La solitude empire lors des périodes de fête où le sentiment se ressent de plus belle face à une société qui projette une vision idéale de la famille et de Noël. Théo Zerouali explique les raisons qui poussent certains à détester l’hiver.
Décembre, mois de la magie pour certains, mois de la déprime pour d’autres. Théo Zerouali, thésard en psychologie à l’Université de Lille explique ce sentiment comme « propre à chacun et liée à l’évaluation que la personne va faire de sa satisfaction à propos de ses relations sociales ». Contrairement à l’isolement social qui est objectif et qui renvoie au nombre de contacts, la solitude quant à elle, peut être une impossibilité de parvenir à s’inclure dans la société et à maintenir des liens sociaux. Par sa dimension subjective, il est possible de se sentir seul même sans l’être, « il peut y avoir 100 personnes autour de soi et pouvoir se sentir très seul quand même », explique Théo Zerouali. Selon une enquête de la Fondation de France, en 2022, 9 millions de Français souffriraient de la solitude.
« Les jeunes n’ont jamais été seuls et ne veulent pas l’être »
Contrairement aux idées reçues, les personnes âgées ne seraient pas particulièrement touchées par la solitude mais davantage par l’isolement social au contraire des jeunes. En effet, comme l’explique l’étudiant en dernière année de master de psychologie, l’utilisation des réseaux sociaux poserait un problème, enfermant les jeunes dans une sphère virtuelle qui ne remplacerait pas pour autant les liens sociaux dans le réel. De surcroît, le phénomène des réseaux sociaux qui dépeignent une vision idéale de la famille, de Noël, accentue une peur de la solitude. Cette crainte s’intensifie lors de la période des fêtes où la représentation collective fait de Noël un moment de partage avec la famille ou les amis. Ce phénomène durant cette période s’expliquerait par la culture occidentale chrétienne érigeant Noël comme festif, heureux et familial. « Se retrouver seul dans un moment comme ça avec ces représentations, forcément, ça va être un problème. »
Accepter et extérioriser
Pour pallier ce sentiment nourri par les représentations communes, la solution se trouverait finalement dans l’acceptation et l’extériorisation. Être seul pourrait bien être une expérience positive et il ne faudrait pas la craindre. Que cela passe par le développement de sa créativité, un temps de réflexion sur soi et son bien-être ou tout simplement de développer des activités qui n’avaient pas été réfléchies auparavant, « des moments seuls peuvent tout simplement avoir des effets positifs ». La clé se trouverait dans la capacité à comprendre que la solitude peut être appréciée si elle est prise dans le bon sens. Justement, dans cet objectif il existe une thérapie de l’acceptation qu’évoque d’ailleurs Théo. Lorsqu’une émotion est trop forte et que l’on ne sait pas comment la cueillir, il faudrait alors la partager, aller vers les autres. Ce travail demande du temps mais aussi une éducation auprès des jeunes pour éviter le repli sur soi. Ainsi, la thérapie d’acceptation permettrait aux personnes d’admettre les situations par des exercices pour trouver des alternatives à la solitude.
L’hiver et les fêtes ne doivent donc pas être pris comme des ennemis mais comme des périodes qui permettent de se retrouver soi-même, de se recentrer et surtout d’enfin comprendre ses émotions afin de pouvoir affronter Noël et le Nouvel An plus sereins.
Anaïs Fouché
Face à la solitude des mineurs exilés, le “Centre de la réconciliation” se mobilise
A Lille, la “Boutique Solidaire aux carrés”, appartenant au “Centre de la réconciliation”, est le point de départ d’une assistance pour les mineurs exilés. Près de 130 jeunes en situation précaire et isolés y trouvent un suivi dans leurs démarches administratives, ainsi qu’un espace chaleureux et propice aux échanges.
Au cœur du quartier Moulins dans le sud de Lille, la discrète “Boutique Solidaire aux carrés” ne paye pas de mine. D’apparence, elle semble être une friperie tout ce qu’il y a de plus classique : des vestes accrochées à des cintres font guise de devanture, la vitrine met en avant certaines pièces sur un buste. Mais si l’on s’approche un peu et que l’on prête attention aux petites affiches collées, on apprend que cette boutique appartient au “Centre de la réconciliation”, une association locale parrainée par l’Église “La Réconciliation” qui soutient les mineurs exilés. Ces jeunes, arrivés en France et non reconnus comme mineurs, se retrouvent dans l’attente de pouvoir exercer un recours devant le juge, après qu’une évaluation départementale leur a refusé un statut. Le Centre intervient à ce stade, accompagnant les jeunes dans leur démarche devant le juge et les aidant également dans des procédures administratives telles que l’obtention de cartes de métro ou de la carte AME pour la santé.
Des jeunes exposés à une grande solitude
La plupart des mineurs isolés résident dans un camp sous des tentes au cœur de Lille sud. C’est aujourd’hui près de 80 jeunes qui vivent quasiment coupés de la société, sans contacts extérieurs et parfois même sans une langue commune… Alice, engagée en service civique au sein de l’association, explique : “La plupart des jeunes ne disent pas de front qu’ils se sentent seuls, mais on le ressent quand on parle avec eux. Ils sont seuls face à leurs démarches, personne ne les aide.” Alice ainsi que d’autres bénévoles accueillent les jeunes lors de permanences administratives chaque lundi et mercredi à l’étage de la boutique solidaire. “Beaucoup viennent nous voir juste pour discuter, prendre un moment pour avoir un échange humain. On ressent un besoin de lien et de discussion lors de nos échanges.”
L’association comme moyen d’insertion
Le décor de la boutique est essentiel dans le fonctionnement de l’association : elle constitue une voie de découverte pour les gens. L’ambiance y est amicale et chaleureuse, même si la lumière se coupe et plonge la salle dans le noir de temps à autre. “Bienvenue dans une association à but non lucratif”, ironise Orlane, membre du Centre. Les bénéfices de la boutique financent les besoins des jeunes, en plus de l’aide administrative. Face aux difficultés d’accès à l’éducation en l’absence de papiers, l’association a créé “L’école sans frontières”, gérée par des bénévoles. Les élèves, parfois non francophones, y reçoivent un enseignement adapté, établissant ainsi une routine plus stable et moins solitaire. L’école accueille une soixantaine d’élèves, mais est obligée d’en refuser un grand nombre car les professeurs ne sont pas assez nombreux. Autre dispositif : le pass Lille & Moi proposé par la ville de Lille et qui permet d’accéder aux musées, aux zoos ou même aux bibliothèques. Grâce à cela, les jeunes peuvent se mettre au chaud l’hiver, avoir accès à un ordinateur, à des évènements culturels… “On les accompagne pour créer cette carte. A terme, on espère qu’à force de fréquenter des lieux publics, ils pourront tomber sur quelqu’un qui peut les aider, discuter avec eux… Au moins, ça les met dans un cadre où ils ne sont pas qu’entre eux, où ils peuvent rencontrer du monde,” explique Orlane. L’idée est aussi que l’obtention des papiers n’est pas la finalité, ce ne sont pas les papiers qui cassent la solitude, mais ce qu’ils permettent à leur propriétaire. L’association œuvre pour que même en l’absence de titres, les jeunes puissent expérimenter ce que serait la vie avec.
“Les rencontres sont plus importantes que les symboles, l’idée est surtout de ne pas être seul pendant les fêtes”
La solitude s’intensifie en période de fêtes où la représentation collective qui en est faite montre un moment de partage avec la famille ou les amis. Chez les mineurs exilés, ce phénomène est d’autant plus vrai du fait que les fêtes sont rares. A la faveur de l’hiver et de l’insertion, “L’école sans frontière” organise des fêtes pour Noël. Elles réunissent les jeunes de l’école, certains de leurs copains, des jeunes du camp et même des anciens de l’école. “On accueille à la fois des chrétiens, des musulmans et d’autres religions, donc l’idée est plus de faire la fête comme tout le monde, explique Mireille, coordinatrice de “L’école sans frontière”, c’est plus les rencontres qui sont importantes que les symboles. L’objectif est surtout qu’ils ne soient pas seuls pendant les fêtes.” Pour cela, les élèves décident ensemble de ce qu’ils veulent faire : certains organisent un spectacle sur ce qu’ils apprennent à l’école, d’autres font de la danse. L’idée est surtout de passer un moment ensemble, dans la joie et la bonne humeur. “L’année dernière on l’avait fait et ça avait plutôt bien marché, indique Alice, si on arrive à finir en musique, c’est une fête réussie !”
Raphaël Constans-Martigny
Quand noël a (trop) la cote sur les réseaux sociaux
Alors que pour certains la période de Noël rime avec magie et féerie. Pour d’autres, elle n’évoque que frustration et déception. Quand le premier décembre pointe le bout de son nez et que Mariah Carey tourne en boucle sur les ondes, certains ne partagent pas l’engouement de cette magie ambiante. En effet, ce mois est pour beaucoup une piqûre de rappel quant à leur solitude.
On pourrait penser qu’il serait simple pour les haters de Noël de passer leur chemin et de patienter gentiment jusqu’à l’arrivée de la nouvelle année. Mais cette technique de l’autruche ne fonctionne plus à l’ère des réseaux sociaux. Quand Instagram, Facebook, Twitter, YouTube, et même TikTok se mettent en fête, il devient difficile d’éviter l’effervescence du mois de décembre. Puisque qu’il devient pesant de voir cette collègue qui poste une photo de son somptueux banquet représentant dignement le faste à la Française ; ou votre amie d’enfance qui poste en story tous ses jolis cadeaux bien emballés dans ce papier cadeau rouge qui aborde des petits pères noël ; ou ces pubs qui vous permettent d’économiser 30 % sur votre prochaine commande avec le code promo NOELCCHOUETTE ; ou encore ce TikTok où une parfaite petite famille décore leur gigantesque sapin et mettent tous main dans la main l’étoile au sommet. Cette saturation médiatique est un crève-cœur pour toutes les personnes souffrant de solitude.
Petit conseil de la rédac : dès que vous entendrez le seul et unique IT’S TIIIIIME de la reine de Noël, profitez-en pour éteindre vos téléphones et arrêter de scroller en vain. Seul ou bien accompagné, les fêtes de fin d’année se vivent et s’apprécient autrement que derrière un écran.
Lou-Anne Gilles Kotlyar
Vidéo: rencontre avec les étudiants du pôle caritatif d'Adespol
Durant une interview les membres du pôle caritatif nous présentent les différentes missions et projets mis en place afin d’aider les personnes agées à sortir de la solitude en cette période de fête.
Valentine Gomez