Depuis les années 70, les concerts et festivals attirent de plus en plus de spectateurs. Face à ce phénomène, la musique amplifiée s’est progressivement développée, permettant à un large public d’en profiter. Pourtant, écouter de la musique fort et pendant longtemps peut entraîner des dommages irréversibles. Depuis une vingtaine d’années, l’association AGI-SON et d’autres acteurs s’engagent pour la protection de l’audition dans le milieu de la musique.
Chaque week-end, à la Gare Saint-Sauveur, la scène est dédiée à la techno. Les basses font vibrer les cages thoraciques, la musique résonne, assourdissante, et le public se laisse emporter par les rythmes effrénés. Dans cette agitation, la foule semble indifférente à l’intensité du son. Pourtant, dans de nombreux événements musicaux comme celui-ci, les volumes sonores flirtent souvent avec des niveaux dangereux pour l’audition.
C’est face à cette réalité qu’est née AGI-SON. À la suite du Décret Bruit de 1998, une réglementation qui visait à encadrer les niveaux sonores dans les concerts, des professionnels de la musique se sont rassemblés afin de réfléchir à l’impact de la musique amplifiée sur la santé publique, des artistes et des techniciens. Depuis, l’association œuvre pour sensibiliser et accompagner les professionnels et les auditeurs dans la gestion des risques auditifs.
Sensibiliser sans donner de leçons
À la naissance, nous disposons d’un capital auditif qui se réduit avec l’âge. L’oreille, l’un des rares organes humains incapable de se régénérer, est donc un bien précieux à protéger. Marion Gougeat, responsable chez AGI-SON, explique : “Si un acouphène persiste 24 heures après un concert, il faut se rendre immédiatement aux urgences. Passé 48 heures, les dommages auditifs deviennent irréversibles.”
Afin d’éviter ces risques permanents, AGI-SON met en place plusieurs actions de sensibilisations, à la fois pour le grand public et pour les professionnels. Depuis les années 1990, leur campagne Ear We Are est présente sur 80% des concerts et festivals en France. Entre distribution de bouchons et sensibilisation du public, AGI-SON refuse néanmoins d’adopter une approche moralisatrice. “Il ne s’agit pas de donner des leçons, mais de proposer une prévention adaptée à chacun”, souligne-t-elle.

L’association a donc défini cinq grandes précautions à suivre pour protéger son audition en concert faire des pauses régulières, s’éloigner des sources sonores, porter des protections auditives selon ses besoins, protéger les enfants et éviter les expositions répétées à des niveaux sonores élevés. Des concerts pédagogiques, Peace & Lobe, ont également été mis en place partout en France avec des artistes locaux, afin de sensibiliser les collégiens et lycéens tout en accompagnant des musiciens en voie de professionnalisation.
Protéger ses oreilles, même dans la musique punk
Maxime Mouquet (alias Coole Max) est un bassiste originaire d’Arras. Lorsqu’il commence la musique à l’âge de 14 ans, il se lance directement dans le punk, un genre où “la musique se joue fort”. Grâce à sa mère infirmière qui lui a toujours conseillé de faire attention à son audition, Coole Max prend ses précautions : il utilise des bouchons d’oreilles moulés et des in-ears monitors pour se protéger lors de ses concerts. Il va même jusqu’à refuser certaines dates lorsque les conditions sonores ne sont pas respectées. “J’ai déjà refusé des concerts parce que je savais que les réglementations n’étaient pas suivies et que ce serait inaudible”, confie-t-il.
Depuis quelques années, il est impliqué avec quatre autres musiciens dans les concerts Peace & Lobe, produits par l’ARA (Autour de Rythmes Actuels) de Roubaix. Pendant ces concerts, les artistes reprennent des morceaux connus et racontent l’histoire de l’amplification de la musique. Mais Maxime aborde également d’autres sujets, comme les dangers des jeux vidéos, où l’utilisation prolongée de casques peut avoir des conséquences néfastes. Selon lui, les retours sont extrêmement positifs. Après chaque spectacle, ils reçoivent de nombreux messages de la part d’adolescents curieux sur la santé auditive et les moyens de se protéger. Pour lui, une prise de conscience collective est en marche.
Lucie Lahoche
Photos Gauthier Houard
En savoir plus sur les acouphènes et les solutions au quotidien
Écouter très régulièrement de la musique de manière intense a des conséquences sur la santé de nos oreilles. La plus connue est l’acouphène, ce petit bourdonnement ou sifflement persistant qui n’est pas issu d’un bruit extérieur. Selon un sondage de l’IFOP en mars 2024, ce sont 2 à 4 millions de Français qui subiront les effets des acouphènes jusqu’à la fin de leur vie. C’est le cas de François, étudiant de 19 ans, à Lille.
Lors de sa dernière année de lycée, il réalise qu’il est atteint d’acouphènes. Adepte de l’écoute de la musique avec un casque et des sorties dans des bars d’ambiance, il ignorait totalement les premiers symptômes jusqu’à ce qu’arrive l’inévitable : des bourdonnements permanents. Aujourd’hui, François a totalement accepté ses sifflements et limite leurs développements. «J’écoute ma musique moins forte et je porte des bouchons d’oreilles quand je sors. Je subis quelques moqueries mais je dois en mettre pour ne pas aggraver mon cas.»
Alors qu’il supporte bien ses bourdonnements dans la journée, l’étudiant lillois éprouve des difficultés le soir lorsqu’il va se coucher : « Je n’arrive plus à être dans le silence total. » Pour arriver à s’endormir, il doit écouter des bruits blancs ou des podcasts. Toutefois, le jeune homme regrette le manque de prévention dans les collèges ou lycées. Avec l’évolution de la technologie (casques, écouteurs et enceintes), les jeunes sont de plus en plus sensibles au développement d’acouphènes. Il espère qu’à travers les réseaux sociaux, plus de personnes en parleront.
Alexis Deroubaix