Grégoire, jeune entrepreneur dans la vente de produits locaux
« Si vous faites du local et de l’artisanal, pourquoi pas le proposer ici. » Voilà le concept de Pacte, entreprise créée il y a un an par Grégoire, qui permet de vendre des produits du terroir local dans le centre-ville lillois.
En ce vendredi matin, au 46, rue Basse dans le Vieux-Lille, vers 11 heures, nous rentrons dans cette boutique. Dès l’entrée, nous tombons sur une meule de foin à notre droite, un vélo vintage face à nous. A ses pieds, une cagette avec des légumes. Au-dessus, écrit en gros sur le mur, il est possible de lire « Pacte le drive piéton des produits locaux ». L’endroit à l’air tout neuf. Et pour cause, cette boutique est ouverte depuis moins d’un mois. Nous rencontrons Grégoire, 22 ans, qui nous accueille dans un style décontracté avec bonne humeur. Grégoire est entrepreneur, il a monté son projet il y a un an en montant son entreprise de vente de produit locaux en circuit-court.
Avant même de quitter l’école, il avait déjà son projet clairement dessiné en tête : « Ça me démangeait de créer une structure. » Un matin, il se lève et se rend en cours de gestion à l’ISG, où il faisait ses études de commerce. Il s’est demandé s’il voulait encore continuer ses études et peut-être laisser passer sa chance de monter son entreprise pour au final ne jamais le faire.
En se lançant plus tard, il aurait eu beaucoup plus à perdre. A 21 ans, il ne possédait pas de maison, pas de crédits sur le dos, pas de nourriture à payer. Il ne détient aujourd’hui « toujours rien à perdre », même si son entreprise est un échec dans un futur plus ou moins proche, « cela restera une bonne expérience ». C’est ainsi que naquit son entreprise, Pacte.
Boutique Pacte, 46 rue Basse dans le Vieux-Lille © Alexandre Chatelet
« A notre âge, c’est bien d’avoir monté ça mais c’est très stressant »
Le plus dur pour Grégoire a été de se cadrer. En effet, une fois sorti de l’école, il n’y a pas d’obligations donc il faut trouver son rythme, concilier jeunesse et responsabilité d’une entreprise.
Quand il a appris qu’il arrêtait l’école, le père de Grégoire lui a dit qu’une telle expérience, même s’il s’avère que cela aboutit sur un échec, sera toujours valorisée pour un employeur. Il ne voulait pas posséder le profil-type d’un jeune sortant d’une école de commerce. Ses parents le soutiennent dans son projet et sont fiers de voir que son entreprise ne repose pas uniquement sur un aspect financier.
Avoir une société anonymisante à une échelle internationale n’aurait pas de sens pour Grégoire. Il préfère savoir d’où viennent ses produits, d’y voir une histoire derrière. « C’est une forme de transparence de vendre des choses que l’on connaît. » L’aspect social d’une entreprise semble très important pour Grégoire, qui « travaille avec des personnes ». Quand il regarde les confitures qu’il vend, il ne voit pas juste des produits, il voit un verger et ses propriétaires, David et Vincent.
« Moi, je suis sur du 100% local ! »
Grégoire a pour objectif central « de valoriser des produits du terroir ». Il a perçu des choses à développer dans le domaine du circuit-court, au vu du bon fonctionnement des drives piétons mis en place par de grandes enseignes, mais sur un terrain plus local.
« Manger local, ça ne doit pas être une mouvance et une communauté spécifique. » Muni de cette volonté de s’adresser au plus grand nombre, il ne souhaite pas vendre des produits uniquement végétariens ou végans. Cependant, Grégoire accorde une grande importance à l’environnement. Aujourd’hui, « les technologies et le monde en général font que l’on peut coupler l’alimentaire avec l’écologie » : le packaging en carton remplace celui en plastique, des déplacements en camionnette électrique, qui n’existait pas il y a 2 ans. Grégoire vise également un objectif 0 déchets, qu’il peut mettre en place sur plusieurs aspects de son commerce : pas de stockage de fruits et légumes pour éviter le gaspillage, un minimum d’emballage des produits et surtout, pas de sacs plastiques ou de sachets.
Ce concept de drive-piéton apparaît exploitable dans beaucoup d’autres villes françaises comme Bordeaux, Nantes ou Toulouse qui présentent les mêmes caractéristiques géographiques que Lille : un monde rural aux portes de la ville. Grégoire souhaite étendre son commerce à une échelle nationale.
Aller dans l’alimentaire était une suite logique pour Grégoire, particulièrement au vu de la « condition agricole actuelle » de certains producteurs. Grégoire prend à cœur de pratiquer des prix permettant à sa société mais aussi aux agriculteurs de vivre, tout en ayant des prix proches de ceux pratiqués en grande surface. Une vraie dimension sociale se démarque dans l’entreprise avec un fonctionnement assez circulaire qui arrive à satisfaire tous les acteurs : les agriculteurs, les clients et Grégoire.
Aujourd’hui, il se sent heureux de voir sa boutique ouverte, après une période de travaux qu’il a effectué lui-même sur son temps libre.
Grégoire et Etienne, agriculteur du Pavé Fermier © Alexandre Chatelet
Manon Aoustin
Vidéo : une journée aux cotés de Grégoire : https://youtu.be/dg6Ola57fKc
Zoom : circuit court, un retour du lien entre consommateur et producteur.
L’économie de circuit court est un échange qui vise à valoriser le lien social, la coopération, la transparence et l’équité entre les acteurs de cet échange, caractérisé par un mode de vente direct direct entre l’acheteur et le producteur ou indirect à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire au plus dans l’échange.
Ventes à la ferme, libres-cueillettes, foires, associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (amap), livraison de paniers et points de ventes collectifs sont autant de moyens qui participent au développement d’un nouveau circuit alimentaire, poussant/invitant les consommateurs à bouder celui proposé par la grande distribution.
Le circuit-court, est une tendance qui émerge ces dernières années, promouvant un modèle alléchant pour ceux qui souhaitent consommer de manière durable, éthique, équitable et sociale.
Si le renforcement du lien entre le consommateur et le producteur qui avait été perdu est promu avec le circuit court, ce mode de consommation prétend également présenter l’avantage d’une consommation locale, de saison et de qualité, plus écolo et permettant de reprendre la main sur le juste prix. Parmi ces avantages vantés on compte tout de même des idées erronées.
D’abord, circuit court ne rime pas toujours avec local car la distance géographique n’est pas une caractéristique requise pour proposer des produits en circuit court, ce qui explique l’existence d’une vente de ce type sur internet. Aussi, consommer circuit court ne veut pas nécessairement dire moins polluer, la pollution émise par les transports étant bien inférieure à celle émise par la production des produits. Enfin, la réduction du nombre d’intermédiaires ne permet pas toujours de réduire les prix, bien au contraire mais cela permet aux agriculteurs de fixer eux-même les prix qui rémunéreront leur travail à sa juste valeur.
Charlotte Lemonnier