Bientôt des insectes dans nos assiettes ?
Des scarabées, des chenilles ou des mouches demain dans nos assiettes ? L’image vous fait sourire, peut-être même vous répugne-t-elle, mais on estime pourtant qu’au moins deux milliards d’individus consomment déjà des insectes à travers le monde. Une pratique, l’entomophagie, encouragée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Sensible depuis toujours aux problématiques environnementales, Virginie Mixe a, avec son compagnon Matthieu Colin, créé Minus Farm, une micro-ferme urbaine d’insectes comestibles.
Le couple a commencé en 2015 en élevant trois espèces dans leur maison de Marcq-en-Barœul : des criquets migrateurs, des grillons domestiques et des larves de ténébrions meuniers, plus communément appelés vers de farine. Puis, au début de l’été 2020, Minus Farm s’est agrandie en installant une unité d’élevage en container à Calais, en partenariat avec l’Association des paralysés de France (APF).
Les insectes sont nourris de son de blé et de légumes, leur alimentation est issue de l’agriculture biologique et provient de producteurs locaux. Ce point différencie Minus Farm des élevages intensifs d’insectes, qui commencent également à se développer.
L’élevage d’insectes, qu’on appelle également « entomoculture », a l’avantage d’avoir un impact environnemental extrêmement faible. D’abord, il émet six fois moins de gaz à effet de serre que l’élevage du bœuf, et nécessite 12 fois moins de nourriture et 100 fois moins d’eau. Ensuite, l’espace utilisé par un élevage d’insectes est moindre, les fermes d’insectes peuvent donc facilement s’implanter en ville. Enfin, « un kilo de vers de farine, c’est le même apport nutritionnel qu’un kilo de bœuf », certifie Virginie.
Les insectes constituent donc une alternative crédible à la viande et pourraient permettre de nourrir les neuf milliards d’habitants que devrait compter notre planète en 2050.
Demain, tous entomophages ?
En 2017, Minus Farm a commencé la commercialisation de ses produits. Sur leur boutique en ligne et dans certains commerces lillois, on pouvait acheter des insectes entiers, mais aussi des biscuits salés ou sucrés à base de poudre d’insectes.
Le couple avait également développé la recette d’un « Incroyable burger » éco-responsable, dont la farce était constituée à plus de 50 % de vers de farine. Si l’aspect des insectes peut en dérouter plus d’un, Virginie nous assure n’avoir pratiquement eu que des retours positifs : « Ce qui nous empêche vraiment, c’est la réglementation, c’est pas la société. »
En effet, depuis 2018, un nouveau règlement de l’Union européenne classe les insectes comme « novel food » (« nourriture nouvelle ») et charge l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) d’évaluer les risques potentiels inhérents à sa consommation.
En attendant, la France a fait le choix, au nom du principe de précaution, d’interdire la vente d’insectes à destination des humains. Voilà pourquoi à la ferme de Calais, on a arrêté temporairement les grillons et les criquets, et on vend les vers de farine à des animaleries pour les pêcheurs, ce qui n’est pas sans générer une certaine frustration. « C’est comme donner de la confiture à des cochons ! », se désole Virginie, qui espère toutefois une autorisation dans les prochains mois. Et si ça n’arrive pas ? « Au moins, j’aurais essayé d’agir pour mes enfants… »
Martin Thiebot
Le point sur la situation : Des insectes déjà dans nos assiettes ?
On vous entend d’ici. “Je ne mangerai jamais d’insectes”, “il faut être fou pour faire une chose pareille” ou encore “moi vivant il n’y aura jamais d’insectes dans mon assiette”. Et si l’on vous disait qu’en fait… vous en consommez déjà régulièrement ?
Eh oui, les insectes font déjà partie de notre alimentation quotidienne. On estime même que nous mangeons de 300 à 500 grammes d’insectes sans le savoir par personne et par an. Cela fait le poids d’une à deux baguettes.
Mais où se cachent ces petites créatures ?
Ici, l’une des responsables est la cochenille. Petit insecte rouge, on broie son corps afin de produire un colorant appelé acide carminique (ou E120). Ce colorant naturel est utilisé dans des préparations industrielles comme les gâteaux, les bonbons ou les yaourts.
Les insectes se cachent aussi dans une grande partie des produits alimentaires de notre quotidien, comme les pâtes ou le pain. Le point commun de ces produits ? Ils sont tous fabriqués à base de farine. En effet, des petits insectes (inoffensifs pour la santé) se développent parfois dans les stocks de farine et il n’existe aucune solution pour tous les en retirer. On retrouve alors des traces de ces insectes dans les produits fabriqués à base de cette farine.
On retrouve déjà des insectes dans une bonne partie de notre alimentation : parfois par erreur, mais aussi de façon utile comme pour fabriquer des colorants. Des extraits aux insectes entiers il n’y a qu’un pas, mais sommes-nous prêts à le franchir ?
Morgan Prot
L’entomophagie va-t-elle tuer les végétariens ?
Crédit vidéo : Quentin Saison