Le rayonnement imparfait de l’intégration des personnes en situation de handicap par les Jeux Paralympiques
La sémantique même des Jeux Paralympiques signifie à côté de. Un mois après ceux de Paris 2024, la question se pose : est-ce un terme péjoratif ou signifie-t-il qu’on a le droit d’être à côté de ? D’après Dimitri Jozwicki, para-athlète, et Jérémy Houbeaut, référent régional du Comité Paralympique et Sportif Français, les Jeux ont toujours été vecteur d’intégration, il faut donc savoir se saisir du constat posé pour avancer et aller de l’avant même si un chemin reste encore à parcourir.
« Les Jeux Paralympiques de Paris 2024 nous ont mis le nez dans la merde, on a deux solutions : soit on la met sous le tapis, soit on se pose autour d’une table pour en parler car quand on est ensemble bordel qu’est-ce qu’on le fait bien ! », s’exclame le para-sprinteur Dimitri Jozwicki, une étincelle dans les yeux. Créer une société plus inclusive et plus accessible, c’est l’objectif depuis les 9e Jeux de Stocke Mandeville (les 1er Jeux Paralympiques) car contrairement aux Jeux Olympiques, tout ne s’arrête pas à l’événement sportif. « Il y a toute une autre enveloppe sur laquelle on travaille avec les Jeux Paralympiques : les infrastructures, les transports, l’accompagnement individuel et sportif… », ajoute Jérémy Houbeaut, référent des Hauts-de-France du Comité Paralympique et Sportif Français.
Ensemble on l'a bien fait
Tout commence en 1988 quand Mustapha Badid devient le premier sportif français handisport médiatisé en remportant le 1 500 m de démonstration aux JO de Séoul. Il va être le point de départ du début de la Révolution Paralympique en France. L’année de l’organisation de ces premiers Jeux Paralympiques, ceux de Tignes-Albertville, la France va opter pour la création d’un Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF). Dès lors, il a deux missions : accompagner la délégation paralympique pour les Jeux et développer le para-sport sur le territoire.
Ceux de Paris 2024 ont été le catalyseur du développement de 2 programmes par le CPSF depuis 2020 : Club inclusif et ESMS&Club. Avec la collaboration des deux fédérations Handisport et Sport adapté, le premier projet vise à sensibiliser les clubs du territoire à l’accès au sport des personnes en situation de handicap. ESMS&Club, quant à lui, a pour objectif d’impulser des actions de découverte des pratiques parasportives et d’accompagner leur pérennisation en mettant en relation des clubs sportifs et des établissements médico-sociaux. « Certains acteurs publics se saisissent maintenant de la question et veulent développer leurs politiques publiques en matière d’intégration des personnes en situation de handicap », ajoute Jérémy Houbeaut.
Les jeux paralympiques de Paris 2024 en quelques chiffres :
-4 400 para athlètes présents
-80 records du monde
-120 records paralympiques
-2,5 millions
de tickets vendus
-20 millions de téléspectateurs par jour en moyenne sur France TV
Des choses encore sous le tapis
« C’est beau de porter des valeurs et dire qu’on a vu l’intégration par le sport. Comment tu peux pleurer derrière Aurélie Aubert, être fière d’elle, la décorer et ne pas prendre en compte ses problèmes du quotidien en ne nommant pas de ministère au handicap dès la nomination du Gouvernement ? C’est hypocrite et amnésique. » déplore Dimitri Jozwicki. Les Jeux Paralympiques ont beau avoir lancé la Révolution Paralympique, il reste cependant un grand nombre de domaines à travailler. « On a structuré les choses mais on a peur de l’effet de soufflet, on doit maintenir les gens sous tension pour que cela perdure » exprime Jérémy Houbeaut. La médiatisation doit, elle aussi, perdurer. Badr Touzi, para athlète en lancer de poids T63, demande aux médias d’être aussi présents pendant les championnats.
Le réalisme derrière l’idéalisme
Pour Dimitri Jozwicki, les Jeux Paralympiques permettent de poser un constat qu’il faut pouvoir améliorer tout en restant réaliste. Par exemple, ceux de Paris ont montré l’inaccessibilité du métro parisien qui est devenue un casse-tête infernal pour Ile-de-France mobilité, la mairie de Paris et la Région Ile-de-France. Alors si Valérie Pécresse a pu se réjouir d’un ton condescendant pendant sa conférence du 25 mars 2024 qu’il ne faille descendre qu’à la station avant celle du Trocadéro et faire une centaine de mètres pour accéder au site du beach volley (pendant les Jeux Olympiques) et du cécifoot (pour les Paralympiques), cela interroge sur sa réelle compréhension des divers handicaps rendant parfois son affirmation impossible. Cependant « était-ce vraiment réalisable de changer 124 ans d’Histoire du métro parisien en 7 ans ? » s’interroge Dimitri Jozwcki. La Révolution Paralympique ne se fera donc pas en un jour, elle a encore un long chemin à parcourir…
Enola Soares Sagnol
ZOOM SUR : les Deaflympics
Les Jeux internationaux silencieux ou Deaflympics est une compétition créée spécifiquement pour les athlètes ayant un seuil d’audition de moins de 55 décibels et ne disposant pas de dispositif de correction auditive. Cette compétition multisports qui fête ses 100 ans d’existence a été créée avant les Jeux Olympiques.
C’est Eugène Rubens- Alcais, un ancien militaire français et sourd, qui est à l’origine de la création de cette compétition en Août 1924 à Paris pour la première édition.
Elle se produit tous les 4 ans entre les Jeux olympiques d’hiver et d’été. Elle comporte 19 disciplines telles que le Basketball ou encore le Football. Mais aussi d’autres épreuves qui ne sont pas aux Jeux Olympiques ou Paralympiques comme la course d’orientation, le bowling ou les échecs.
Cette compétition se veut indépendante et inclusive de la cause des personnes sourdes. Une première tentative d’unification avec les Jeux Paralympiques a eu lieu en 1985. Mais les négociations ont pris fin 10ans plus tard. Faute d’accord sur les conditions de participation des athlètes. Et il n’est pas non plus possible de faire une fusion avec les Jeux Olympiques. Parce que si les athlètes sourds ou malentendants participaient avec des athlètes valides, il y aurait une barrière de la langue qui serait créée entre sportifs. Ce qui peut entraîner des difficultés de communication. Les prochaines dates des Deaflympics d’été sont annoncées pour novembre 2025 à Tokyo et près de 2800 athlètes y sont attendus.
Emeraude Tambwe Kayunba