L’art pour éveiller les sens des enfants

by Lucie Griveau
Allier art et apprentissage, c’est ce que réalise le dispositif 1,2,3 couleurs. Jusqu’au 11 mars, les enfants de 0 à 6 ans mettent ainsi leurs sens en éveil au Musée des Beaux-arts de Lille. Créé en partenariat avec le centre d’initiation à l’art Mille Formes de Clermont-Ferrand, 1,2,3 couleurs est un dispositif, et non une exposition, comme l’explique Mathilde, une médiatrice culturelle.

Après avoir ôté leurs chaussures à l’entrée, les enfants, intrigués, observent la forme circulaire qui les entourent et les nombreuses couleurs qui en ressortent. Les pieds sur un tapis douillet, ils écoutent attentivement les consignes de la médiatrice qui s’occupe de la séance. À partir de jeux manuels mêlant la créativité et la sensorialité, les enfants développent ici leur imaginaire dans une société de plus en plus numérisée.

L’art mêlé à l’apprentissage

À l’intérieur du cercle, l’espace est divisé en quatre parties. L’objectif principal est d’initier les enfants à l’art par des activités créées par des médiatrices, à partir de deux projets interactifs produits par deux artistes, Eltono et Claude Como.
La première section nommée « Espaces manipulables » est consacrée à Eltono. En jouant sur les formes géométriques, les couleurs (le rouge, le bleu, le jaune et le vert) et les matériaux (le bois et la mousse), l’artiste pousse l’enfant à s’exprimer et à observer. Mathilde, la médiatrice, explique que dans cet espace : « On force les enfants à ne pas associer les formes à un élément qu’ils connaissent, mais on leur pose des questions afin de faire fonctionner leur imagination. » Contrairement à ce que donnent les écrans, l’art les pousse à développer librement leur imaginaire et leur réflexion.
La deuxième partie s’intitule « Jeu minots » et est dédiée à l’artiste Claude Como, qui a créé un espace recouvert de laine à partir de la technique du tufting. Ici, elle pense cet art comme une manière d’éveiller les sens du toucher et de la vue des tout-petits de 0 à 2 ans. Mêlant des textures rêches et douces et des couleurs vives, les bébés découvrent un univers riche où ils développent leur imaginaire à l’aide de contes lus par les médiatrices.

La pédagogie par le jeu

Photo du dispositif 1, 2, 3 couleurs au Palais des Beaux-arts de Lille.En suivant la ligne directrice des artistes, les médiatrices sont libres de créer des activités en adéquation. L’espace « Le petit atelier » est consacré à cela. Ici, elles encadrent les enfants dans des travaux manuels multiples : des mosaïques, des collages, des négatifs… Néanmoins, il faut maintenir l’attention des enfants en les rendant captivants. De plus, Mathilde ajoute que « le but, c’est qu’ils reviennent ». L’objectif final est de montrer aux enfants les prémices de ce qu’est l’art et les habituer aussi au musée.

Le dernier espace, un coin lecture appelé « La Cabane à histoires », a pour objectif de faire découvrir les formes et les couleurs par des livres lus par les médiatrices ou les parents. Les enfants y réalisent aussi un « tableau » en assemblant des formes et l’observent ensuite. Le jeu et la création sont liés, mais aussi différenciés par ce temps d’analyse qui initie les enfants à l’art en lui-même. « Ces activités permettent aussi de les entraîner quand ils reviendront voir des collections permanentes », explique Mathilde.
Ce dispositif a fait réfléchir les médiatrices sur des projets futurs permanents pour le musée. L’idée d’une visite pour les tout-petits est envisagée, en attendant La Galerie à hauteur d’enfants qui prendra place en 2025 au musée.
Dans une ère où les écrans touchent les enfants de plus en plus tôt et où la créativité est délaissée, des initiatives comme 1,2,3 couleurs mettent en lumière un apprentissage concret et artistique de l’éveil des sens.

Abigail DOS SANTOS

Photos Le Châtillon

Visite de l'installation

3 questions à Claude Como

L’artiste a réalisé l’installation Jeu-Minots à l’intention des enfants de 0 à 2 ans. Ces derniers peuvent en faire l’expérience au dispositif 1, 2, 3 couleurs, présent au Palais des Beaux Arts de Lille.

Photo de l'installation Jeu-Minots de Claude Como pendant le dispositif 1, 2, 3 couleurs du Palais des Beaux arts de Lille.
Jeu-Minots par Claude Como

Comment décririez-vous votre œuvre et vos intentions ?

C’est un jeu interactif, les enfants peuvent manipuler les œuvres. C’est vraiment un univers dans lequel les enfants se plongent, il y a une espèce d’immersion de l’enfant dans le jeu. C’est plutôt un monde végétal, un peu animal aussi : c’est le monde de la nature, le monde du vivant.

En quoi cette installation est-elle pédagogique et accessible aux tout-petits ?

L’idée c’est d’initier au contact, à la couleur et à l’assemblage. Il faut que ce soit manipulable et surtout agréable, qu’il y ait un contact physique. Mille formes m’a fait une commande en tant qu’artiste comme ils connaissaient mon travail sur le tufting. Vous pouvez faire une petite observation psychanalytique : c’est quelque chose de doux et le doudou est un objet transitionnel à l’absence de la mère.

Selon vous, pourquoi faut-il initier les enfants à l’art dès leur plus jeune âge ?

Le terme « d’art » est un terme d’adulte. C’est ce que le musée peut raconter dans sa démarche muséale, moi, en tant qu’artiste, c’est juste ma manière de m’exprimer. J’invite à ce voyage-là, mais je peux pas prétendre que « j’initie à l’art » : c’est pas à moi de me poser ces questions-là, c’est les lieux. Et puis j’ai créé ce jeu parce que ça m’a beaucoup amusé déjà moi, c’est-à-dire que je suis une grande petite fille. Je suis déjà moi-même un enfant vis-à-vis de l’art.

Clarisse CLERC

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