Face à la surconsommation et à l’obsolescence programmée de nos objets du quotidien, les Repair Cafés proposent une solution simple : réparer plutôt que de jeter. À Lille, cette initiative a été mise en lumière dans le cadre des troisièmes Journées nationales de la réparation, organisées du 16 au 19 octobre 2025 ; un événement où les bénévoles promeuvent une consommation plus écoresponsable et réinventent l’art de la débrouille.
On lui doit le Pont Alexandre III, les ascenseurs de la Tour Eiffel et le Tunnel sous la Manche : l’usine Fives Cail de Lille est un symbole d’innovation. L’esprit était à l’honneur le 18 octobre lorsque le site, devenu écoquartier, accueillait plusieurs Repair Cafés lillois. « Un Repair Café est un lieu où des bénévoles ayant des compétences aident les gens à réparer leurs objets », explique Christophe Goddon, de la Maison régionale de l’environnement et des solidarités.
Né en 2009 aux Pays-Bas, le concept s’est rapidement développé : on compte aujourd’hui 3 500 Repair Cafés dans le monde, dont 220 dans les Hauts-de-France. En encourageant à petite échelle la réparation participative et la réduction des déchets, ils luttent contre la surconsommation et l’obsolescence programmée. « On ne peut plus vivre en continuant à détruire la planète », alerte un bénévole. Selon le Global Footprint Network, en 2023, l’humanité consommait les ressources 1,75 fois plus vite que la Terre ne pouvait les régénérer.
Réparer c’est aussi transmettre
Ordinateurs, cafetières, aspirateurs… les objets du quotidien s’empilent sur les tables de l’atelier lillois. Tournevis, huile de coude et esprits ingénieux sont à l’œuvre. Ici, les usagers viennent par souci écologique et économique, la réparation étant gratuite. Mais la démarche revêt également une dimension affective, car « on met tous du sentiment dans nos objets », sourit Christophe Goddon.
La réparation n’est pas toujours garantie, mais elle reste formatrice. « Quand ce n’est pas possible de réparer, les gens repartent quand même satisfaits, car on leur explique pourquoi », explique André, bénévole à la retraite se sentant ici « utile à la société ». Comme lui, une quarantaine de bénévoles se relaient dans la joie et la bonne humeur. « Ce sont surtout des hommes, mais ça change, heureusement ! », précise M. Goddon.
Ces ateliers deviennent des laboratoires de créativité collective où l’on invente, bricole et détourne les objets avec les moyens du bord. Face aux contraintes matérielles, les bénévoles font preuve d’ingéniosité afin d’offrir une seconde vie à ce qui semblait perdu. Mais leur démarche est également sensibilisatrice. Le bénévole Alexandre Debreuck explique : « Quand quelqu’un vient avec son grille-pain, je lui dis que l’on sauve 27 kilos de matière première. » Effectivement, l’extraction, l’exportation et l’assemblage des matériaux en nécessitent une grande quantité. Réparer est ainsi une façon créative d’éviter la surproduction.
La réparation, un acte écoresponsable
Pour Alexandre, « la réparation, ce n’est pas de l’écologie mais de l’économie ». Son credo : pourquoi racheter du neuf quand on peut redonner vie à ce que l’on possède ?
C’est l’esprit de l’économie circulaire et de la règle des trois R : réemployer, réparer, recycler. Le recyclage, très énergivore, reste la dernière option. Alexandre prend l’exemple de la bouteille en verre : au recyclage, elle est cassée, broyée, nettoyée, fondue puis refabriquée. « Moi, en tant que fainéant, je la rince et la stérilise ! » plaisante-t-il.
Mais réparer, c’est surtout mieux consommer. « On remplace une pièce volontairement sous dimensionnée et fragile par une pièce plus durable », explique le bénévole. Simplement et gratuitement, ce geste s’attaque directement à l’obsolescence programmée. Un combat quotidien pour Alexandre. Lorsqu’on lui demande s’il reste optimiste, il sourit : « Je ne sais pas, mais je ne lâcherai pas l’affaire ! »
Alexandre Van Assche
Photos : Robin Hemery
Zoom sur…
Et si l’écoptimisme devenait la solution ?
Alexandre Debreuck, fonde le Jardin des Bennes en 2014. Rassurez-vous, il ne s’agit pas d’un jardin rempli de bennes à ordures mais d’une association dont le but est de lutter contre le gaspillage et pour la réduction des déchets, en accompagnant les Repair cafés. Pour arrêter de surconsommer, il prône alors avec enthousiasme, une « initiative globale » et assure que même si le changement n’est pas pour maintenant, il y contribue. En ayant conscience des impacts néfastes de notre mode de consommation, l’anxiété semblerait effectivement plus évidente, mais comme vous l’aurez sans doute remarqué, il est difficile de passer à côté de l’optimisme de cet homme.
C’est la journaliste Dorothée Moisan qui a inventée le terme d’ « écoptimisme » dans son livre Les écoptimisme – remède à l’éco-anxiété , dans lequel elle explique que l’action permet d’atteindre ce type d’optimisme et qu’au contraire l’apathie nourrit l’anxiété. Effectivement, face à cet amont de mauvaises nouvelles accablantes quant à l’état du climat et de la planète, le premier réflexe est souvent l’éco anxiété. Mais l’anxiété renvoie à la peur, et la peur , elle paralyse. Ainsi, par l’écoptimisme, l’action est encouragée et l’objectif n’est pas sorcier : agir à son échelle pour l’écologie et remédier à son anxiété par ce biais.
C’est ce qu’a fait Alexandre – après sa prise de conscience – avec sa chemise colorée, son chapeau fait de brique de jus et son initiative aussi écologique qu’économique. Il a fait un pas vers l’écoptimisme pour proposer à la fois une alternative à la surconsommation entraînée par le système capitaliste et, pour normaliser la réparation, avant même le recyclage.
Lily Bô
Récupérer des objets destinés à la poubelle et les transformer pour leur donner une nouvelle vie, une solution à la surconsommation ?