Début novembre, « Et Ta Cause », une association féministe et inclusive, a organisé un événement sur Twitch, accompagné d’une collecte de dons reversés au Planning Familial. Cet acte militant s’inscrit dans la lutte contre les violences patriarcales, subies par les femmes et les minorités.
Leur nom interpelle, leur communication aguiche, leur objectif mobilise et leurs résultats impressionnent. Les 3, 4 et 5 novembre derniers, l’association « Et Ta Cause » a mené son troisième événement caritatif en trois ans, en direct sur la plateforme Twitch. Organisé par deux streameuses, Lixiviatio et Neivee, ce marathon en ligne a cette année récolté 72 146 €. Plus, donc, que les deux premières années cumulées.
Lixiviatio, présidente de l’association et instigatrice de l’événement, s’en réjouit : « On a explosé tous nos records, on est vraiment très contentes ! » Elle a créé le mouvement en 2021, afin d’imposer une diversité de personnes et de contenus : « L’idée à la base, c’était de créer un événement où on ne verrait pas toujours les mêmes tronches : des mecs, souvent problématiques. » Féministe et inclusive, l’association est aujourd’hui constituée de quatre femmes, dont l’engagement contre les Violences Sexistes et Sexuelles (VSS) a trouvé terre fertile dans Twitch.
La plateforme est un terrain de lutte à investir, pour deux raisons. Premièrement, elle attire les jeunes, le public à sensibiliser par excellence. Deuxièmement, et c’est ce que Lixiviatio entend par « problématique », Twitch-même est gangréné par différents problèmes liés à des streameurs, à des événements, ou simplement à des propos, qui s’inscrivent dans le large cadre des VSS. Des « dérapages systémiques », qui résonnent particulièrement chez Lixiviatio. Ainsi, en partant de ses expériences personnelles, elle a muri un engagement contre les violences du patriarcat : « J’avais une voisine qui subissait des VSS, et que je n’ai jamais pu aider sans me ou la mettre en danger. » Si elle a choisi Twitch, c’est pour les raisons évoquées précédemment, et bien sûr, pour des raisons personnelles : « Il y a plein de trucs que je ne sais pas faire, mais ce que je sais faire, c’est être sur les réseaux, faire de la sensibilisation, des lives, organiser des événements, et c’est ma manière de militer. »
Le caractère militant de cet événement réside à la fois dans son propos, et dans la collecte de dons qui l’a accompagné. Cette année, des interviews, discussions et concerts ont été organisés pendant trois jours. Les fonds récoltés cette année sont reversés au Planning Familial, association profondément féministe, qui lutte pour que les femmes puissent avoir le choix d’avoir un enfant ou non, et plus globalement contre les discriminations inhérentes au système patriarcal. Un choix très cohérent, donc, qui fait très largement écho au combat porté par « Et Ta Cause ».
Nombreux.ses sont donc les participant.e.s à avoir versé de l’argent pour le Planning Familial, commettant en quelques sortes un acte militant aussi. Mais peut-on considérer que l’envoi de dons constitue un geste militant ? Pour Lixiviatio, cela ne fait aucun doute : « Je pense pas qu’il y ait une bonne ou une mauvaise manière de militer, chacun ce fait ce qu’iel veut ». De chacun selon ses capacités, dit-elle donc. La collecte de dons a d’ailleurs un effet très concret, a priori, sur l’organisme nourri et, ainsi, sur la cause défendue.
Mais le fait que cet événement militant ait pour concrétisation la formation d’un chèque, aussi important soit-il, constitue aussi sa limite. En effet, envoyer un don n’engage en rien le corps d’un individu dans un combat politique. Ce geste, par définition, ne fait pas du combat en question une lutte sensible. La personne qui donne peut ainsi très bien le faire, sans en être pour autant « sensibilisée », au sens fort du terme. La collecte de don approvisionne les organisations qui luttent, en l’occurrence le Planning Familial, mais n’est pas le meilleur moyen de sensibiliser et de lutter collectivement. Mais cet événement est un geste politique efficace, qui permet à des dizaines de femmes, d’exercer au mieux la liberté qui leur est souvent volée par l’ordre patriarcal. Et ce pragmatisme est un élément de réponse urgent, à un problème, lui, bien sensible, vital.
Arthur Lyon-Caen
Le planning familial, pour une meilleure santé sexuelle
Face aux violences sexistes et sexuelles, Et Ta Cause choisit cette année de faire part de ses dons au planning familial, un réseau associatif se revendiquant comme un « mouvement féministe d’éducation populaire », et comptant plus de 70 antennes dans toute la France. Le planning familial, propose des espaces d’échanges autour des sexualités, dont les taboues entravent encore l’accès aux informations. Tandis que l’extrême droite fait de la lutte contre « l’idéologie de genre » son nouveau cheval de bataille, les questions de genre et de sexualités restent peu abordées au sein des écoles françaises. L’association « parents vigilants » menée par reconquête appel notamment sur son site internet à « protéger nos enfants » contre la propagande LGBT ou l’enseignement de la « théorie de genre » durant les enseignements d’éducations sexuelles. En effet, depuis 2001, l’article L312-16 annonce qu’une éducation à la sexualité soit dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées au moins trois fois par an visant à « l’apprentissage du respect dû au corps humain et à sensibiliser aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu’aux mutilations sexuelles féminines ».
Le planning familial se donne alors pour mission d’informer et d’accompagner tout un chacun dans de potentielles démarches comme l’IVG ou le dépistage par exemple. Un travail d’utilité publique, qui a récemment été fragilisée par une polémique autour d’une de leur campagne de sensibilisation en 2022. En effet la publication d’une affiche, avec cette phrase : « au planning on sait que les hommes aussi peuvent être enceint » aura mis l’association sous le feu des projecteurs, jusqu’à ce que certains appellent l’Etat à couper leurs subventions. Cette campagne intervient alors que l’accès à la procréation pour les personnes trans animait encore l’hémicycle politique, dans le cadre des débats autour de la loi bioéthique de 2021, ouvrant la PMA (procréation médicalement assistée) aux femmes cisgenres ne pouvant donner naissance. Le conseil constitutionnel aura finalement tranché pour ne pas ouvrir la PMA aux hommes transgenres étant en capacité de procréer, mais n’étant plus reconnue comme une femme à l’Etat civil. Le planning familial ainsi que de nombreux militants pour les droits des personnes LGBTQIA+ condamnent fervemment cette décision jugée discriminante, mais leurs voix peinent à se faire entendre face aux vifs débats moraux dont les minorités sexuelles sont l’objet, mais rarement les participants.
Laura Mermoud
Best of de Et ta cause: la solidarité et la cohésion au rendez-vous
Photographie: Joséphine Zelent-Clairis
Vidéo: Sofia Varengo et Yuna Perrière