À Lille, contre les dommages de la pollution lumineuse, le projet LUCIOLE révolutionne l’éclairage en ville depuis 2017. À l’aide de technologies innovantes, il redéfinit l’impact de la lumière artificielle sur les écosystèmes nocturnes, en la rendant plus respectueuse de l’environnement.
Le long de l’allée entre la Deûle et les arbres de la citadelle de Lille, les lampadaires s’allument et s’éteignent tour à tour dans l’obscurité, rythmant la course des joggeurs d’une lumière fugace. Chacune de leurs foulées orchestrant un ballet lumineux, les lampadaires s’animent au-dessus de leur passage, baignant un instant les arbres et leurs silhouettes en mouvement avant de laisser l’obscurité reprendre ses droits. De cet éclairage par intermittence, un projet porté par la Ville de Lille, Lumière Citadine Optimisée pour L’Environnement, qui tente d’apporter une réponse à la grande question : comment illuminer la ville sans perturber la vie nocturne ? « L’objectif est clair : éclairer avec moins d’impact sur la biodiversité », affirme Yohan Tison, écologue à la Direction Nature de la Ville de Lille, en charge de la restauration de la biodiversité.
L’éclairage artificiel a des effets catastrophiques sur l’environnement : il désoriente les insectes, limite leur reproduction et perturbe ainsi gravement la chaîne alimentaire. « Prenons l’exemple des papillons nocturnes : attirés par la lumière blanche des lampadaires, ils s’y épuisent et meurent avant d’avoir pu se reproduire, empêchant les espèces qui en dépendent – mésanges, chauves-souris – de se nourrir. Cela a des conséquences inquiétantes, avec des chauves-souris comme le Murin de Daubenton qui sont au bord de l’extinction locale à Lille », alerte l’écologue.
Envisager un éclairage responsable
Le projet LUCIOLE a émergé de plusieurs années d’études scientifiques ayant révélé les effets néfastes de plus en plus importants de l’éclairage urbain sur la faune et la flore, en lien avec l’expansion urbaine. « À Lille, nous avons notamment observé un déclin inquiétant des insectes pollinisateurs indispensables à l’environnement à proximité des zones fortement éclairées », explique Yohan Tison. Conçu en concertation avec des experts en biodiversité, urbanisme et gestion de l’éclairage, ce projet a vu le jour en 2017, financé par des fonds européens (FEDER) et déployé aux abords de la Citadelle, dans le but de concilier les besoins en éclairage urbain et la préservation de la biodiversité. Pour ce faire, des lampadaires équipés de LED à faible température de couleur (1700 Kelvin) ont été installés afin de limiter l’impact sur les insectes nocturnes. Associés à des capteurs de mouvement, ces éclairages adaptatifs ajustent leur intensité ou s’éteignent en l’absence de passage, permettant ainsi de redéfinir et limiter les incidences de l’éclairage sur les écosystèmes nocturnes.
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Des trames noires, corridors essentiels à la vie nocturne
Le projet LUCIOLE ne tend pas qu’à moderniser les infrastructures : il redessine la ville pour rétablir des continuités nocturnes, nommées « trames noires ». Ces corridors plongés dans l’obscurité sont essentiels à la biodiversité, car ils permettent la circulation des espèces animales nocturnes qui ne s’aventurent pas en milieu éclairé. « Sans ces trames, les espèces nocturnes se retrouvent isolées, avec des conséquences directes sur leur reproduction et leur survie, comme des cas de consanguinité », souligne Yohan Tison.
Les premiers résultats sont encourageants : les Pipistrelles de Nathusius, une espèce de chauve-souris, sont en augmentation, et les insectes nocturnes regagnent du terrain. Ce succès repose aussi sur la collaboration avec d’autres acteurs, collectivités voisines et gestionnaires d’infrastructures. « Si chacun joue le jeu, on peut réellement restaurer les écosystèmes urbains et favoriser le retour d’espèces disparues », conclut Yohan Tison. Le projet vise à étendre ces trames noires pour relier la ville à ses zones rurales environnantes. Plusieurs communes de la Métropole Européenne de Lille sont incitées à adopter ces éclairages à proximité de la Deûle, pour permettre la création de corridors nocturnes reliant les différents espaces naturels de l’agglomération.
Pierrot Bouville
D’autres moyens favorisant la biodiversité urbaine
Le retour de la biodiversité est désormais devenu un enjeu pour le maintien des écosystèmes. La diminution de la pollution lumineuse est l’une de ces options, mais elle n’est pas la seule. Pour favoriser la relance d’une biodiversité à échelle locale, il faut s’assurer de la stabilité de la chaine alimentaire. Ainsi au parc de la Citadelle, des mesures sont mises en place : on y fait paître des moutons, fleurir les prairies afin d’attirer des insectes qui attireront à leur tour des prédateurs tels que des oiseaux ou des chauves-souris. Ces espèces avaient quitté le parc en raison du manque de nourriture, on constate donc que la végétalisation d’un espace permet de relancer une biodiversité locale.
En ville, on cherche à favoriser l’installation d’oiseaux comme les mésanges. Pour cela, des perches à oiseaux et des installations leur permettant de fonder un nid sont mises en place, souvent sur des clochers d’églises. Cette stratégie d’insertion est plutôt répandue à Lille.
De plus, la ville de Lille fait partie des huit villes engagées dans le projet Biodiverse Cities de 2022 à 2026. Ce projet met en place des actions telles que la création de corridors écologiques ou bien renaturer les sols.
La biodiversité tend à devenir une préoccupation dans les zones rurales, l’importance de ces écosystèmes a été démontrée à maintes reprises et leur protection doit être de plus en plus concrète.
Mattia Vigliani
Vidéo : Interview de Yohan Tison, écologue responsable du projet
Vidéo : Mathéo D’Intorni