La ruche brûle et nous regardons ailleurs : il faut agir « dard-dard » !

Les abeilles, essentielles à la pollinisation, connaissent un déclin préoccupant qui menace directement notre alimentation et nos économies. Tandis que les institutions internationales alertent sur l’effondrement de la biodiversité et que les politiques publiques peinent à suivre, des acteurs de terrain tels que Marc Cortiana, fondateur de Beetobee, tentent de transformer ces alertes en actions concrètes dans les entreprises et les territoires.

C’est le pari de Marc Cortiana, fondateur de Beetobee, qui a quitté le secteur bancaire en 2021 pour créer avec l’apiculteur Julien Lhomme une activité dédiée à la protection des pollinisateurs. Leur idée : faire des ruches un levier de sensibilisation et de responsabilisation en les installant au cœur des sites d’entreprises et de collectivités. Le nom Beetobee, clin d’œil à la fois à l’abeille et au « business to business », résume cette ambition de lier monde économique et préservation du vivant.

Entretien d'une ruche.
Entretien des ruches sur le site roncquois de BeetoBee par Marc Cortiana.

130 entreprises ont déjà fait confiance à la jeune société roncquoise pour accueillir des ruches sur leurs sites, mais aussi pour former et informer leurs collaborateurs lors de conférences et d’ateliers. « Notre premier objectif est de sensibiliser le plus grand nombre au rôle essentiel de l’abeille qui est le pollinisateur le plus actif de la planète », insiste Marc Cortiana. Pour lui, ces projets ne sont pas un gadget : ils s’inscrivent dans la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et préparent l’acceptation de règles plus strictes en matière de biodiversité.

Les entreprises ont tout intérêt à faire ce genre d’initiatives selon Marc Cortiana : « Ça ne leur rapporte pas d’argent mais c’est un fort geste RSE qui leur offre une bonne image et qui les démarque auprès de leurs collaborateurs. »

Changer les pratiques commence par changer les regards

Cette approche rejoint les recommandations de l’IPBES, souvent présenté comme le « GIEC de la biodiversité », qui identifie l’information et la sensibilisation des populations comme premier levier pour enrayer l’effondrement du vivant. Informer les citoyens, mais aussi les salariés et les dirigeants, est une condition pour que les États puissent ensuite faire évoluer le cadre légal sans se heurter à un rejet massif. En rendant visibles les enjeux de pollinisation dans le quotidien professionnel, Beetobee occupe une place charnière entre décisions politiques et changement concret des pratiques.

Les débats récents autour de la loi Duplomb illustrent ce décalage persistant entre consensus scientifique et arbitrages économiques de court terme. Pourtant, les abeilles assurent aujourd’hui une pollinisation « gratuite » de près de 70 % des ressources alimentaires végétales, des fruits et légumes aux noix et plantes oléagineuses. Leur déclin annonce une hausse des prix, une baisse de la diversité alimentaire et une fragilisation des écosystèmes. Pour les entreprises, s’engager auprès d’acteurs comme Beetobee ne rapporte pas directement d’argent, mais les prépare à un futur où la prise en compte de la biodiversité devient une obligation plus qu’une option.

Abeille qui butine.

Lorsque l’on évoque le risque de greenwashing, Marc Cortiana, conscient du danger soutient que « dans tous les cas on travaille avec des gens qui ont une volonté de changement ». Ses ruches ne sont pas une fin en soi : elles sont un point d’entrée, un support pédagogique et symbolique pour ouvrir un débat plus large sur notre modèle de développement. Ainsi, les abeilles ne sont pas qu’un maillon primordial de la biodiversité : elles sont un reflet de notre capacité à agir. 

Article et photos : Cyriel Hamoir

Zoom. Pas d'abeille, pas de chocolat

Le déclin des abeilles émeut trop peu, pourtant il nous concerne bien plus qu’on ne le croit. Derrière le bourdonnement discret de ces pollinisatrices se cache l’équilibre entier de notre alimentation. Près de 75 % des cultures vivrières mondiales dépendent de la pollinisation, qui contribue à 35 % de ce que nous mangeons. Certains aliments en sont totalement tributaires : amandes, fruits rouges, pommes, courgettes et concombres. Même le cacao dépend d’insectes pollinisateurs, si bien qu’une chute de leur population pourrait réduire les rendements de 30 à 50 %, rendant le chocolat beaucoup plus rare et cher. 

Les conséquences sont économiques autant qu’alimentaires : moins d’offre = des prix qui flambent, des exploitations fragilisées, et des filières locales qui s’effondrent.
Les impacts écologiques sont tout aussi mesurables : 80 % des plantes sauvages à fleurs dépendent de la pollinisation animale. Leur déclin entraîne une diminution de la biomasse végétale, donc moins de nourriture pour les insectes, moins de proies pour les oiseaux, et une baisse globale de biodiversité. C’est une réaction en chaîne documentée, pas une projection théorique. 
Certes, les abeilles ne sont pas les seuls insectes pollinisateurs, on compte en tout près de 25 000 insectes « floricoles ». Pourtant, ce sont les abeilles qui s’occupent à 90 % de la pollinisation, les autres jouent un rôle minime.
Alors protéger les abeilles n’est donc pas qu’un simple slogan, c’est une nécessité. Sans abeilles, le chocolat n’est que le symbole d’une perte bien plus vaste : celle d’un monde alimentaire appauvri et hors de prix.
 
Simon Metz

Reportage. Duplomb dans l'aile...

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