La seconde main à portée de vue, mais pas complètement à portée de main
C’est au 35 rue Basse, à Lille, que l’opticien ZAC s’est installé en mai 2022. Créée trois ans plus tôt, l’entreprise spécialisée en reconditionnement de lunettes a pris le temps d’étudier et de mettre au point ses techniques avant de prendre place dans le Vieux-Lille. La société a à cœur de proposer des lunettes moins chères pour une qualité identique afin de faire évoluer la relation des potentiels clients avec la seconde main, tout en maintenant un bon chiffre d’affaires.
De l’extérieur, ZAC ressemble à un opticien classique, au détail près que sur les vitres, les trois étapes du processus de reconditionnement sont schématisées. La boutique s’étend dans la longueur, d’un côté reposent les lunettes éco-conçues et de l’autre, les lunettes reconditionnées, le tout sur de petites étagères en bois. Selon Antoine Lamblin, opticien, l’impact se veut environnemental, social et économique, car bien que la société ne soit pas fondée sur la rentabilité, elle a besoin d’un minimum de revenus afin de payer son local et ses salariés. Pour autant, l’entreprise est spécialiste dans un domaine : le reconditionnement de montures de lunettes. Antoine précise : « C’est du reconditionnement, pas du recyclage, on remet à neuf d’anciennes paires. »
Toujours en quête de solutions
0 déchet c’est l’objectif, qui est encore loin d’être atteint, car seulement 30% des paires sont reconditionnés, cela représente « une trop faible partie » pour Antoine. Mais sa vision de la vie en rose n’est pas une limite pour l’opticien, si ces paires ne peuvent pas servir à leur cause, autant qu’elles suivent les principes de l’initiative. Elles sont donc données à des associations ou aux pièces détachées. De plus, toutes les parties d’une paire de lunettes ne sont pas reconditionnées, seules les montures le sont. Pour ZAC, un deuxième défi est alors lancé : trouver une solution pour pouvoir réutiliser les verres.
Un marché en évolution
Le marché s’est agrandi depuis sa création, ZAC a été la première entreprise de reconditionnement de lunettes dans la région. Pour autant, de nombreuses enseignes se lancent dans le marché comme Optic2000 avec pour but de pouvoir y consacrer un rayon. Des sites internet comme Seecly proposent aussi les mêmes services. En effet, les montures reconditionnées se vendent entre 50% et 70% moins chères que les montures classiques, ce qui représente un achat moins conséquent pour les clients. En 2020, en France, le coût moyen d’une monture seule s’élevait à 141,50 euros, là où une paire de ZAC reviendrait à environ 70 euros. Mais ça ne manque pas d’être rentable pour les opticiens car ce n’est que le prix de la monture, non pas des verres qui représentent 66% des revenus des opticiens, selon une enquête menée par Acuité en 2022.
L’entreprise fait face à une seconde contrainte, Antoine qualifie le reconditionnement de lunettes comme un « marché de niche », tout le monde n’est pas encore prêt à acheter des paires reconditionnées, ou n’en connaissent pas encore l’existence. Même si ces dernières années, le marché de la seconde main et la vente d’occasion se développe « à fond » comme le dit Antoine, grâce à Vinted notamment, le nombre de clients est attendu à grandir dans une période où l’inflation augmente et que les gens recherchent une bonne qualité pour peu cher. Pour autant, Antoine précise que le marché évolue, chaque année, le chiffre d’affaires du magasin augmente d’environ 30%.
Anoushka Trajkovic
Crédits photos : Louna Martin Delbrayelle
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Hana Ghoujdani
En savoir plus : le coût de l'optique en France
En France, les prix de l’optique peuvent être très hétérogènes, particulièrement chez les indépendants, selon le nombre de salariés, son emplacement ou encore le loyer du local commercial. En bref, les opticiens sont soumis aux mêmes réalités que chaque commerçant.
Cependant selon Optic Performance, conseillé en techniques commerciales dans le domaine de l’optique, sur un panier moyen qui s’élève à environ 400 euros, la marge brute s’élève à 68%. L’optique est le seul commerce affichant des chiffres aussi impressionnants. Ces chiffres sont un problème pour de nombreuses personnes. En effet, la Sécurité sociale ne rembourse qu’à hauteur de 60% une paire de lunettes. Sauf, si vous choisissez de prendre des lunettes parmi une sélection précise, qui entrent dans le “panier 100% vision” de la “Sécu”. Ce panier n’est malheureusement pas très connu, ni mis en avant et les choix sont assez limités et ne bénéficient pas toujours d’une grande qualité.
Une autre solution existe pour avoir accès à une paire de lunettes sans trop mettre la main au portefeuille, les mutuelles. Si vous avez un emploi, vous pouvez avoir accès à la mutuelle de votre entreprise. Néanmoins, les mutuelles, qui complètent ce que l’Assurance santé ne paie pas, ne se valent pas toutes et régulièrement, par souci d’économie, les employeurs ne prennent pas le haut du panier. Vous avez alors le choix d’adhérer à une mutuelle de votre côté qui rejoint au mieux vos besoins, en l’occurrence les lunettes. Mais ces mutuelles ont un coût. En moyenne pour les 18-45 ans les tarifs se situent à 69 euros par mois, selon Selectra, et pour des tranches d’âges plus élevées, les 100 euros sont vite atteints. Souscrire à une mutuelle n’est donc pas à la portée de tous.
Bref, l’optique reste un domaine de santé très lucratif et difficilement accessible à tous dans de bonnes conditions. Il est à noter malgré tout que c’est aussi un domaine dans lequel l’inflation n’a pas eu trop d’impact ces dernières années.
François Perisse