Premier et quatrième âge sur les bancs de l’école à Barlin
À l’école maternelle Maryse-Bastié, à Barlin, dans le Pas-de-Calais, écoliers et seniors de l’Ehpad se côtoient. La résidence Les Charmilles a ouvert ses portes aux jeunes élèves en janvier 2023, accueillant ainsi les petites, moyennes et grandes sections dans ses locaux. Depuis, l’objectif est toujours le même : faire cohabiter ceux qui terminent leur vie avec ceux qui la commencent. Caroline Vaast, enseignante des moyennes et grandes sections et Yoann Pontois, animateur de la structure à l’Ehpad, racontent la genèse du projet, attablés au comptoir de la résidence, sourire aux lèvres.
Retour à la case école pour les seniors, on relance le dé de l’apprentissage. En mélangeant petits et grands, la transmission se fait efficacement et chacun apprend des autres. L’idée vient d’abord d’un problème de cantine pour une salariée de l’Ehpad. C’est au cours d’une réunion pour un projet Bien vieillir dans la ville, que le maire Julien Dagbert se remémore le reportage Une vie d’écart de Canal+, qui mettait en relation personnes âgées et enfants. Le projet est né, l’école s’implante dans l’Ehpad. Lancement des travaux en 2022 mais des interrogations surviennent des deux côtés. Réticence chez certains parents mais c’est une résidente, Jeanne, proche du centenaire, qui marque davantage les cœurs. Craignant des brouhahas incessants ou de vilains virus à attraper, c’est finalement la seule, le jour de la rentrée, à accueillir les enfants : « Maintenant qu’ils sont là, on va tout faire pour que ça se passe bien ». Voilà qui résume amplement l’ambiance générale qui règne sur le projet. Ce dernier permet d’ailleurs de redonner à nos anciens une place effective dans notre société. Une place liée à la transmission et au partage d’expériences, dépassant ainsi le problème économique qu’ils représentent assez souvent aux yeux de certains politiques.
Chaque midi, les résidents et écoliers partagent leur repas.
Photos : Clara Duvielbourg
Chaque jeudi, place aux activités manuelles, idéales pour créer du lien social entre seniors et juniors. Si l’âge semble créer une distance, « on s’est rendu compte qu’on faisait à peu près le même travail au niveau des compétences. On doit retravailler le langage, la motricité, la mémoire et c’est ce que l’on retrouve dans les deux extrémités », résume la maîtresse, « en fait la nuance elle est sur le côté jeunesse où on développe et le côté senior, où on entretient, maintient ». Les aînés repartent au fondement de l’apprentissage, de quoi garder la forme, prendre du plaisir avec les plus jeunes, qui ont de l’énergie à revendre et un esprit encore peu façonné. Le dernier vendredi de chaque mois, c’est la fête des anniversaires en commun et même si le nombre de bougies est loin d’être le même, c’est au travers d’activités ritualisées qu’un lien intergénérationnel se construit. Les expériences de vie des retraités enrichissent la vision des maternels qui, à leur tour, amènent légèreté et insouciance.
La force des enfants, c’est qu’ils n’ont pas de barrières et connaissance des normes sociales qui viennent entacher la spontanéité de l’adulte. « Ce qui est bien aussi, c’est que chez les enfants, il n’y a pas de tabou », déclare Yoann, ce qui permet aux résidents atteints de pathologies plus graves de quand même participer. Ainsi, ceux touchés par l’Alzheimer, au contact des enfants, ne vont pas développer de crise, « la présence d’un enfant permet d’apaiser, de ne pas avoir ce trouble », rappelle l’animateur. Pour eux, cette personne est comme une autre. « J’espère que plus tard, ils auront cet état d’esprit d’ouverture sur la différence, parce qu’il y a vraiment ce lien qui se créé entre les deux » conclut Yoann.
Le jeudi après-midi, les résidents retrouvent les enfants pour faire des activités manuelles.
Photos : École maternelle Maryse Bastié
Laisser une trace même une fois parti
L’image des Ehpad a été souillée plus d’une fois par des scandales sur de la maltraitance. Le projet vise aussi à effacer les stéréotypes sur les personnes âgées et dépasser l’idée de leur réclusion. A replacer l’ancien dans la modernité. Dans les familles asiatiques, plusieurs générations vivent sous le même toit et le respect envers les anciens est très important. Un cycle de transmission de valeurs se développe, créant un espace de sureté pour les enfants et cultivant leur esprit solidaire et altruiste.
À Barlin, tout ne s’arrête pas une fois l’élève rentré en CP. L’un d’entre eux, le chouchou de Jeanne, a voulu à tout prix la revoir à la fin de l’année pour lui offrir un cadeau et depuis, il vient la voir régulièrement, papotant de la vie, de sa famille. Dans un extrait du reportage réalisé par France TV, Jeanne dit au petit garçon que quand il sera plus grand, elle se mariera avec lui, ce à quoi il répond « Non, tu peux pas, tu vas aller au ciel ! » Enjouée, Jeanne le coupe « Mais je vais redescendre pour toi, je vais avoir des ailes ! » La confrontation avec plus âgé que soi favorise la prise de conscience, la réalité de la vie et rend les plus petits davantage sensibles à la vulnérabilité des plus grands. C’est au-delà des âges que se trouve le vrai apprenti sage.
Charlotte Blondeau
En savoir plus : Quand les jeunes et les seniors deviennent colocs
Trouver un appartement étudiant est un parcours semé d’embûches. Les loyers exorbitants, l’inflation, la demande astronomique pour une faible offre font obstacle à la recherche d’un logement pour les jeunes. Parmi les trois millions d’étudiants en France, beaucoup vivent dans des appartements insalubres voire dangereux.
La situation est si alarmante, que certains étudiants se retrouvent contraints d’arrêter leurs études par manque de moyens. Face à un état des choses angoissant, une alternative émerge : la colocation intergénérationnelle. Si pour certains elle était au départ une solution de secours pour se loger, elle s’est avérée être un recours prometteur pour remédier aux deux enjeux sociétaux que représentent la précarité étudiante et la solitude des personnes âgées.
Cette alternative donne accès aux jeunes à des logements fonctionnels à bas prix, voire gratuits, selon le nombre d’heures de bénévolat effectué. À Montpellier, une quinzaine d’étudiants vivent dans des résidences seniors. Ils fournissent trois heures d’animation bénévole auprès des résidents contre un loyer peu élevé. À Marseille, des étudiants avaient monté un spectacle de Noël revisité. Le projet avait reçu un accueil chaleureux et avait été reprogrammé pour l’année suivante.
Les jeunes et les seniors ressortent mutuellement grandis de cet apprentissage de l’autre. La complicité se crée vite. Les étudiants initient les plus âgés aux jeux vidéo, tandis qu’ils s’accoutument aux jeux de société plus classiques. Deux mondes que tout semble opposer peuvent s’enrichir l’un l’autre.
Noa Lakard
Vidéo : L'inclusion à l'école comme vecteur de lien social
L’inclusion à l’école permet aussi de développer un lien social entre les élèves en situation de handicap et leurs camarades. Même s’ils ont le même âge le plus souvent, leur inclusion reste un enjeu primordial. Si les écoles peinent à les inclure, d’autres acteurs s’en chargent.
Vidéo de Felix Aguado