Les troubles dys à l’épreuve des initiatives éducatives

by Sacha Allizon

À Bohain-en-Vermandois (Aisne), Annie Lasserre (enseignante ressource et professeure d’arts plastiques, d’arts appliqués et de design) et les premières années de BTS Economie sociale et familiale organisent une journée singulière sur les troubles dys. A Lille (Nord), la création d’une école CERENE spécialisée dans cette pathologie vient d’ouvrir ses portes. Les établissements scolaires s’engagent dans la sensibilisation et dans l’adaptation des enseignements pour les enfants en difficultés.

“On naît dyslexique, on ne le devient pas”. Voici, comment Annie Lasserre aborde cette maladie. La dyslexie fait partie plus largement des troubles dys, tout comme la dyspraxie, la dysorthographie, la dyscalculie ou encore la dysphasie. Les élèves dys ont des difficultés concernant l’accès à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, ou encore des chiffres. Hélène Blacher, responsable des développements et des partenariats des écoles CERENE, précise que “ces élèves n’ont en aucun cas une déficience mentale”. Cette maladie ne peut se guérir, mais des solutions peuvent contourner les difficultés qu’elle engendre.

“La journée des dys est un temps fort pour nous, que nous essayons de célébrer”

A Bohain-en-Vermandois, les étudiants organisent chaque année une journée spéciale pour parler de ces troubles. Ce moment est marqué par les interactions entre intervenants et élèves de l’enseignement secondaire. La venue d’une étudiante en cinquième année d’orthophonie, et d’élèves témoignant de leur quotidien, “permet que ce soit des jeunes qui s’adressent aux jeunes, le discours est tout de suite plus impactant, c’est comme des grands frères”, précise Annie Lasserre. L’objectif de ce projet est de permettre à l’ensemble des membres de l’établissement de connaître et de comprendre les différents aménagements qui sont mis en place pour tenter de réduire les inégalités d’apprentissage entre les élèves.

Mais, ce n’est pas toujours simple d’apporter des solutions concrètes. Le manque de budget se fait ressentir. L’aide humaine dispensée par les AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap) n’est pas garantie pour l’ensemble des élèves handicapés. Aussi, la reconnaissance de ce handicap par la MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapées) et l’accès à des professionnels de santé sont souvent laborieux pour les familles. Et sans reconnaissance, les aménagements relatifs aux examens ne peuvent être pris en compte par l’académie.

“Le but est d’être une passerelle”

C’est alors dans ce contexte tendu que l’école CERENE a ouvert en septembre 2024, à Lille. “On accueille des élèves du CE2 à la troisième et nous respectons les programmes émis par l’Éducation Nationale”, détaille la directrice Coralie Naze. Mais, ici, les professeurs travaillent en compagnie d’une ergothérapeute qui peut intervenir en classe pour aider les enfants à utiliser les outils adaptés à leurs pathologies, “par exemple, nous avons le retour vocal ou la souris scanner qui permet d’écouter une consigne autant de fois que l’enfant le souhaite”.

Après “ce temps de répit de deux ans en moyenne”, l’élève réintègre un établissement scolaire classique tout en ayant repris confiance en ses capacités et en conservant des aménagements. Ce sentiment d’avoir trouvé sa place dans le milieu scolaire grâce à ces outils adaptés est confirmé par Nïyo, 11 ans, porteur de plusieurs troubles dys et élève de cet établissement: “Maintenant, j’ai tout le temps envie d’aller à l’école”.

Mais, cette scolarité ajustée représente un coût pour les familles, d’environ 13 000 par an, qui peut être en partie pris en charge par la MDPH. Alors, la reconnaissance administrative est primordiale pour les enfants et les adultes porteurs de troubles dys.

Mélissa Blériot

enfant assis en classe
Nïyo sur son tabouret culbuto // Rose Andrau

ZOOM

Les lunettes pour dyslexiques, une solution miracle ?

Des lunettes et lampes spéciales, comme les Lexilens, promettent de faciliter la lecture des personnes dyslexiques. Ces dispositifs reposent sur la théorie d’une asymétrie des centroïdes de Maxwell dans l’œil, visant à atténuer les confusions visuelles entre lettres miroirs comme “b” et “d”. Cependant, leur efficacité reste à prouver scientifiquement.

Nicolas Petit, orthophoniste, explique : « Ce n’est pas parce qu’un enfant dit qu’il lit mieux avec ces lunettes qu’il lit vraiment mieux. L’effet placebo, l’attention supplémentaire ou même la motivation accrue peuvent expliquer ces améliorations perçues. » Les études rigoureuses manquent, et les professionnels restent sceptiques. L’UNADREO (Union Nationale pour le Développement de la Recherche et de l’Évaluation en Orthophonie) ne recommande pas leur utilisation aux personnes présentant un trouble des apprentissages. En attendant des preuves solides, il est essentiel de privilégier les méthodes approuvées et de rester vigilant face aux promesses non vérifiées.

Nicolas Viot

VIDEO

Yoann Perriniaux

"Quels aménagements et démarches pour les étudiants dyslexiques à Lille ?

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