Les vacances : vecteur d’inégalités ?

Que ce soit pour partir à l’étranger ou visiter notre pays si passionnant, la plupart d’entre nous adore les vacances. Malgré l’arrivée des congés payés il y a maintenant bientôt 100 ans, les séjours hors du domicile sont loin d’être une habitude pour tous les Français. Et pourtant, nombreux sont les dispositifs facilitant  ces moments d’évasion et de découverte – notamment pour les plus jeunes – avec un objectif commun : la lutte contre les inégalités culturelles.  

S’il est impossible de partir en vacances pour de nombreuses familles, c’est  en grande partie à cause des différents coûts qu’un voyage peut comprendre : transports, hébergements, restauration, activités… Lorsque ces dépenses  s’enchaînent, le portefeuille n’en ressort pas indemne. « C’est vrai que c’est pas  donné », affirme Mélanie, mère d’une famille recomposée de trois enfants. « Bien  souvent, j’essaye de trouver des bons plans pour les vols ou les hôtels pour diminuer les coûts », explique-t-elle. 

Comme beaucoup de Français, Mélanie privilégie les périodes « hors saison » pour s’évader vers les lieux les plus touristiques. « Le  problème c’est que c’est souvent hors période scolaire que les prix sont les plus  intéressants. Du coup, on part souvent sans les filles, heureusement qu’elles ne sont pas rancunières », sourit elle. Malgré l’apparente cruauté dont fait preuve l’aide soignante en voyageant sans ses filles, elle explique que c’est aussi pour elle une manière de leur inculquer la valeur du travail et de leur faire comprendre qu’il faut travailler dur pour pouvoir se permettre de voyager. Cependant, il ne faut pas se méprendre, cette situation est impensable pour beaucoup de familles qui ne disposent pas assez de moyens pour partir tous ensemble. De ce fait, bon nombre de familles préfèrent rester à domicile. Dans ce cas, les répercutions sur le développement  culturel des enfants peuvent accroître des inégalités scolaires déjà présentes

« La chance qu'on a en Europe et en France, c'est d'avoir beaucoup de destinations très intéressantes et assez proches »

Alors que certains parents comme Mélanie voyagent sans leurs enfants, d’autres font le choix de les inscrire en colonie de vacances. Plus abordables que les voyages classiques, cette alternative permet entre autres, le développement du vivre ensemble, de l’entraide mais aussi de la culture. Ce dernier point revêt une importance capitale pour Romain, directeur de colonie depuis 10 ans. « À chaque fois que je propose un lieu de séjour, je fais en sorte qu’il soit intéressant culturellement », explique-t-il. « La chance qu’on a en Europe et en France, c’est d’avoir beaucoup de destinations très intéressantes et assez proches. » Il indique vouloir essayer de coller le plus  possible aux contenus des cours des enfants dont il sera responsable lors du  séjour. « Les enfants adorent et ça m’encourage à continuer », confie-t-il. « À chaque fois qu’on fait une visite culturelle, plus de la moitié des enfants racontent qu’ils l’ont vu en cours et commencent à expliquer leur leçon aux plus petits ou à ceux qui ne s’en souviennent plus. » Ces expériences culturelles sont donc, dans la majorité du temps, réservées aux  jeunes qui voyagent, que ça soit avec leurs parents ou en colonie. De ces séjours, les enfants en tirent des bénéfices, leur donnant un avantage culturel et même parfois scolaire sur ceux qui n’ont pas la chance de partir.

Sac Ados : bonne idée limitée ?

L’accroissement des inégalités scolaires dues aux vacances est donc bel et  bien réel. Pour y faire face, de nombreux dispositifs sont mis en place par différents  acteurs. Régions, départements, municipalités, tous tentent plus ou moins à leur manière de favoriser le départ en vacances des publics qui en sont éloignés. C’est notamment le cas du département du Pas-de-Calais qui, depuis 10 ans, fait appel à l’association Vacances Ouvertes pour mettre en place le dispositif Sac Ados. « Il s’adresse aux jeunes entre 16 et 25 ans et permet entre autre le développement de  l’autonomie », explique Yasmine, référente jeunesse chez Vacances Ouvertes. « Les  jeunes doivent entièrement créer leur projet de vacances avant de nous l’envoyer  pour vérification. Une fois validé, Vacances Ouvertes remet au groupe de jeune un  sac à dos avec le nécessaire pour le voyage et hop, c’est parti ! ». 

Dans le sac, on peut notamment retrouver une bourse allant de 120 à 300 € en fonction de la région, qui aide les novices à financer le voyage. Bien qu’utile pour de nombreux jeunes, cette bourse peut sembler dérisoire, notamment au vu des nombreuses augmentations des prix des transports et hébergements ces dernières années. Aussi, le Sac Ados ne permet pas les voyages en avion, souvent moins onéreux que les trajets faits en train. Le train est plus écologique, certes, mais il limite très  fortement la capacité de déplacement des publics les moins fortunés, comme les  jeunes dans notre exemple. Alors que faire ? Baisser le prix des billets de train pour favoriser la mobilité tout en incluant le respect de l’environnement en taxant les billets d’avion ? Pas sûr que cette mesure plaise à tout le monde, même si elle serait très certainement la bienvenue écologiquement et socialement parlant.

Axel Gallet

ZOOM :

Les vacances renforcent les inégalités sociales.

CM1, la professeure d’histoire pose une question à la classe : « Quel est le nom du célèbre amphithéâtre de Rome ? ». Revenant de mes vacances en Italie, je lève fièrement la main et m’exclame : « C’est le Colisée, je l’ai visité avec mes parents cet été ! ». Assis à ma droite, mon ami Théo, tout penaud, me souffle « Tu es allé en Italie, la chance… ». Il n’était pas parti cet été là, ni les huit précédents.
Partir en vacances est une chance que tous les enfants ne connaissent pas en France. Théo fait partie des 20 % d’enfants qui n’ont pas l’occasion de « voir du pays » tous les ans. Or, ces expériences si enrichissantes sont réellement bénéfiques pour le développement des jeunes. Les vacances sont des périodes clés pour l’apprentissage informel. Cela permet aux jeunes de développer des compétences sociales et créatives en dehors du cadre scolaire.
C’est une étape structurante et primordiale. Comme l’évoquent des spécialistes de sciences de l’éducation, à l’instar de Philippe Meirieu, les vacances offrent un espace où les jeunes peuvent se découvrir eux-mêmes. Ceux qui n’en profitent pas peuvent se retrouver déconnectés, isolés, ou en retard sur le plan culturel, ce qui peut nuire à leur développement intellectuel et social. Il insiste sur le fait que les vacances doivent être pensées comme un outil d’égalité, permettant à tous les jeunes, quelles que soient leurs origines sociales, de bénéficier des mêmes chances de développement.

Sacha Deroy-Rodriguez

VIDEO : Pourquoi les vacances ne sont pas accessibles à tous ?

Jules Boyard

Photo Roméo Le Goff

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