Des casiers sur les campus lillois : la bonne recette du Crous ?

by Etudiants de l'Académie

Sur les campus de Lille, les files d’attente devant les points de restauration du Crous n’en finissent plus. A Cité Scientifique, la fermeture temporaire de plusieurs bâtiments pour cause d’amiante a déplacé certains étudiants à Pont de Bois. Résultat : des centaines d’étudiants patientent chaque midi devant le Florès ou le resto U. Depuis mars, le Crous lillois a mis en place une solution inédite avec l’entreprise Le Casier Français : 140 casiers réfrigérés installés sur les campus, en libre-service, une alternative plus rapide.

Dans le hall du bâtiment A de Pont de Bois, Félix, étudiant en master de lettres, hésite. Attendre au Florès Café, une cafétéria du Crous à quelques dizaines de mètres, où la file d’attente s’allonge, ou tenter l’expérience des nouveaux casiers réfrigérés installés devant lui ? Par curiosité, il consulte ce qui se trouve derrière les vitres. Puis en quelques clics sur la borne, il récupère un sandwich au thon. Manger le midi relève du parcours du combattant confie-t-il. Moins d’une minute plus tard, il a déjà quitté les lieux, déjeuner en main. Simple, rapide, efficace.  

Coline Ewald, chargée de communication au Casier Français, résume l’idée : « Les étudiants ont peu de temps pour déjeuner, parfois à cause de contraintes de distance ou d’emplois du temps chargés. Nos casiers permettent de manger sur le pouce sans perdre de temps ». Si l’entreprise made in France à 20 minutes de Lille s’adressait au départ aux producteurs locaux cherchant à vendre en circuit court, elle a vu dans ses casiers une possibilité de s’ouvrir à d’autres acteurs, dont la restauration collective.

Une solution qui interroge

Pour beaucoup, c’est une réponse concrète à un vrai besoin. Félix se souvient avoir déjà attendu plus d’1h30 pour manger. Les étudiants sont parfois obligés d’anticiper leur repas en venant acheter leur repas avant 10h. Margaux, étudiante en philosophie, valide cette alternative : « c’est rapide, accessible et ça m’évite de sauter un repas ».

Mais l’offre reste limitée : sandwichs, salades, plats préparés. Rien de bien varié. Et surtout, une alimentation moins équilibrée, sans menu quotidien repensé. Autre inconvénient : les étudiants ne peuvent pas payer avec leur carte étudiante. Ils payent donc la TVA, ce qui augmente les prix des repas et revient ainsi plus cher qu’un menu dans un point de restauration.

Le Casier Français a perfectionné son système depuis 2019 : casiers double-vente, plateaux tournants, réduction de la condensation… Un modèle autonome, qui limite la gestion humaine. Mais c’est justement ce point qui fait débat. Marie, elle aussi en philosophie, nuance : « c’est un super plan B, mais je préfère aller au resto U pour voir mes amis, ou même échanger avec le personnel du Crous ». Et demain ? Ces casiers vont très probablement s’étendre à d’autres campus. Alors, faut-il y voir une réponse d’urgence ou une transformation durable des espaces de restauration collective vers moins de contacts humains.

 

Un repas sans interaction ?

Les campus s’automatisent : bornes de commande, casiers connectés, cartes sans contact. Face à ces évolutions, une question persiste : veut-on sacrifier les espaces de convivialité sur l’autel de l’efficacité ? Entre rapidité et lien social, il ne s’agit pas seulement de choisir un mode de restauration, mais bien d’interroger ce que l’on attend de la (future) vie universitaire. Peut-on imaginer des solutions hybrides qui allient praticité et convivialité ? C’est peut-être là que se trouve le vrai défi pour demain.

 

  • ZOOM SUR … les conditions étudiantes

 

Si la question de la précarité étudiante en France occupe fréquemment la scène médiatique, elle n’en demeure pas moins préoccupante, affectant profondément les conditions de vie des étudiants.

Selon une enquête de l’IFOP, un tiers des étudiants français disent sauter régulièrement un repas par manque d’argent, 43 % ont réduit les portions ou les quantités, et 18 % ont eu recours à l’aide alimentaire. Au-delà de l’alimentaire, les difficultés financières ont aussi des répercussions sur la santé mentale et le logement des étudiants. L’IFOP révèle que 41 % d’entre eux se sentent fréquemment seuls, soit plus du double de la moyenne nationale. Près de 64 % ressentent des émotions négatives régulièrement et un quart consulte un psychologue au moins une fois dans l’année. Le coût du logement est aussi un facteur aggravant avec un loyer moyen atteignant 560 € mensuels, soit 53 % du budget des étudiants. Face à toutes ces dépenses, nombreux sont ceux qui renoncent à l’indépendance et restent vivre chez leurs parents.

Face à cette précarité, les syndicats étudiants réclament plusieurs mesures. L’extension du repas Crous à 1 € pour tous, par exemple, reste une demande centrale, alors que seuls les boursiers en bénéficient actuellement. L’idée d’une allocation d’autonomie est également soutenue par certaines associations, elle permettrait aux étudiants de vivre sans dépendre de leurs familles. Enfin, certaines collectivités locales ont mis en place la gratuité des transports en commun pour les étudiants précaires, mais l’initiative reste inégale selon les régions. Aussi, malgré toutes ces revendications, la question de la précarité étudiante en France est encore loin d’être résolue.

 

Adam Boissinot 

Vidéo par Robinson Calle : 

Précarité alimentaire : que fait le CROUS de Lille pour les étudiants 

 Photos prises par Naëly Péan. 

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