Contrer l’isolement des séniors : c’est le challenge que la ville de Lille tente de relever chaque année depuis 1951. Du 24 septembre au 21 octobre, une image positive du vieillissement est véhiculée, à travers la mise en avant de diverses activités intergénérationnelles.
En poussant la porte du Service Civil International (SCI) – branche française de Saint-Maurice Pellevoisin (Lille), l’odeur réconfortante de la cuisine et les rires communicatifs invitent à la convivialité. Au menu ce mercredi 24 septembre : rouleaux de printemps, blanquette de veau et vérines citronnées avec pour mot d’ordre « le lien intergénérationnel ».
Concentrées dans le pliage des rouleaux de printemps les femmes racontent : « On est toutes ensembles, on fait des bêtises et on s’amuse. » ; « C’est intéressant avec les jeunes, on passe un bon moment. » ; « Même avec une culture et des idéaux différents, il y a un échange amical et une vraie transmission. »
Émilie est salariée au SCI et organise cet atelier une fois par mois depuis 2019. Elle voit la cuisine comme un « motif de rencontre et de participation : tout le monde a des bases et les gens sont gourmands ». Ce projet est en partenariat avec l’association Lille Sud Insertion (LSI) qui propose à ses jeunes en insertion professionnelle de participer. C’est d’ailleurs le cas de Preston qui venait pour la première fois : « Je suis sociable, j’aime être avec les gens et faire de nouvelles rencontres donc si on me repropose je serais partant ».

Preston veille à la cuisson des poireaux et des oignons pour la blanquette de veau.
« Mes enfants et petits-enfants sont malheureusement loin » (Françoise)
Selon Santé Publique France, deux millions de Français de plus de 60 ans sont victimes de relégation sociale. En cause, l’éloignement géographique des familles, les ruptures brutales marquées par la retraite et la fracture du numérique, la perte de mobilité et les problèmes de santé.
« Je marche mes trois kilomètres par jour, je rends service à mes voisins, mais pour moi il n’y a pas de contact, ce n’est pas suffisant. » (Françoise, adhérente au club sénior de Saint-Maurice Pellevoisin)
Sylviane est conseillère de quartier à Lille depuis 4 ans et pour elle, la plus grande demande de contact vient des communes rurales, souvent faute de moyens techniques et financiers des municipalités. Les financements pour les séniors sont de nature locale, nationale et même européenne. Parmi les moyens mis en œuvre, la semaine bleue est un événement national qui, à Lille, correspond à quatre semaines au lieu d’une : preuve de l’engagement fort de la ville pour le bien-être des séniors.
Mais qu’en est-il le reste de l’année ?
Jeannine et Jacqueline assurent qu’elles ne sont jamais isolées : jeux de carte, goûters, lotos, musées, repas avec les enfants au centre aéré… leur emploi du temps est bien rempli. « Celui qui s’ennuie à Lille n’a pas fait le premier pas », estime Jeannine. Françoise, membre du club sénior depuis seulement un an, confie qu’elle a dû faire le premier pas vers la mairie. Dorénavant, les activités lui sont systématiquement proposées. Si les séniors ne sont pas oubliés, c’est à eux d’aller se renseigner, ce qui peut être parfois un frein.

Françoise, très concentrée à l’élaboration des rouleaux de printemps, participe régulièrement à ce genre d’activités.
Sylviane explique que l’élan actuel remonte à dix ans avec le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS). « Martine Aubry (ancienne maire de Lille) a voulu qu’il y ait, dans chaque quartier de la ville, un lieu réservé aux seniors » : mairies de quartier et lieux indépendants sont mis à disposition toute l’année pour que des personnes en besoin de lien social puissent se retrouver. C’est d’ailleurs le cas au lendemain de cet atelier, où ils seront plus nombreux pour mettre les pieds sous la table et déguster ce repas.
Lily Bô
Photos : Alexandre Van Assche
FOCUS :
La certification « Les Amis des Aînés », un projet lillois.
Le label « Les Amis des Aînés » a été créé en 2012 par le Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés (RFVAA) en partenariat avec l’Organisation Mondiale de la Santé. Il accompagne les villes face aux défis de la transition démographique. Lille a déposé sa candidature et passera en commission dans 15 jours pour obtenir sa certification.
La ville souhaite l’obtenir pour répondre au vieillissement de la population, lutter contre la précarité, l’isolement et mettre un terme aux violences faites aux personnes âgées. Ce serait aussi un moyen de concrétiser un projet lancé en 2017 pour obtenir le label. Pour cela, elle travaille en tandem avec le service CCAS de Lille.
Il y a six critères pour candidater : être adhérent au RFVAA, établir un état des lieux, structurer l’administration, rédiger un plan d’action pluriannuel, impliquer les aînés dans la décision et présenter régulièrement les avancées en assemblées délibérantes.
Pour inclure les seniors, Lille a diffusé un questionnaire, organisé des réunions dans tous les quartiers, et mené des entretiens individuels pour cibler leurs préoccupations et les inclure au projet.
La ville a également développé de nombreux projets pour acquérir cette certification. Ceux-ci répondent à 2 axes : l’environnement bâti (infrastructures) et l’environnement social des aînés. Il s’agit de recréer des liens sociaux intergénérationnels, d’améliorer la qualité de leur cadre de vie, leur circulation, de diversifier les activités proposées et de favoriser l’écoute.
Eugénie Cassignol