolaire est récent ou bien ce n’est que depuis ces dernières années que nous décidons d’en parler ?
Il y a toujours eu des élèves qui n’accrochaient pas au système scolaire, on les envoyait vers une voie professionnelle que ça leur plaise ou non. Le but était qu’ils puissent avoir un métier par la suite. C’est sûr qu’aujourd’hui on a l’impression qu’il y a plus de décrochage scolaire car on en parle, il y a des rapports réalisés (d’après l’INSEE en 2016, environ 450 000 jeunes âgés de 18 à 24 ans n’ont pas de diplôme ou ont juste le brevet des collèges). C’est pourquoi l’éducation nationale doit revoir ses méthodes et dispositifs d’enseignement. Des classes surchargées, des journées à rallonge avec des devoirs en plus, ce n’est pas tenable surtout s’il n’y a pas un soutien des parents derrière.
A titre personnel, est-ce que vous avez l’impression de participer à la lutte contre le décrochage en faisant ce métier ?
C’est un peu la base de mon métier, je communique beaucoup avec des élèves qui seraient en proie au décrochage. Là où je me trouve, il y a environ 450 élèves, je ne suis pas la seule conseillère d’orientation donc nous pouvons avoir un suivi pour chaque élève dans le besoin. Dans d’autres établissements, il n’y a qu’un seul conseiller donc c’est sûr qu’à ce niveau-là on ne pourra pas s’occuper de tous les élèves. Je n’ai pas forcément l’impression de lutter contre le «décrochage» mais plus de participer à l’adaptation du cursus scolaire de chaque élève.
Victorien Ledoux
Loïc Freyssinet : discussion sur le décrochage scolaire
Loïc Freyssinet (professeur à l’université et ancien professeur dans le secondaire) livre son avis sur le décrochage scolaire en France.