Face à la concurrence, les librairies indépendantes défendent leur identité
Si Lille compte une dizaine de librairies indépendantes, beaucoup font face à des difficultés qui poussent certaines à fermer boutique.
Mangas, livres en VO, guides touristiques, ouvrages religieux… Les petites librairies de Lille offrent un choix varié de livres en tout genre. Mais en librairie indépendante comme en grande surface, les prix restent les mêmes, et ce depuis la loi sur le prix unique du livre de 1981. Alors qu’est-ce qui différencie une librairie indépendante d’une Fnac ou d’un Cultura ? Pour Marie-Sophie Goniaux, responsable de La Procure, un établissement spécialisé dans les ouvrages religieux, situé rue Basse, les librairies indépendantes ont une identité, une ligne éditoriale propre à chaque établissement, que l’on ne retrouve pas dans de grandes enseignes : « Le choix des livres, l’assortiment font vraiment la personnalité d’une librairie. Les gens cherchent un accueil, un lieu de vie, et des liens se tissent avec les clients fidèles. C’est vraiment une relation unique qui se noue autour de l’amour de la lecture. » La Libraire conseille ainsi les mêmes clients depuis plusieurs années.
Un secteur en tension
Pourtant, si les libraires indépendantes offrent des conseils et des échanges inédits, beaucoup d’établissements sont en difficulté, et peinent à se faire leur place dans un secteur concurrencé par Internet et les grandes surfaces. Et Lille n’échappe pas à la règle. En 2024, ce sont trois librairies emblématiques de la ville : Meura, La Petite et Godon qui ont cessé leur activité. Depuis plusieurs années, le métier de libraire fait face à de lourdes contraintes. En premier lieu, les marges très basses dégagées par les librairies sur le prix d’un livre, plus faibles que celles des grandes surfaces. Mais la plus grande difficulté que connaissent les libraires réside dans les frais de fonctionnement. Comme pour tout commerce, les loyers ont augmenté, d’autant plus que les petites librairies indépendantes sont souvent en centre-ville. En plus, « la chaîne du livre coute de plus en plus », ajoute Marie-Sophie, « on paie plus cher les transports de livres ». Enfin, l’éléphant dans la pièce : Internet. Depuis plusieurs années, Amazon et autres sites de vente en ligne bouleversent totalement le commerce du livre, avec des délais de livraison records et un choix quasi infini.
Un véritable "engagement" dans la consommation
Alors, comment font les librairies indépendantes pour s’adapter, comment survivent-elles dans ce secteur en tension ? Avant tout, il faut constater que la démarche de venir dans une librairie indépendante n’est pas la même qu’acheter en ligne ou en grandes surfaces. On prend du temps pour choisir un livre, on se laisse guider, et on profite bien souvent d’échanges et d’événements uniques dans ces établissements. Les conférences, les dédicaces font aussi la rareté des librairies indépendantes qui attirent ainsi un certain nombre d’amoureux de la lecture. La Procure organise régulièrement des événements, comme des lectures musicales, des rencontres ou encore des « soirées coups de cœur ». Pour Marie-Sophie, ces moments sont très importants pour la librairie, et attirent souvent une cinquantaine de personnes. Ces clients sont d’ailleurs les premiers à soutenir les petits établissements en y achetant leurs livres. Marie Sophie parle d’un « véritable engagement ». « Pour soutenir, le mieux c’est d’acheter ». C’est donc une culture, une certaine habitude à avoir pour privilégier des établissements de qualité qui n’ont pas la même approche du livre que les grandes enseignes. « Les grosses enseignes traitent les livres comme toute autre marchandise, en effaçant le rôle des librairies qui deviennent des vendeurs. » Or, « les livres, ce n’est pas une marchandise comme les autres, on n’en parle pas comme d’une boite de petits pois, et ça les grandes surfaces l’oublient ». Mais la responsable de La Procure reste confiante : « Au fond, une partie de la population s’éveille, et a besoin d’être acteur, fière de consommer de façon éthique et intelligente. » Elle reconnait « avoir de la chance », sa librairie est en bonne santé, grâce à un grand nombre d’habitués, beaucoup de familles, qui viennent régulièrement et soutiennent l’établissement.
Simon ZOBEL
Un nouveau Chat Pitre pour les librairies indépendantes.
Le Chat Pitre, ouverte en juin 2021, est la première ronron librairie indépendante. Située à Aix-en-Provence, cette dernière a su trouver sa patte pour se démarquer : parmi les “libraires”, sept sont des chats.
Solène Chavanne a ouvert cette librairie après avoir réalisé un matin que bien souvent, lorsque l’on a un chat, celui-ci est toujours à nos côtés lors de nos lectures. Cependant, elle savait aussi qu’en France, toutes les deux minutes, un animal est abandonné. Ainsi, il lui a semblé logique d’ouvrir une librairie avec des chats afin de sensibiliser les humains à la cause animale et aux abandons, mais aussi afin de créer un lien entre les clients grâce aux boules de poils présentes. Les sept “libraires”, comme aime les appeler la fondatrice, proviennent de plusieurs refuges et ont chacun leur propre parrain, comme Faustine Bollaert pour Plume. Si ces derniers ne sont pas à l’adoption, la librairie met en avant sur ses réseaux sociaux des chats qui séjournent en refuge en attendant une nouvelle famille. Le lieu est aménagé en espaces jeux, enfants, lecture, mais aussi coworking. Bien évidemment, les chats ne sont pas oubliés: une pièce leur est réservée lorsqu’ils ont besoin de s’isoler. Une grande partie de la sélection de livres tourne autour des chats, mais pas que ! Elle évolue aussi en fonction des envies de la clientèle. Les mangas et les ouvrages autour du Japon ont leur place sur les étagères tout comme les sorties régulières ou encore les livres féministes. Malheureusement, Aix-en-Provence n’est pas à la portée de tous. C’est pourquoi la fondatrice a décidé d’offrir la possibilité d’ouvrir des franchises. Lille sera peut-être la prochaine heureuse élue…
Salomé RIVET