L’information est-elle destinée à déprimer ?

L’info vous déprime ? Vous n’êtes pas seul ! De plus en plus de personnes fuient l’actualité, non par désintérêt, mais parce qu’elles la trouvent anxiogène et paralysante. Pourtant, bien s’informer est essentiel pour une démocratie vivante. Alors, comment renouer avec l’info sans sombrer dans le pessimisme ? Le journalisme de solutions pourrait bien être la clé ! Mais quel est son véritable impact ? Valérie Le Nigen, fondatrice du site Un Monde Meilleur, nous éclaire sur cette approche qui redonne du sens et de l’espoir à l’information.

Contrairement au journalisme traditionnel qui se concentre sur les faits négatifs et les dysfonctionnements, le journalisme de solutions explore des réponses concrètes aux défis sociétaux. Loin d’être un journalisme naïf ou positif à tout prix, il repose sur une méthodologie rigoureuse : identifier une problématique, analyser des solutions existantes et en évaluer les résultats. Cette approche permet d’élargir le cadre de l’information en apportant des pistes d’actions inspirantes.

36 % des Français évitent l’actualité

Les citoyens expriment une lassitude face aux nouvelles alarmistes et un sentiment d’impuissance face aux crises. Une étude de Reuters Institute de 2023 montre que 36 % des Français évitent l’actualité, jugée trop négative. En proposant des récits qui démontrent que des solutions existent, le journalisme de solutions rétablit un lien de confiance avec les lecteurs et stimule l’engagement citoyen. Selon Valérie Le Nigen, journaliste radiophonique à France Bleu Breizh Izel, mais surtout fondatrice du média Un Monde Meilleur.info, il s’agit d’une conviction, d’un état d’esprit à avoir : il ne faut pas forcément vouloir faire du journalisme de solutions pour en produire.

Des expériences menées par des rédactions montrent que ces articles suscitent plus d’interactions et de partages. Certains médias constatent même une fidélisation accrue de leur audience. Un article qui traite d’une réponse efficace au changement climatique ou aux inégalités sociales peut inciter à l’action et favoriser la mobilisation collective.

« Le journalisme de solutions n’est pas l’essentiel du journalisme »
Valérie Le Nigen
Journaliste, fondatrice de Un Monde Meilleur.info

Le journalisme de solutions ne prétend pas remplacer l’investigation ni le journalisme d’alerte. Il s’agit d’un outil complémentaire qui permet d’équilibrer la couverture médiatique. Plutôt qu’une illusion, il semble répondre à une attente réelle du public et ouvre la voie à un journalisme plus constructif et impactant. D’après Valérie Le Nigen, le journalisme de solutions agit comme « une respiration », un moment de pause dans le flux d’informations quotidien. « Le journalisme de solutions n’est pas l’essentiel du journalisme », il n’est qu’une part de ce large domaine et ne peut s’auto-suffire. Il s’agit plutôt d’un complément aux médias traditionnels qui amène cette fraîcheur recherchée par le lectorat.

Cependant, cette approche soulève des critiques. Certains estiment qu’elle risque d’embellir la réalité en ne mettant en avant que les solutions qui fonctionnent, au détriment d’une vision critique. Pour Valérie Le Nigen, dans les sujets traités, même si le positif y est mis en valeur, sont surtout mis en exergue les problèmes de notre monde. Mettre en valeur le peu de solutions possibles à un problème relève plus d’un aveu d’échec de notre société plutôt que d’un excès d’optimisme. De plus, ce type de journalisme peut contribuer à restaurer la confiance du public envers les médias, mais seulement si la démarche reste rigoureuse, surtout dans un contexte où la désinformation et la méfiance vis-à-vis de la presse sont en hausse.

Valentin Ducher 

Focus: Le journalisme de solutions comme remède à l’anxiété

Le journalisme de solutions est un genre jeune dans le milieu du journalisme. Mais de plus en plus de médias y consacrent une partie de leur contenu. Libération y consacre un numéro à chaque fin d’année avec son Libé des solutions depuis 2007, Le Figaro en possède une rubrique sur son site web, et d’autres médias comme Le Châtillon font du journalisme de solutions leur unique genre de journalisme.

Mais pourquoi se tourner vers le journalisme de solutions ? Une étude de l’ObSoCo, en partenariat avec la Fondation Jean Jaurès et Arte, montre que plus d’un Français sur deux souffre de « fatigue informationnelle ». Ce chiffre, datant de 2022, illustre la capacité de l’actualité à rendre anxieux son lecteur, en raison de son abondance et de sa quasi-systématique négativité. Parmi les problématiques les plus anxiogènes, on retrouve l’inflation, les crimes et la violence, ainsi que la pauvreté. Le rapport annuel du CESE sur l’état de la France nous montre que 8 Français sur 10 se déclarent anxieux face au dérèglement climatique.

C’est dans l’optique de pallier ce problème que le journalisme de solutions intervient. En invitant le lecteur à réfléchir sur des problématiques et en apportant un point de vue optimiste, il lui permet de prendre du recul face aux torrents d’informations diffusées chaque jour sur tous types de supports. Ce qui est sûr, c’est que si l’anxiété globale continue de monter, le journalisme de solutions continuera d’exister.

Bastien Bertagna

Vidéo: Des médias pour vous réconcilier avec l'actualité

Vidéo : Justine Clastre

Illustration : Raphael Taillez

Mise en page : Méline Morlighem

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