Musique et écologie accordent leurs violons au festival Sustain
Du 25 au 27 octobre, s’est déroulé le festival Sustain organisé par l’Aéronef. Cet événement citoyen a invité à repenser collectivement l’impact environnemental du milieu musical. De quoi plonger dans un futur qui mixe concert, fête et écologie.
Sustain, l’engagement de tous en quelques mots
- Un temps fort musical, réflexif et participatif autour de concerts, conférences et tables rondes.
- Engagement écologique des artistes par la signature d’une charte avant l’événement qui les incitent à s’adapter, à rester plus longtemps sur place.
- Une contribution carbone volontaire du public : une somme peut être donnée en plus en fonction de la mobilité, reversée aux Fonds Solidarité climat.
- Un concert inspiré du Nutriscore : des notes de A (le moins polluant) à E évaluent et sensibilisent les participants selon leurs principaux postes d’émission : transport pour le public, transport, alimentation, dispositifs scéniques pour les artistes, le fonctionnement général pour les organisateurs. La note A est attendue par l’Aéronef pour tenter de réduire de 15% ses gaz à effet de serre d’ici à 2030.
- Des lieux de concerts atypiques pas seulement dans des salles de musiques traditionnelles pour sensibiliser au-delà de l’univers musicales : La Ferme La Renarde, l’entreprise Pocheco.
- Persistance des engagements de l’Aéronef : dispositif Aero Easy Go (mise en relation du public pour réduire les déplacements), transports en communs remboursés ou accès à « Les mains dans le guidon » apprenant à réparer son vélo.
19 heures et déjà le son électro voire techno du vélo de l’artiste Joube retentit dans la salle de l’Aéronef. Un vélo en guise de table de mixage, voilà bien à quoi pourrait ressembler le futur du paysage musical. Car ne plus pouvoir profiter de concerts à cause de leur impact environnemental est une inquiétude partagée. On peut rester dans cette éco anxiété (il y a de quoi) ou s’en servir comme une arme à notre échelle. C’est le pari fou de l’Aéronef et des artistes qui l’accompagnent comme Benjamin Collier ou Joube. Ces derniers réfléchissent à un fonctionnement plus vert de l’industrie musicale. Ce déclic part souvent d’une claque comme l’explique Joube : « J’ai pris conscience après une série de documentaires, qu’il n’y avait pas que l’impact des puissants qui jouait, notre propre façon de vivre nous met en péril. J’ai eu le besoin à mon niveau de faire de la musique différemment. »
Un mouvement de fond qui s’enracine ou profite de la lumière ?
A l’image de Joube, les prises de conscience et « green attitude » donnent de plus en plus le La sur les scènes musicales. On pense aux festivals We Love Green, Solidays et leurs engagements ou les pistes de danse cinétiques et vélos électriques des concerts de Coldplay. Néanmoins le chemin est long avec souvent des incohérences. L’artiste Benjamin Collier en a fait l’expérience : « J’ai participé à une journée sur la musique et l’écologie par la direction générale de la création artistique à We Love Green. On a été reçu sous un chapiteau éclairé en journée et invité au concert de Gorillaz qui voyage en jet privé et a d’immenses écrans à ses concerts… On a tous nos contradictions, moi-même j’ai réalisé un dj set au festival d’Avignon entouré d’incendies. Ça pousse à réfléchir. » Ce moment de bascule n’est pas anodin. Les artistes se retrouvent bien vite tiraillés entre leur art et les priorités écologiques qui s’imposent à eux. Derrière cet éveil, reste à savoir comment repenser son univers de travail et c’est justement ici où l’impuissance apparaît pour ces artistes : « En général, on n’a pas conscience d’avoir un impact négatif et surtout on ne connaît pas nos leviers d’action pour y remédier », explique Joube
Voyage Réflexif
Alors Sustain, c’est aussi ce constat où les initiatives artistiques plus durables sont peu visibles et viennent des organisateurs, moins des artistes. Le festival leur offre le moyen de réfléchir et échanger pour trouver des pistes à travers des concerts auto-contraints. L’objectif à terme est de réunir ces expérimentations en une charte à la Dogme 95 pour ceux voulant s’engager. Le but n’est pas non plus « le modèle Amish mais on peut jouer sur ces contraintes et s’en inspirer intellectuellement. Qui sait si ne se créera pas des styles musicaux », réfléchit Benjamin. L’agencement du vélo de Joube en est le parfait exemple. Il lui sert à la fois à se déplacer lors de tournées avec le strict nécessaire mais aussi à produire de la musique avec sonnettes, cymbale, clavier, micro, corde de de basse. Ces initiatives ne révolutionnent pas l’avenir de la planète. Or, à défaut d’espérer la transformation du système en vert par la haute sphère, mieux vaut saisir son propre destin pas à pas, ce qu’à bien compris L’Aéronef : « C’est essentiel d’avoir un impact sur notre territoire. On reconduira Sustain. » Peut-être faut-il percevoir à travers Sustain, mot désignant la capacité d’un instrument à maintenir un son après avoir été joué, la volonté de faire durer la note « durabilité ». Ou y voir, un moyen de prendre le temps de repenser soi-même son modèle de vie. Car oui, musique et écologie dansent sur la même piste.
Flavie MAGRO
photo : Juliette ROGGE
Être « vert », ou plutôt, « la nouvelle stratégie marketing des festivals de musique »
De plus en plus de festivals se revendiquent « verts », mettant en avant des initiatives écologiques telles que des gobelets réutilisables ou des partenariats avec des associations environnementales. Malgré ces actions, l’empreinte des événements reste élevée, notamment en raison de l’afflux massif de festivaliers en voiture et des tonnes de déchets non recyclés générés chaque année. Derrière les promesses, beaucoup de ces événements pratiquent en réalité le greenwashing. Ils affichent des actions de surface tout en continuant à générer d’énormes quantités de déchets et des émissions carbone importantes. « Les festivals comme Solidays ou Lollapalooza se vantent de prendre des mesures éco-responsables, mais leur impact environnemental reste aberrant », explique Laura, une habituée des festivals.
Plusieurs associations comme Greenpeace – qui en 2023 a publié un « Guide de conseils pour des festivals écolos » – ont dénoncé cette contradiction. Pointant des initiatives mises en place, où, malgré l’accent mis sur les énergies renouvelables, l’événement génère toujours plusieurs tonnes de déchets non recyclés chaque année. « Ils parlent d’écologie mais la réalité est bien différente sur le terrain », critique une des amies de Laura.
Alors y’a t-il réellement des solutions pour continuer à participer à ces événements festifs tout en ne trahissant pas sa conscience écologique? Des alternatives existent, certes, mais seulement à échelle locale. Comparées aux « géants » de ce milieu, elles ne font pas le poids. Néanmoins, l’éco responsabilité n’est pas juste un concept à la mode mais bien l’affaire de tous.
Mathilde DEHOSSE
Lien vers le site « 4 conseils pour des festivals écolos » par Greenpeace https://www.greenpeace.fr/4-conseils-pour-des-festivals-ecolos/