En 2017, suite à l'amplification de la crise migratoire, l'entreprise du social Adoma est devenue le principal hébergeur des demandeurs d’asile en France. Leur défi, de créer des résidences au loyer très modéré et suivre pendant l’hébergement ceux qui échappent d’un pays qui les refuse.
C’est rare dans l’imaginaire commun de penser à une entreprise au lieu d’une association dans le cadre des CADA (Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile), mais Adoma c’est bien le cas ; une entreprise du sociale dont l’histoire remonte aux années 1950 et à la décolonisation. Elle naît comme la Société nationale de construction pour les travailleurs Algériens (Sonacotra), mais avec le temps son objectif s’élargit. En 2017, elle devient l’opérateur avec le plus de places d’hébergement pour demandeurs d’asile en France, accueillant plus d’une trentaine de nationalités en 217 structures d’accueil. La toile de fond de cette histoire? La crise migratoire, qui en 2017 avait atteint des nouveaux sommets, avec une croissance de 15 000 demandes d’asile par rapport à l’année précédente.
Même si la différence effective entre une association et une entreprise dans le cadre de l’hébergement reste au niveau de l’organisation, « le fait d’être au sein d’une entreprise [signifie que] on va avoir des difficultés sur des petits projets expérimentaux et à s’y lancer », explique Estelle Gendry, directrice départementale Maine-et-Loire pour l’hébergement chez Adoma. Si d’un côté cette organisation rigide entrave la réalisation de certaines initiatives, de l’autre, elle donne une sécurité financière aux projets et permet de les faire durer plus longtemps. C’est une véritable force pour Adoma, qui lui a permis de devenir le principal hébergeur de demandeurs d’asile en premier lieu.
"Une solution novatrice"
Le premier grand projet d’Adoma répondait à la volonté de l’état Français de créer plus de 100000 places d’accueil pour demandeurs d’asile. Ces places auraient dû être assurées par le même opérateur, ce qui aurait été très difficile voire impossible pour une association, probablement locale ne disposant donc pas d’assez de ressources pour un projet si titanesque. Mais ce projet était surtout une véritable opportunité pour l’entreprise, qui alors a proposé le rachat de 62 hôtels en France afin de les employer comme des CADA : « ça a été une solution novatrice qui a fait que Adoma est devenu premier hébergeur en France», explique Mme. Gendry.
L’entreprise du sociale s’engage également à suivre les demandeurs d’asile lors de leur hébergement. «On est sur un public qui a quitté son pays d’origine et qui connaît un parcours d’exil qui est particulièrement violent, donc un des premiers appuis qu’on peut fournir c’est l’écoute et l’identification d’éventuels besoins de soutien psychologique. » Sauf que ce genre de service n’est pas toujours simple à mettre en place et son absence peut devenir une vraie difficulté pour les CADA. C’était notamment le cas à Cholet en fin 2023, quand la fermeture de tous les lits en psychiatrie avait été annoncée. Adoma s’est alors mobilisée pour y assurer la présence de professionnels en psychologie avec traducteurs, grâce à un appel à manifestations d’intérêt du Ministère de l’intérieur ; démonstration ultime de l’efficacité d’une organisation d’entreprise.
Enfin, l’activité menée par Adoma est la même que celle des associations locales, ce qui permet une stricte collaboration entre eux. « Nous sur le Maine-et-Loire, on est cinq opérateurs qui s’occupent de l’hébergement des demandeurs d’asile et ça fait plus de quatre ans qu’on se réunit pour parler de problématiques communes à notre public. » Une communication efficace et saine entre les différents opérateurs, même si elle ne nie pas l’existence d’une certaine forme de compétition entre eux. Entreprise ou pas, le modèle Adoma semble bien fonctionner, et dans un domaine dont la cause principale est humanitaire, la présence d’un acteur bienveillant, bien que a but lucratif, est sans doute une bouffée d’air frais.
Tommaso Guandalini
Vidéo de Camille Rambault
Pour en savoir plus...
Une solidarité européenne EXCEPTIONNELLE: l’exemple des réfugiés ukrainiens.
Le 24 février 2022, la Russie de Vladimir Poutine déclare la guerre à l’Ukraine. Cette violation des frontières ukrainiennes marque le retour d’un conflit à haute intensité sur le continent européen…
Qui dit guerre dit mouvement de populations en masse. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR), pas moins de 6,168 millions de réfugiés ukrainiens ont été enregistrés à travers l’Europe fin juillet 2024. C’est en interrogeant Estelle Gendry, directrice des CADA (Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile) d’Adoma en Maine-et-Loire, qu’on a pu en apprendre davantage sur les conditions d’accueil des réfugiés ukrainiens en Europe.
L’annexion de l’Ukraine par la Russie a poussé l’Union Européenne à adopter une position commune pour faire face à cette crise migratoire. Pour la première fois, les États membres de l’Union Européenne ont activé “la protection temporaire” (4.2 millions selon le Conseil de l’UE), permettant d’octroyer une protection aux personnes ayant fui l’Ukraine après le 24 février 2022. Cette mesure offre un droit de séjour de trois ans, sans passer par une demande d’asile classique. Ce droit a par ailleurs récemment été étendu d’une année supplémentaire. En France, ce dispositif ouvre aux réfugiés ukrainiens des opportunités d’emploi et d’apprentissage du français, facilitant ainsi leur intégration au sein des pays hôtes et évitant de surcharger le système d’asile.
La réaction a été collective, rapide et sans précédent. Par exemple, en seulement dix jours, 116 places d’hébergement ont été ouvertes dans le Maine-et-Loire. La mobilisation des élus, des habitants et des structures publiques s’est révélée exceptionnelle. « On a jamais eu autant de mobilisation des élus, des associations et des habitants », souligne Estelle Gendry, ce qui offre un parfait exemple pour montrer que quand les moyens sont mis, il est possible d’accueillir décemment des réfugiés en France.
Malo Morice