Né aux Etats-Unis, le stand-up se révèle être une puissante forme d’expression. A Lille, le Loko Comedy Club propose, chaque mercredi soir, une heure de rires grâce à un décryptage sarcastique de la société.
Être muni d’un micro et s’adresser à un public. Ces deux seules conditions suffisent aux humoristes pour faire vivre le stand-up, cet art comique spontané très populaire depuis une quinzaine d’années sur la scène hexagonale. Et ce, quel que soit le lieu, en témoigne le plateau du Loko Comedy Club. Présent depuis 2019 sur les planches lilloises, ce club de stand-up a transformé le sous-sol du JugerBar, situé rue Solférino, en une salle de spectacle new-yorkaise. Tous les mercredis et dimanches soir, une poignée d’humoristes s’y succèdent pour tenter de conquérir, par le rire, une audience en racontant leurs histoires du quotidien. Un mode d’expression simpliste qui fait du stand-up un vecteur de partage, de liberté et de décompression.
Une satire 2.0
« Tu fais quoi dans la vie ? » Dès le début, Habib, humoriste et fondateur du Loko Comedy Club, casse le quatrième mur en s’adressant à une spectatrice au premier rang. Tout au long de la soirée, les humoristes parsèment leurs passages d’interactions avec leur auditoire afin de nouer avec lui une complicité unique. Une complicité qui permet à la quarantaine de personnes, venue d’horizons différents, de rire de soi et des autres sans problème ; c’est cela la force du stand-up. Plus ou moins habitués à la scène, ces virtuoses de l’humour arrivent à séduire le public entier en traitant des sujets qui mettent en lumière l’absurdité de notre monde. « Tu recherches un emploi pour être CityManager ? Normal que tu trouves pas, tu inventes un métier là ! », se moque Habib en répondant à une spectatrice. A l’instar de ses confères, il se métamorphose en un miroir qui reflète et déforme notre réalité avec humour. La qualité d’observation est le pouvoir de tout stand-upper. Dans son spectacle Alors, Roman Frayssinet pointe notamment du doigt l’incohérence totale de l’administration française et de ses complexités bureautiques, face auxquelles toutes et tous ont déjà été confrontés. En consacrant des sketches sur toutes les stupidités de notre société, ou alors parfois sur des sujets délicats, difficiles à évoquer, les humoristes invitent le public à remettre en question ses propres croyances et à regarder le monde d’un nouvel œil.
« Le rire, c’est une thérapie pour les gens »
Et aujourd’hui, si les spectacles de stand-up attirent de plus en plus, c’est également parce qu’ils garantissent, tout simplement, une dose de joie. « Les temps sont difficiles, tout le monde a besoin de rire », affirme Habib. Le quotidien est tel que l’humour sert d’échappatoire aux pressions et au stress du train-train quotidien et assister à du stand-up permet une heure de détente et d’évasion. Est-ce l’objectif premier ? En tout cas, le gérant du club d’humour lillois a pleinement conscience : « Le rire, c’est comme une thérapie pour les gens. » Et pour le Loko Comedy Club, c’est mission réussie. Après une heure d’intenses rigolades, le public repart léger. « Je suis totalement détendue, ça fait du bien après le boulot », confie, sourire aux lèvres, une spectatrice en sortant de la salle. S’il n’est pas pour autant, à lui seul, la recette miracle du bonheur, le stand-up permet incontestablement, grâce au talent des artistes, d’oublier ne serait-ce que le temps d’un tour d’horloge, sa vie quotidienne et toute son extravagance.
Tom Novak
VIDEO « LOKO Comedy Club : un terrain d’expression pour les humoristes »
Zadig Marvyle
EDITO
L’humour tabou, plutôt éthique ou pathétique !?
Lorsque l’on commente le spectacle d’un humoriste, et ses « blagues », une invitée rôde toujours : la police de la morale. Que vous en parliez avec vos amis, vos parents ou vos grands parents, soyez en sûr, leur réaction ne sera jamais la même. Ce phénomène est bien normal. Entre l’éthique et le pathétique il n’y a qu’un pas, selon votre perception de la situation. Car c’est de cela dont il s’agit ! Selon votre âge, votre sexe, votre éducation, votre histoire personnelle (…), votre perception de la « blague »; ne sera pas la même. Cette différence de perception s’accentue encore plus de nos jours, car libérés de tout carcan, certains humoristes tels qu’Elodie Poux, Haroun ou Artus, s’attaquent à des sujets extrêmement sensibles, voir même tabous (la religion, le machisme, l’obésité, le handicap (…)). Leur but est de partager leur propre perception d’une situation ou faire écho avec leurs expériences personnelles. Une libération de la parole qui doit être employée à bon escient et avec mesure pour ne pas tomber dans le pathétique de mauvais gout comme Guillaume Meurice, qui en 2023, a été accusé d’« antisémitisme ». Parler de quelque chose de personnel, est la clé. En prenant en compte la sensibilité de chacun ainsi que les critères personnels, chaque personne se sentira plus ou moins concerné par la « blague ». Cette dernière pourra vous paraître intolérable, de mauvais goût et vous faire rire jaune ou au contraire rire aux larmes. Tout se joue au niveau de la façon dont est transmis et perçu le message. Un juste milieu est primordial car sinon, c’est un échec et le lien est rompu. Quant à vous, pensez à communiquer. Gageons que la perception d’une autre personne sur cette « blague », vous permettra peut-être de changer d’avis et de mieux comprendre le fond du message de l’humoriste. Comme disait Hemingway : « J’ai beaucoup appris en écoutant attentivement ». A vous de jouer !
Victor Arostica