Allier les traditions médicales à la médecine classique
L’herboristerie, c’est un savoir ancestral qui est encore utilisé aujourd’hui. Aurore*, herboriste à Caen et Clément*, cardiologue en région parisienne, partagent leur vision. De leur point de vue contemporain, la pharmacopée et l’herboristerie ne sont pas si incompatibles que cela.
La définition de l’herboristerie d’Aurore est très claire : « C’est la mise à disposition des plantes pour un usage qui s’inscrit dans une tradition qui remonte à la nuit des temps. Elle était déjà utilisée dans l’Antiquité chez les Grecs et les Egyptiens pour lutter contre le mal. C’est aussi un savoir, il faut connaître les propriétés de chaque plante prescrite. »
Aurore continue : « Dans les années 1940, sous le régime de Vichy, l’herboristerie est dépassée et contrôlée par l’industrie pharmaceutique qui obtient le monopole sur les plantes médicinales. Le statut et le diplôme d’herboriste sont supprimés et interdits. Depuis 2008, la réglementation permet la vente libre de 148 plantes sous leur forme originelle, comme les fleurs de camomille. 500 sous forme de gélules comme compléments alimentaires, c’est le cas de la valériane. »
Selon Aurore, ceux qui se tournent vers les plantes veulent soigner leurs petits maux naturellement. Il est impératif de bien connaître les vertus des différentes herbes. « La phytothérapie est très intéressante, elle peut compléter les médicaments pour atténuer des effets secondaires. Les deux ne sont pas antagonistes, ils travaillent en synergie. » Cependant, ce traitement doit se faire en suivant un avis médical.
Clément est cardiologue et n’est donc pas apte à prescrire des plantes médicinales. En général, lorsque ses patients sortent du service ils n’ont plus de traitement ou ils reprennent celui qui a déjà été validé par leur médecin généraliste. « S’il y a déjà des plantes je les prescris, ça fait partie de l’équilibre de les garder. »
Pour Clément, ceux qui se tournent vers l’herboristerie cherchent à s’auto médiquer dans le but de ne pas avoir à recourir à un médecin. « Les médicaments pharmaceutiques reposent sur les mêmes plantes avec des bases purifiées à dose très importante. L’herboristerie rassure puisqu’elle a des principes actifs doux. Elle est efficace et avec une forme diluée elle évite au consommateur de se mettre en danger. »
Aujourd’hui encore, il est difficile de prouver l’efficacité des plantes à cause d’un manque de budget alloué pour la recherche. C’est un secteur encore très méconnu, les propriétés des herbes ne sont pas exploitées à leur capacité maximale. C’est pour cela, et Aurore insiste sur ce point : « Il est important de toujours bien se faire conseiller. Il y a des médecins et des pharmaciens qui sont spécialisés dans la phytothérapie et il est préférable de les consulter avant de se lancer dans un traitement. Il est possible de se renseigner autrement à l’aide de livres publiés par des professionnels. »
Malgré cela, l’herboristerie pose problème. Clément le confirme : « Des patients avec une croyance à la limite du sectarisme n’ont pas voulu se soigner autrement qu’avec des plantes pour des pathologies lourdes comme le cancer. »
Des patients arrivent à un stade trop tardif où on ne peut plus rien faire
Néanmoins, Clément garde un avis plutôt positif sur l’herboristerie. D’après lui : « Le pire serait d’exclure ce qui correspond à la satisfaction du patient. Certains ne supportent pas d’être malades et vont aux urgences pour une rhinopharyngite. Dans ces cas-là, la pharmacopée est reconnue comme surdosée et la médecine douce est beaucoup plus avantageuse. »
Angèle Guët
* Les prénoms ont été modifiés
Vidéo : Alice Gesbert
Image : Clarisse Guyard
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3 Questions à un praticien en médecine chinoise?
Que sont les médecines alternatives ?
Ce sont des approches thérapeutiques qui s’appuient sur le pouvoir de guérison naturelle du corps. Les praticiens travaillent à replacer le patient dans son environnement externe et interne, pour mieux comprendre le fonctionnement du corps et mieux agir sur lui et avec lui. On trouve entre autres dans ces approches la naturopathie, l’acupuncture, la phytothérapie, l’ostéopathie ou encore le qi gong. La médecine chinoise, davantage préventive que curative, est la plus ancienne de ces approches et met l’accent sur le mouvement du corps pour sortir du regard figé de la médecine conventionnée.
Quel lien avec la crise actuelle du secteur médical ?
On voit beaucoup de patients qui nous consultent pour avoir un second regard. La durée moyenne d’un rendez-vous médical en France est de 7 minutes, en si peu de temps le médecin ne se concentre que sur un symptôme. De fait une frustration naît chez le patient qui souhaite avoir un regard plus complet qu’apportent les médecines alternatives (en médecine chinoise un rendez-vous dure entre 45 minutes et 1 heure). Si on ajoute à ce constat la difficulté à obtenir un rendez-vous, la diminution du nombre de médecins, la défiance qui augmente vis à vis de l’industrie pharmaceutique, forcément on est amené à faire un lien avec cet intérêt croissant pour des médecines plus douces.
Quelle complémentarité entre médecine conventionnée et médecines douces ?
La complémentarité est essentielle, et ce dans l’intérêt de celui qui consulte autant que dans l’intérêt des soignants. Travailler en bonne intelligence ce serait placer les malades au carrefour entre tous les praticiens, leur permettre un suivi plus personnel, global, leur éviter les potentiels effets secondaires de traitements parfois inadaptés et soulager également les soignants d’une patientèle surchargée car mal orientée. En réalité il y a très peu de communication entre les professionnels de santé, et le patient finit par créer son parcours de santé lui-même, voire par s’auto-traiter et donc s’expose à d’autres dangers.
Marion Lescuyer