L’association Ephatha, est une friperie solidaire qui bien plus que de promouvoir la seconde main, s’efforce d’offrir un lieu de partage et de convivialité aux personnes les plus isolées et/ou précaires grâce notamment aux repas et sorties organisées. La Fondation de France publiait une étude nommée Solitudes 2022 et révélait que 11 millions de personnes sont touchées par l’Isolement, soit 20% de la population.
En poussant les portes de la friperie Ephatha située à Fives, ce sont les rires qui attirent directement l’attention. Deux jeunes femmes se tiennent au comptoir, à côté d’elles un plateau, du café, des tartines et de la confiture trahissent une pause goûter. L’ambiance est chaleureuse, presque familiale. Rires et bonne humeur semblent être la règle d’or. Une partie de l’équipe des bénévoles est présente ce jour-là. Certains gèrent le comptoir, une autre s’occupe à l’arrière de ranger les chaussures, et parmi eux, la directrice Héloïse Noisette.
Un équilibre fragile
L’isolement et la précarité, sont des problématiques auxquelles l’association est confrontée tous les jours. Elle accueille des personnes subissant à une grande précarité économique, à laquelle s’ajoute souvent une exclusion sociale. Les parcours de vie des « bénéficiaires » de l’association, qu’il s’agisse de personnes sans papier ou présentant des troubles psychiatriques, ont tous en commun un passée difficile. Ils et elles se sont retrouvées en position de vulnérabilité (économique ou liée à une maladie), qui a pu accélérer leur isolement et de fait engendrer une précarité de laquelle il est souvent difficile de sortir, seul de surcroît. Ils peuvent alors profiter du café solidaire, où ils se réunissent tous les mardis pour partager un moment convivial autour d’un repas. Ce lieu leur permet de renouer un lien social, pour elles qui avaient été en totale rupture avec la société : « L’avantage d’être un groupe c’est qu’il fait avancer malgré les difficultés. » L’association peut également les assister et les diriger vers des démarches administratives.
Les bénévoles et salariés investis sont désireux de contribuer sur le plan social afin de ne pas rester seuls face aux épreuves et obstacles auxquels ils font face, parfois eux aussi. Il y a une variété de profils à l’œuvre, sans forcément être en situation de précarité, tous sont dans cette logique communautaire avec une envie profonde de donner du sens à leurs actions. Cet équilibre reste tout de même très « fragile », la diversité et la difficulté des profils exigent des efforts constants pour maintenir cette dynamique.
« Aider les autres pour s'aider soi- même »
Ephatha c’est aussi un lieu de rencontres qui permet de tisser des liens forts et durables pour ceux qui ont choisi de dédier une partie de leur temps au bénévolat. Sylvie, bénévole depuis sept ans, dit avoir rencontré une « deuxième famille ». Son envie de rejoindre une association lui apparaît quand elle se voit obligée de placer ses parents en EPHAD, faute de ne pouvoir s’occuper d’eux. « J’ai été confrontée à leur profonde solitude et à leur isolement » ce qui l’a elle-même projetée dans la perspective de son potentiel isolement futur. C’est la peur de se retrouver dans une position similaire qui l’a incitée à rejoindre une association.
Les bénévoles d’Ephatha se sont surtout rapprochés jusqu’à dépasser les simples « amis de travail ». C’est d’ailleurs au sein de ce cercle qu’elle a trouvé l’amour. Ce qui pourrait ne sembler qu’une goutte d’eau dans l’océan de l’isolement, peut aussi chambouler et redéfinir la trajectoire de vie de ceux qui passent par Ephatha. Parce que la friperie associative cherche à offrir plus que des vêtements, elle peut devenir le foyer de ceux qui n’en ont pas et la deuxième maison de ceux qui en ont une.
Diane Thiann-Bo Morel
Eloge à l'action bénévole
Protecteurs des sans-abris, défenseurs des droits des immigrés, en France ils sont 13 millions à donner de leur temps et de leur énergie à diverses associations. C’est le cas de Sylvie, qui depuis trois ans maintenant a rejoint l’association Ephatha. « Ce qui me convenait, c’est que ça soit une friperie, mais aussi, qu’il y ait un café solidaire ». Elle a ainsi choisi de concilier bonté et solidarité avec sa passion pour la mode.
Tous ces bénévoles partagent des valeurs communes : une générosité désintéressée, un don de soi et une empathie fulgurante.
Si 24% d’entre eux auraient dépassé l’âge de la retraite, les moins de 35 ans mènent la danse. Selon le rapport 2024 de France Bénévolat, ils sont actuellement 30% à adhérer à une association, contre 22% en 2019.
Brandon, 23 ans en est un parfait exemple. « J’aime bien le bénévolat,(…) il y a un plaisir, un résultat, mais il n’y a pas d’argent derrière », défier les codes et s’opposer au système capitaliste, c’est ce qu’il cherche en intégrant l’association Ephatha.
Des institutions à bout de souffle ? Des hommes à cravates bien trop éloignés des angoisses qui affectent les citoyens ?
Pour Sylvie, c’est également cette perte de confiance envers les politiques qui l’a poussée à devenir bénévole. « C’est une façon de faire de la politique, je choisis de m’engager dans une association, plutôt que d’aller voter ».
Être bénévole c’est aussi concilier plusieurs forces pour apporter de la vitalité et de l’optimisme dans la vie des plus vulnérables. « C’est intéressant car tu arrives à créer un lien avec ces personnes, et puis c’est seulement dans ce milieu que tu peux rencontrer des individus en si grande difficulté ».
Bien plus qu’un engagement associatif, le bénévolat permet de développer sagesse et délicatesse, et pour Brandon, c’est certain, « ça aide à devenir une meilleure personne ».
Marushka Charrier