Dans la course à la performance sportive, la seconde main permet de garder les pieds plus verts et sur terre
Rendre le sport plus vert. C’est dans cette optique-là qu’a été fondée en 2022 la recyclerie ReSport. Seule dans son genre dans la Métropole Lilloise, cette association compte 6 salariés, dont Mohamed-Amine, et revend à prix réduit des articles sportifs de seconde main. Une manière de lutter contre la surconsommation, et de s’exercer en pensant à la planète.
Il était une fois Abebe Bikila. Cet athlète éthiopien sélectionné à la dernière minute pour le marathon des Jeux olympiques de Rome en 1960, le remporte en courant… pieds nus ! Cette vision paraît incongrue maintenant que les athlètes utilisent plusieurs paires de chaussures pour une seule saison et que ces mêmes chaussures sont indispensables à la performance, notamment dans le fond et le demi-fond. Problème : cette (sur)consommation d’articles de sport, avec les déplacements en avion nécessaires pour se rendre sur les compétitions sportives, fait du sport un domaine des moins écologiques. Si empêcher des millions de personnes de se rendre à la Coupe du monde de rugby ou aux Jeux olympiques et paralympiques pour supporter leurs équipes favorites paraît compliqué à mettre en place rapidement, limiter la surconsommation à plus petite échelle est tout à fait possible. C’est ce qu’a très bien compris la recyclerie sportive de la métropole Lilloise ReSport.
Véritable caverne d’Ali-baba pour quiconque cherche des articles de sport écologiques et économiques, ce bâtiment situé au 75 rue Ferrer à Faches-Thumesnil est le QG de l’association ReSport. C’est ici que travaille Mohamed-Amine, qui explique que l’idée vient de « Jean-Luc, le directeur de l’association, qui a remarqué beaucoup de déchets en ce qui concernait les habits, lors de ses voyages ». Sitôt rentré Jean-Luc fonde donc cette recyclerie qui propose des articles de sport de seconde main ainsi que leur réparation : c’est le début du combat contre la surconsommation !
Des vecteurs de cohésion sociale
Ce que la recyclerie ReSport a aussi compris, c’est que lutter pour un sport durable en se battant contre la surconsommation est un vecteur de cohésion sociale. Pour le sport, le lien social tissé paraît assez évident, ne serait-ce qu’avec l’engouement populaire autour des Jeux de Paris et, à une échelle plus locale, des amitiés qui se créent au sein des clubs. Pour ce qui est de la durabilité et donc de l’écologie, il ne faut pas oublier que « l’écologie nous lie par le fait qu’on est tous dans le même bateau », rappelle Mohamed-Amine. Le lien social de l’écologie est certes moins joyeux mais il est là et peut tout autant créer des relations indestructibles. Au-delà des rencontres, vouloir un avenir planétaire plus vert permet aussi de penser aux autres. Quand la surconsommation peut être considérée comme égoïste car une petite partie à accès à tout pendant que les autres n’ont rien, la seconde main est tout l’inverse. Elle fait en effet plaisir à la fois à la personne qui profite de ce recyclage et à la planète et s’inscrit donc dans une démarche sociale.
Toujours dans l’optique de son combat contre la surconsommation, ReSport, en plus de la seconde main classique, propose quelques produits upcyclés. L’upcycling, c’est une des idées du début de Jean-Luc qui « pensait à faire de l’upcycling avec les objets invendables : des sacs bananes avec des matériaux de matelas gonflables par exemple, mais il avait besoin d’expertise et ce n’est pas un domaine assez
développé aujourd’hui pour rendre ça possible. Cela prenait aussi énormément de temps et mettait en péril l’association donc il n’en a pas fait autant qu’il l’aurait souhaité », raconte Mohamed-Amine.
Former les jeunes générations
L’idée de l’upcycling n’a cependant pas totalement été abandonnée puisque des actions menées en milieu scolaire en font la promotion auprès des plus jeunes. Mohamed-Amine a participé à certaines de ces interventions et témoigne : « On part dans les classes avec des chambres à air de vélo pas réparables et on fait une animation autour de comment les réutiliser. C’est des classes de 6e/5e qui, à la fin repartent avec leur bracelets en chambre à air de vélo. » À l’heure des réseaux sociaux qui appellent toujours plus à la consommation, montrer aux jeunes générations que l’avenir de la planète dépend parfois de gestes aussi simples que de ne pas jeter quand on peut réparer est essentiel. Ce sont en effet eux qui, demain, le tiendront entre leurs mains, cet avenir. Et si en plus cela permet de continuer à taper dans des ballons, courir, sauter ou encore atterrir sur des tapis tout mous, c’est encore mieux.
Cependant, tout cela n’agit qu’à une échelle locale. Le sport mondial, celui qui a un véritable impact sur le climat par tous les déplacements aéroportés d’athlètes et de staffs à travers la planète, ne va pas réduire son empreinte carbone par l’action d’un seul organisme. En effet, comme le dit Mohamed-Amine : « L’athlète doit voyager partout dans le monde pour avoir un salaire donc à moins de revaloriser les primes des compétitions plus locales on ne pourra pas modifier cet aspect-là de l’impact du sport sur le climat. » Les mentalités peuvent et doivent encore évoluer à plus grande échelle. Alors oui, le constat n’est pas très réjouissant, les efforts encore considérables pour reverdir totalement le monde du sport, mais si, pour une fois, l’optimisme gagnait ? Si, pour une fois, tout le monde se focalisait sur le fait que ReSport voit sa clientèle augmenter et se diversifier? Que l’association croît à vitesse grand V et qu’elle envisage de faire encore plus en créant un espace entièrement dédié aux actions de sensibilisation au recyclage et à l’upcycling ? Qu’elle est donc en train de gagner son combat contre la surconsommation et de montrer qu’allier sport et écoresponsabilité est plus facile que ce que l’on croit ? Parce que faire du sport sans froisser sa conscience écologique c’est possible, si le temps d’y penser est pris.
Liv Roinel
FOCUS : Decathlon s’engage sur le terrain de la seconde main
Dans l’immense atelier de Villeneuve-d’Ascq (« Decathlon campus »), des vélos griffés mais fonctionnels côtoient des raquettes à peine utilisées. Géant de l’équipement sportif, l’enseigne semble avoir trouvé une formule gagnante pour mêler sport et durabilité. Au cœur de son dispositif, une initiative ambitieuse : la revente de matériel sportif de seconde main, véritable pierre angulaire de sa stratégie d’économie circulaire. Résultat ? En 2022, ce sont près de 3 millions d’articles reconditionnés qui ont trouvé preneur.
Tous ces articles, rapportés par des clients, s’offrent une nouvelle vie après avoir été minutieusement contrôlés, réparés, et revendus à prix réduits. « L’objectif est double : démocratiser l’accès au sport tout en réduisant notre empreinte écologique », explique l’un des techniciens.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2022, Decathlon a traité plus de 2,5 millions de produits d’occasion dans le monde, évitant ainsi des tonnes de déchets. Un modèle inspirant dans un secteur où l’obsolescence semble parfois programmée. La marque propose également des ateliers pour apprendre à réparer soi-même et un service de location de longue durée lancé en septembre 2023. Une manière de transformer ses clients en acteurs du changement. Modèle qui fait école auprès d’autres grandes marques comme Adidas ou Patagonia, elles aussi engagées dans des initiatives similaires.
Si l’approche de Decathlon semble prometteuse, ce poids lourd peine à dissocier son image de celle d’un acteur majeur de la consommation de masse. Reste à savoir si une telle entreprise peut réellement incarner la durabilité.
Titouan Gaborieau
Vidéo de Kéziane Boutouil